Comment pérenniser sa carrière de freelance

23 avr 2021 dans Etre freelance
Une personne à son bureau

Les licenciements dans les rédactions sont un sujet récurrent dans les médias. Plus de 16 000 emplois ont été supprimés dans les rédactions aux États-Unis en 2020, aussi bien dans les rédactions locales que chez les géants des médias.

Que ce soit par choix ou de plus en plus par nécessité, nombreux sont les journalistes qui choisissent de devenir freelance.

J'étais inquiet lorsque j'ai commencé à travailler en indépendant : je ne savais pas du tout où chercher du travail, ni même comment commencer. Je ne savais pas non plus comment faire face à la stigmatisation, heureusement en voie de disparition, autour du travail de pigiste, ni comment en vivre durablement.

Avec les bons outils, le bon état d'esprit et la bonne approche, non seulement vous pouvez survivre en tant que journaliste indépendant, mais vous pouvez prospérer. Dans certains cas, votre situation financière pourrait même être meilleure que celle d'un salarié.

J'ai compilé ici les conseils de quelques pigistes expérimentés et ceux tirés de ma propre expérience en tant que journaliste indépendant.

Adapter son état d'esprit et son vocabulaire

Être pigiste n'est pas fait pour tout le monde. Le travail de freelance exige une mobilisation constante. Cela dit, vous pouvez avoir plus de contrôle sur vos choix éditoriaux, développer une image et des normes uniques et indépendantes.

Le meilleur changement de mentalité que j'ai opéré a été de cesser de considérer le travail freelance comme temporaire. Si vous le considérez comme tel, comme un déclassement ou un vide dans votre CV, c'est ainsi qu'il en sera et c'est ainsi que vous l'aborderez.

Cela ne veut pas dire que vous ne devez pas postuler pour des emplois à temps plein. Continuez d'envoyer votre candidature pour des postes qui correspondent à votre progression de carrière naturelle. Vous serez en fin de compte un meilleur candidat si vous abordez le métier avec cette optique.

J'ai également cessé d'utiliser l'expression "médias pour lesquels je travaille en freelance". Je les appelle mes clients. Cela m'a permis d'avoir plus de contrôle, tout en renforçant ma confiance en moi.

Le salaire et la régularité

La rémunération est importante, mais la régularité l'est encore plus. Avoir des clients réguliers m'apporte une certaine stabilité, tout en me permettant de proposer et d'écrire des articles plus ambitieux.

[Lire aussi : Assurer sa sécurité en tant que journaliste indépendant]

 

Entretenez une relation avec un média par lequel vous pouvez recevoir un volume de commandes fiable. C'est ce que j'appelle mon "job d'ancrage". Il n'est pas nécessaire que ce soit très bien payé, mais cela vous donne une base sur laquelle vous pouvez vous appuyer. Le mien est de travailler comme présentateur d'une émission nationale appelée Business Brief pour le compte d'une startup.

"Je trouve que je me sens toujours plus à l'aise et plus stable financièrement lorsque j'ai au moins un ou deux médias pour lesquels j'écris et qui vont me donner du travail régulier. Parfois, cela signifie qu'il faut accepter un contrat qui ne paie pas très bien, mais qui vous donnera beaucoup de travail", explique Thor Benson, journaliste basé à la Nouvelle-Orléans. "Il est important d'avoir cette base, puis d'essayer d'obtenir autant de travail que possible par-dessus. Certains mois, vous avez beaucoup de travail, d'autres non."

Pour certains pigistes, leur principal client peut changer de mois en mois ou de trimestre en trimestre. "En ce moment, j'ai une base de clients vers laquelle je peux me tourner pour travailler. Ils me paient selon mes tarifs, me donnent des projets intéressants. Mon client principal change d'un mois à l'autre et d'un trimestre à l'autre", explique Wudan Yan, journaliste à Seattle.

Gérer sa base de clients

À partir de là, j'organise mes clients selon une nomenclature précise. Les médias de Niveau 2 sont ceux sur lesquels je peux compter pour un travail assez régulier, environ un article ou deux par mois, chacun. Il s'agit d'une demi-douzaine de médias.

