Cet article fait partie de notre série sur le travail de reportage sur le COVID-19. Pour plus de ressources, cliquez ici.
La pandémie de COVID-19 est source d'incertitude pour les journalistes en début de carrière. La crise sanitaire a accéléré la fermeture de nombreux médias locaux et le développement du travail à distance, forçant ainsi les journalistes débutants à s'adapter.
Alors que les stages et les recrutements pour des premiers emplois sont en suspens, que les rédactions sont réduites (voire ferment), comment ces jeunes reporters peuvent-ils bien démarrer leurs carrières ?
Pour obtenir quelques pistes, j'ai contacté plusieurs journalistes expérimentés pour recueillir leurs conseils à suivre si on se lance dans le journalisme à l'heure du COVID-19.
Trouver de nouvelles manières de raconter des histoires
Plusieurs nouvelles manières de créer des récits ont émergé ces dernières années, sur les réseaux sociaux ou à travers de nouveaux médias audio et écrit. Développer sa maîtrise de ces nouvelles plateformes est essentiel pour les jeunes journalistes coincés à la maison s'ils veulent proposer des reportages originaux.
"Il y a énormément de nouvelles voies professionnelles stimulantes pour des jeunes qui ont un esprit entrepreneurial et un intérêt pour les médias et le journalisme aujourd'hui", assure Anna Codrea-Rado, journaliste freelance, créatrice de The Professional Freelancer, une newsletter de conseils pour freelances, et co-animatrice du podcast “Is This Working?**”.
Ces nouvelles techniques de storytelling sont de bonnes manières de perfectionner son écriture, explique-t-elle. Elle met en avant les podcasts, les réseaux sociaux et les newsletters en particulier. "Les frais de démarrage et de fonctionnement d'une newsletter sont très faibles, par exemple. Il faut être curieux et tester."
Ces nouvelles plateformes ouvrent de nouvelles voies narratives, explique Nabeelah Shabbir, responsable éditoriale en charge des échanges avec la communauté pour The Correspondent. "Instagram, mais aussi les podcasts sont des lieux où se développent de nouvelles manières de raconter des histoires."
Acquérir de nouvelles compétences dans ces domaines permet de faire grandir sa communauté mais aussi de maîtriser ces plateformes, un bon point auprès des recruteurs. "On a l'impression que le marché est déjà saturé mais ces compétences sont très demandées. Il faut donc s’y former," conseille Mme Shabbi.
[Lire aussi : 10 alternatives au stage en journalisme pendant la crise du COVID-19]
Elargir son réseau
Les mesures de distanciation sociale pendant la pandémie de COVID-19 ont privé les jeunes journalistes de moments importants de mise en relation avec des professionnels du métier. Les conférences en présentiel, les événements de networking et autres occasions de rencontrer du monde sont parties en fumée avec l'annulation des grands rassemblements.
Le plus important, selon Mme Shabbir, est de trouver les communautés sur Twitter et les autres réseaux sociaux qui font partie des cercles qui vous intéressent. "J'ai remarqué qu'au fil des années, j'ai autour de moi un groupe de personnes qui connaissent tout ce dont parlent les autres, et qui suivent les mêmes sujets", remarque-t-elle. "Le plus vite vous commencerez à créer votre communauté, le plus vite vous pourrez faire entendre votre voix et trouver votre place."
Mais construire une communauté virtuelle à travers les réseaux sociaux n'est pas la seule manière de réseauter aujourd'hui. Kevin Delaney, co-fondateur de Quartz Magazine et responsable éditorial senior de la rubrique Opinion du New York Times, dit que les journalistes sont aujourd'hui plus ouverts à l'idée d'échanger avec des débutants par téléphone ou par mail maintenant que nombre d'entre eux travaillent à distance.
"Au début de ma carrière, une des manières les plus efficaces pour rencontrer des sources étaient d'aller à des événements. On savait que si on était au bon endroit on pouvait attendre à la sortie et rencontrer des personnes auxquelles on aurait pas eu accès par ailleurs", se souvient Delaney.
