Des conseils pour une représentation des femmes plus diverse dans vos reportages

30 juin 2021 dans Diversité et inclusion
Deux femmes travaillent sur des ordinateurs

Si de nombreuses organisations médiatiques dans le monde s'efforcent de diversifier leur représentation des femmes, la plupart des publications s'appuient encore sur des sources et des sujets masculins. Selon un rapport publié en 2020 par The Global Media Monitoring Project, "les femmes sont extrêmement sous-représentées dans les actualités, avec seulement 24 % d'entre elles apparaissant en tant que sujets et sources."

Les groupes de femmes marginalisées courent un risque encore plus élevé de sous-représentation. Selon le Status of Women of Color in The Media Report de 2018 du Women's Media Center sur le statut des femmes de couleur dans les médias, "les femmes de couleur ne représentent que 7,95 % du personnel des rédactions de la presse écrite aux Etats-Unis, 12,6 % du personnel des journaux télévisés locaux et 6,2 % du personnel des radios locales."

En choisissant de diversifier leurs sources et la représentation des femmes, les salariés des médias et les responsables éditoriaux ont la possibilité de faire évoluer ces chiffres au fil du temps. Cette diversité permet à son tour à un plus grand nombre de gens de se voir représentés, ce qui contribue à renforcer l'autonomie d'un plus grand nombre de personnes. Selon Seejane.org, association d'éducation sur le sujet des représentations, "Si elle peut le voir, elle peut l'être".

Rendre la diversité des femmes plus visible permet de rectifier les stéréotypes ancrés et les représentations erronées dans les médias. Voici quelques conseils et outils pour vous aider :

1) Faites attention à votre vocabulaire

Plus de diversité des femmes dans les médias ne se résume pas au simple ajout d'un "x" à un mot. Un article de 2018 de la BBC a mis en lumière les débats qui ont eu lieu sur les réseaux sociaux autour du langage que certaines organisations et entreprises ont commencé à utiliser pour tenter de diversifier leur représentation des femmes : plus précisément, l'utilisation du mot "womxn."

L'article met en lumière certaines des questions posées en ligne, par exemple, un tweet de l'utilisateur Sam Baxter, qui a demandé : "Qui cela est-il censé inclure exactement ? Les femmes trans se disent femmes et les personnes non binaires ne se disent pas du tout femmes."

Présumer des usages du langage inclusif sans consulter les sources peut conduire à une mauvaise représentation et à un effacement supplémentaire des groupes marginalisés. Prenez l'habitude de demander aux personnes que vous interviewez d'indiquer leur pronom par exemple, comme je l'ai conseillé pour IJNet l'année dernière dans le cadre de conseils sur la représentation éthique des personnes transgenres dans les reportages. Cela s'applique même dans d'autres contextes.

Si les journalistes font des suppositions sur le genre sans vérifier auprès des personnes qu'ils interrogent comment elles s'identifient, ils risquent de mégenrer les personnes. Par exemple, historiquement, les journalistes qui ont présenté les mouvements de défense des droits liés au genre comme des mouvements de défense des droits des femmes ont pu invisibiliser et mal nommer les personnes qui s'identifient comme autres que femmes au sein de ces communautés d'activistes.

Bien que certaines organisations médiatiques utilisent le terme "femmes" de manière vague pour représenter un large éventail d'identités, il est toujours préférable de vérifier auprès des sources comment elles souhaitent être désignées et si elles souhaitent être incluses dans le groupe sur lequel porte le reportage.

[Lire aussi : Comment journalistes et sources peuvent contribuer à une meilleure représentation des expertes dans les médias]

2) Pensez de manière intersectionnelle

En 1989, la professeure Kimberlé Crenshaw a inventé le terme "intersectionnalité" pour décrire la superposition de l'oppression et des privilèges dans l'identité des personnes. Dans une interview de 2018 pour la National Association of Independent Schools, Mme Crenshaw a expliqué que "les filles afro-américaines ont six fois plus de chances d'être exclues que les filles blanches. C'est probablement un problème de race autant que de genre. Ce n'est pas seulement un problème de race ou seulement un problème de genre".

La théorie s'étend sur de nombreuses intersections de la marginalité, y compris le genre, la sexualité, la race, la classe, le handicap, la couleur de la peau et plus encore. Les créateurs de médias pourraient utiliser l'intersectionnalité comme un prisme à travers lequel diversifier la représentation des femmes en s'adressant à des sources en marge de la féminité.

Lorsque celles-ci sont représentées dans les médias, leur représentation peut être très disparate. Les reportages sur les femmes trans de couleur à faible revenu, par exemple, font souvent état de niveaux élevés de violence à leur encontre, notamment de meurtres.

D'un autre côté, Caitlyn Jenner, une femme trans blanche aisée, a bénéficié d'une attention médiatique qui a célébré son existence et sa transition, comme cette couverture de Vanity Fair en 2015. Si cette couverture a permis de sensibiliser davantage les médias à la question de la transidentité, sa représentation a suscité des réactions mitigées au sein de la communauté trans. Certains ont souligné le privilège de sa race et de sa classe sociale, faisant remarquer que la personne transgenre de couleur moyenne ne bénéficierait probablement pas du même type de couverture.

3) Diversifiez vos sources grâce à Internet

Pour faire face à des médias mondiaux notoirement dominés par les hommes, des organisations ont créé des bases de données en ligne pour aider les professionnels des médias à diversifier leurs reportages sur les femmes.

Le Women’s Media Center propose une base de données appelée SheSource, qui présente un large éventail de femmes expertes dans différents domaines professionnels. Elle comprend un formulaire d'inscription pour les journalistes qui souhaitent rester en contact avec une grande diversité de sources. D'autres organisations telles que Informed Opinions proposent des bases de données qui visent également à assurer un équilibre entre les sexes dans les médias. Ces bases de données comprennent un vaste choix d'experts couvrant un large spectre de la féminité, des avocates aux PDG en passant par les professeures.

Pour les professionnels des médias qui recherchent des sources en Afrique, Quote This Woman dispose d'une base de données d'expertes qui peut les aider. Pour les journalistes à la recherche de femmes d'horizons divers sur le terrain, les réseaux sociaux peuvent fournir un réseau. En suivant les bons hashtags, les reporters peuvent évaluer qui se sent à l'aise selon des étiquettes d'identité particulières. Ils peuvent alors leur tendre la main, mais tout en respectant leur droit de ne pas répondre.

Les professionnels des médias ont non seulement la responsabilité de corriger les biais présents dans les actualités, mais aussi de s'éduquer à la représentation éthique lorsqu'ils traitent de groupes marginalisés. Le fait d'être plus inclusif dans l'identification et la sélection des sources peut jouer un rôle important dans la promotion de l'égalité de représentation.


Nazlee Arbee est une artiste multimédia et une journaliste basée au Cap en Afrique du Sud.

Photo par Christina @ wocintechchat.com sur Unsplash.