Au Niveau 3, il y a les médias qui peuvent parfois accepter mes articles, mais pas systématiquement. Et le Niveau 4 est celui des publications dans lesquelles j'aimerais paraître, ne serait-ce qu'une fois.

A mesure que votre carrière freelance avance, pensez à développer une expertise dans certains domaines. Cela peut vous identifier comme un reporter vers lequel les médias se tournent de manière proactive lorsqu'ils ont besoin d'un article sur un sujet donné. Il y a beaucoup de bons journalistes politiques, mais pas autant de journalistes spécialisés dans le logement, par exemple. Il y a beaucoup de journalistes économiques qui couvrent la corruption des entreprises, mais pas autant qui couvrent l'industrie des centres de traitements d'adolescents en difficulté.

Enfin, tout en créant votre base de clients, pensez à vous abonner à des newsletters telles qu'Opportunities of The Week et One More Question, qui envoient des listes de responsables éditoriaux à la recherche de sujets.

[Lire aussi : Comment concilier un travail de communication et de journaliste]

Avoir des sources de revenus annexes

L'établissement de sources de revenus annexes vous donne encore plus de contrôle sur votre situation.

Les sources de revenus indépendantes de Mme Yan ont largement contribué à la réussite et à la durabilité de sa carrière professionnelle. Elle co-anime le podcast The Writers’ Co-op, destiné aux créatifs indépendants, avec Jenni Gritters, tout en dirigeant une entreprise de coaching professionnel. "Je suis vraiment devenue ma propre cliente d'ancrage, car Jenni et moi gagnons de l'argent grâce à Writers' Co-op et je gagne de l'argent grâce à mon activité de coaching privé", explique-t-elle.

Aujourd'hui, de nombreux journalistes utilisent Substack pour leurs newsletters, tandis que d'autres ont choisi des plateformes comme Revue, Ghost and Patreon. Pour certains de mes projets audiovisuels, j'utilise un outil appelé Happs, par lequel les téléspectateurs peuvent payer directement des abonnements aux diffuseurs.

"J'aime la sécurité qu'apporte le fait d'avoir un projet que je contrôle à 100 %. Personne ne peut me virer de ma newsletter, personne ne peut me licencier de ma newsletter qui sera là quoi qu'il arrive, et je l'ai construite moi-même depuis le début", déclare Britany Robinson à propos de One More Question.

Vous connaîtrez probablement des périodes creuses où les commandes seront limitées. Bien que ce ne soit pas universel, les budgets des freelances sont plus restreints à la fin d'un trimestre, surtout pendant les vacances et au début de la nouvelle année. C'est le moment idéal pour mettre des projets sur pied qui vous rapporteront à long terme, comme une newsletter. Au cours de ma dernière période creuse, j'ai rédigé des marronniers pour deux lettres d'information que je gère.

Le travail en freelance n'est pas fait pour tout le monde, mais il peut être une alternative enrichissante à un emploi en rédaction. Si vous avez de la jugeote et que vous savez vous démener, vous pouvez vous épanouir.

Comme me l'a dit un jour Laurie Segall, l'une de mes mentors, ancienne correspondante de CNN sur les sujets Tech et fondatrice de Dot Dot Media : "[Le journalisme] n'est pas un métier pour les âmes sensibles. Ce n'est pas quelque chose que l'on fait en dilettante. Si vous êtes obsédé par ce genre de travail, vous faites le bon choix."

Pour les freelances, ce sentiment est décuplé.


Sur IJNet en français, une rubrique entière est consacrée aux journalistes freelance. 


Andy Hirschfeld est un reporter basé à New York, dont le travail se concentre sur les questions liées au coût de la vie. Il écrit pour Al Jazeera English, Observer, OZY, Salon, CNBC, entre autres. Il anime également l'émission d'audience nationale d'actualité économique Business Brief.

Photo par Karolina Grabowska de Pexels.