"Les choses importantes à dire quand un journaliste se présente sont : 'Bonjour, je suis journaliste indépendant, je travaille avec tel média, j'ai travaillé pour X, Y et Z auparavant. Accepteriez-vous d'échanger avec moi pour ce papier ?'", explique-t-il. "Je pense que plus de personnes sont disponibles pour ce genre d'appels en ce moment. Ils sont devant leur ordinateur toute la journée de toute façon."
[Lire aussi : Cinq moyens de faire avancer votre carrière en journalisme après une perte d'emploi]
Pensez à d'autres domaines
Certaines compétences journalistiques peuvent se développer dans d'autres cadres que celui de la rédaction d'un grand média. La création de contenus, l'écriture de rapports de recherche, les réseaux sociaux et la communication au sein de structures proches du journalisme peuvent tout autant vous permettre de perfectionner vos techniques d'écriture, de recherche et d'interviews, un apprentissage utile pour tout journaliste en début de carrière.
"Si vous voulez vraiment continuer à écrire, je vois bien que les compétences en écriture sont toujours très demandées par des entreprises qui cherchent à créer des contenus en tous genres", dit M. Delaney. "Peut-être qu'aujourd'hui le modèle de carrière qui démarrait dans un quotidien local pour évoluer vers des publications plus grandes n'est plus valable. Peut-être qu'aujourd'hui une carrière démarre plutôt au sein de l'équipe contenu d'une entreprise de conseil, où vous pouvez développer vos compétences, obtenir de l'expérience et gagner en confiance."
Mme Codrea-Rado ajoute notamment que travailler au sein d'une association, par exemple, peut développer des compétences qui seront utiles si vous poursuivez ensuite un parcours d'indépendant ou rejoignez une rédaction. "Le fait est que de nombreux types de structures ont besoin de création de contenu actuellement. Si vous savez où vous voulez aller mais que le chemin le plus direct n'est pas accessible, quelle autre voie pouvez-vous prendre ?", demande-t-elle.
L'expérience de Mme Shabbir en tant que chargée de communication, par exemple, lui a permis de rencontrer de nouveaux contacts et de nouveaux sujets à interviewer à travers le monde. Grâce à ce métier, elle a pu continuer à développer ses compétences d'interview à distance et en création de contenus.
Le plus important, selon Mme Shabbir, est de "continuer à produire", même quand on travaille en parallèle du journalisme. N'hésitez pas à créer un blog ou effectuer des piges pour construire un portfolio et vous faire connaître.
N'oubliez pas les savoir-être
Savoir écrire, enquêter sur le terrain, connaître et appliquer la loi et l'éthique du journalisme... Les savoir-faire sont des éléments clefs pour tout reporter. Mais les savoir-être le sont tout autant : la résilience, l'adaptabilité et la capacité à trouver de nouveaux sujets sont des qualités que les journalistes doivent développer dès le début de leur carrière.
Selon M. Delaney, une des caractéristiques essentielles du journaliste est sa curiosité, et particulièrement sa capacité à déterminer ce qui rend un sujet intéressant puis en faire un bon article. Cela s'apprend, assure-t-il. "Une manière très pragmatique de le faire est de lire des articles et se demander : 'Quelle est la problématique sous-jacente traitée ici ? Quel élément pique votre curiosité au fur et à mesure que l'article avance ? Pourquoi est-ce intéressant ?'"
Etre capable de se relever d'un échec et s'adapter aux mutations du secteur est vital selon Mme Codrea-Rado, notamment lorsqu'on est indépendant. "La résilience n'est pas une qualité figée. On peut l'apprendre, la pratiquer, s'y améliorer et grandir avec et grâce à elle", affirme-t-elle.
Alors que le monde du journalisme avance à tâtons durant cette pandémie de COVID-19, tout n'est pas perdu. Il est important de rester optimiste, de croire en ses objectifs et faire vivre son amour du reportage.
"Faites ce qui vous rend heureux et que vous trouvez intéressant. Ensuite, développez votre réseau dans ce domaine", conseille Mme Shabbir. "Tout ne s'arrête pas juste parce qu'on ne peut pas se déplacer."
Devin Windelspecht un journaliste freelance basé à Washington, D.C.
Image principale sous licence CC par Unsplash via Bonnie Kittle.