Depuis son enfance, Lara Reffat aime écrire et raconter des histoires. Elle a toujours su qu'elle voulait faire du journalisme. Pour Mme Reffat, le journalisme ne se résume pas à la couverture des problèmes du jour : c'est l'occasion de mettre en lumière les personnes les plus touchées par l'actualité.
"J'ai remarqué que ce vers quoi je tendais, c'était les histoires qui avaient un intérêt humain, des gens avec des noms et des visages. Cela m'a aidée à voir les choses sous un angle différent", explique-t-elle.
La carrière de Lara Reffat commence pendant sa deuxième année à MSA University au Caire, lorsqu’elle cherche à travailler pour une publication locale appelée Women of Egypt.
“Je me suis dit : ‘D'accord, je vais le faire, que peut-il arriver de pire ?’ et j'ai proposé une idée sur l'endométriose, une maladie peu connue en Égypte", raconte-t-elle. "La fondatrice [de Women of Egypt] a vraiment aimé le sujet, et de fil en aiguille, je proposais régulièrement des articles à ce magazine, axés sur les questions d'autonomisation des femmes."
Depuis, cette native du Caire s'est imposée comme une journaliste de premier plan qui met en lumière les problématiques des femmes. Elle nous parle de ses débuts dans le journalisme, de ce qu'elle fait aujourd'hui et de l'influence qu'a eue IJNet pour l'aider à trouver sa voie en tant que pigiste.
Quels obstacles avez-vous dû surmonter en tant que jeune reporter en Égypte ?
Je pense qu'en étant jeune et femme, les gens sont un peu sceptiques quant à la qualité de votre travail. Au début, l'un des plus grands défis était de ne pas avoir un portfolio robuste de travaux à montrer. Au fil du temps, mon travail a commencé à parler de lui-même, mais même aujourd'hui, il y a encore des sceptiques parfois. Il est utile de leur montrer que vous avez fait vos recherches et que vous êtes déterminé à écrire l’article.
Quel article avez-vous préféré écrire jusqu’ici ?
Mon premier article grand format portait sur l'âgisme en Égypte au plus fort du COVID-19, où je suis sûre que beaucoup d'entre nous ont réalisé à quel point l'âgisme est vraiment endémique. J'ai pu constater à quel point ce phénomène est ancré dans notre société : dans les médias, la culture et même la langue. J'ai fait beaucoup de recherches, et mes sujets préférés sont ceux où les recherches ne servent pas uniquement le public. Au cours des recherches, vous apprenez aussi.
J'ai également un faible pour mes sujets plus anciens liés à l'émancipation des femmes, car il est agréable de voir comment j'ai évolué au fil des ans, et il est important de me souvenir de mes débuts.
Comment IJNet vous a-t-il aidée ?
Je parcourais souvent IJNet, car je trouvais qu'il y avait beaucoup d'opportunités intéressantes et passionnantes. On vit tous ce moment où vous avez l'impression d'avoir besoin de quelque chose de sur-mesure pour le stade où vous en êtes dans votre vie. J'ai eu beaucoup de chance de trouver le programme African Arguments. Je me suis tout de suite sentie concernée, car il s'agissait de “l’African Arguments Fellowship for Young Freelancers", un programme pour jeunes freelances en Afrique. Le titre contenait tout ce que [j'étais].
J'ai postulé, même si je savais que c'était un programme sélectif. Mais une fois que je l'ai obtenu, je peux honnêtement dire que cette expérience a changé ma vie. C'était la première fois que je pigeais hors d’Egypte. Je ne pense pas que j'aurais été capable de me plonger aussi entièrement dans la pige à l’international si je n'avais pas eu cet espace sécurisé pour faire le point sur mes envies et obtenir l'aide d'un mentor.
Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?
J'ai eu une autre opportunité par l'intermédiaire d'IJNet, le programme de formation d’African Women in Media, que je suis en train de suivre. Il s'agit d'un programme intensif de huit mois sur le journalisme, de l'écriture au podcasting, qui correspond également à mes valeurs en matière de rédaction de sujets liés aux femmes dans les médias. J'ai pu écrire sous un angle féminin avec African Arguments : le tabou du cyclisme féminin en Égypte et les militantes qui tentent de normaliser l'adoption d'orphelins dans le pays [par exemple]. Aujourd'hui, je suis en train de rédiger mon premier profil pour African Women in Media, qui traite des liens entre le féminisme et les préoccupations environnementales dans le pays.
Quels conseils donneriez-vous aux indépendants qui se lancent aujourd’hui ?
Vous devez accepter que le refus fasse partie du processus. C'est un fait. Mais vous pouvez aussi faire certaines choses pour vous faciliter la tâche en tant que freelance.
Il est très utile d'avoir votre propre petite base de données des médias auxquels vous aimeriez proposer des sujets, ou simplement des histoires que vous aimeriez explorer un jour. Chaque fois que je rencontre un média avec lequel je pense que j'aimerais travailler, ou un rédacteur en chef en demande de pitchs, je me dis : "Bon, je ne suis peut-être pas dans une situation où j'ai l'énergie ou les connaissances nécessaires pour m'adresser à ce titre en particulier, mais je l’ajoute à ma liste." La création d'une liste personnelle facilite les choses, de sorte qu'une fois que vous serez en mesure de pitcher votre article, la moitié du travail sera déjà fait.
Je pense également qu'il est important d'écrire sur des sujets qui vous tiennent à cœur. Le journalisme peut être difficile, mais si vous écrivez sur un sujet qui vous passionne, vous sentirez que cela en vaut la peine.
Une autre chose que j'aime dire aux jeunes, c'est qu'on peut parfois avoir l'impression d'être seul. Avoir un réseau de soutien composé d'autres freelances peut alors être très utile, tant du point de vue professionnel que personnel.
N'ayez pas peur des refus. N'hésitez pas à définir ce sur quoi vous voulez écrire et à vous rendre visible, que ce soit auprès d'autres freelances ou de responsables éditoriaux.
Photo fournie par Lara Reffat.