Assurer sa sécurité en tant que journaliste indépendant

par Lucía Ballon-Becerra
30 nov 2020 dans Sécurité physique et numérique
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Ceci est le résumé du deuxième webinaire de notre série Freelance Hacks créée en partenariat avec Hack Pack. Un résumé du premier atelier, qui explique comment concilier travail de communication et journalisme, est disponible ici.

La pandémie de COVID-19 a remis les questions de sécurité sur le haut de la liste des priorités des journalistes. Pour préparer les reportages sur le coronavirus, les reporters et rédactions ont dû à plusieurs reprises analyser les risques sécuritaires et sanitaires qu'impliquait ce travail de terrain.

Comment les journalistes freelances se sont-ils assurés que les rédactions qui les employaient garantiraient leur sécurité ? Comment ces garanties peuvent-elles être pérennisées, à mesure que le danger du virus évolue ?

Dans le cadre de notre série Freelance Hacks, organisée en partenariat avec Hackpack, nous avons échangé avec le photojournaliste freelance Christian Monterrosa, la journaliste Aliya Bashir et Elisabet Cantenys, directrice exécutive d'ACOS Alliance, au sujet de l'évolution des besoins des pigistes en termes de sécurité en raison de la pandémie. Les intervenants ont aussi partagé leurs conseils de formation en sécurité et leurs recommandations de ressources à destination des freelances sur ce sujet.

 

 

Voici qu'il fallait retenir :

Les besoins prioritaires liés à la sécurité des freelances et leur évolution durant la pandémie

Monterrosa : L'incertitude liée au virus, le fait qu'on ne sache pas combien il était contagieux, était une grande inquiétude durant les premiers mois. J'ai dû apprendre une nouvelle manière de travailler avec le COVID. Je prenais des habits de rechange en plus, je changeais de masque, je mettais du gel hydroalcoolique.

Les sujets que j'ai couverts avant, comme les incendies en forêt ou les conflits, sont dangereux mais aujourd'hui s'ajoute le risque de s'exposer au virus. Couvrir des manifestations est plus stressant, par exemple.

Bashir : Avant, ma préoccupation principale était la sécurité des personnes impliquées dans l'événement que je couvrais, comme les confrontations violentes entre des civils et des forces de l’ordre, des choses visibles de tous en somme. Cette année, j'ai surtout été inquiet de ma propre sécurité face à un ennemi invisible. C'était un grand changement. Éviter le virus était ma priorité numéro 1 et j'étais obnubilé par les directives de sécurité diffusées par les experts médicaux. Ce qui m'a aidé a été de toujours consulter différentes ressources et guides expliquant comment couvrir la pandémie et comment maintenir la distanciation sociale à chaque étape.

Cantenys : La pandémie a changé notre manière de voir les choses. Avant, la sécurité ne concernait que ceux qui couvraient des zones de conflits ou de guerre. D'ailleurs, de nombreux journalistes qui couvrent la pandémie ont dès le début abordé leur travail de reportage de la même manière qu'on traite une situation de guerre. Maintenant, même si les reporters ne sont pas confrontés aux mêmes niveaux de menace selon le pays où ils exercent et les sujets qu'ils couvrent, avoir les bons réflexes en termes de sécurité est une priorité pour tous et toutes.

[Lire aussi : Conseils pour se remettre après avoir travaillé sur des sujets traumatisants]

Faire part de ses besoins liés à la sécurité à sa rédaction

Bashir : En tant que freelance, on est toujours plus vulnérable à cause du manque d'infrastructure en place, notamment en termes de sécurité et de soutien logistique. Les rédactions avec lesquelles je travaille sont principalement basées en Occident, donc elles ne connaissaient pas les dangers et spécificités locales des pays que je couvre. Par exemple, leurs recommandations d'angle pour un sujet impliquaient parfois des interviews en personne, ce qui était impossible durant les premiers mois de propagation de la maladie. Mais quand je choisissais de faire des interviews à distance, les rédacteurs-en-chef n'étaient pas contents.

De leur point de vue, il fallait sortir un sujet, donc j'ai pris la décision d'évaluer s'il fallait le faire en personne, sur le terrain, ou non.

Monterrosa : Au début, les questions de sécurité étaient peu évoquées en lien avec le COVID-19. Alors que de grandes institutions ont fait l'effort de trouver des équipements de protection individuelle (EPI) pour les gens, je pense que les rédactions auraient pu mieux anticiper. Les pigistes ont une responsabilité équivalente et doivent s'exprimer si on les envoie faire un reportage dans des conditions dangereuses. Ils doivent aussi évaluer les risques derrière chaque proposition de pige.

[Lire aussi : Protégez les indépendants avec des protocoles sanitaires]

 

Il est important d'analyser les coûts et les bénéfices, même de demander une prime de risque ou d'autres garanties de la part de la rédaction. Récemment, les responsables éditoriaux ont été plus volontaires pour me demander si j'avais le bon équipement ou voir s'ils pouvaient m'en obtenir. Même si ce niveau d'attention est encore l'exception, ils font de plus en plus d'efforts.

Comment se comporter en tant que donneur d'ordre

Cantenys : Au sein d'ACOS Alliance, nous avons élaboré des protocoles de sécurité pour le COVID-19, qui s'adressent aux rédactions pour les inviter à se mettre à jour. Ces documents soulignent l'importance de la préparation en termes de sécurité, en plus d'expliquer que les conversations sur les EPI et la sécurité entre les responsables éditoriaux et les pigistes sont un prérequis du professionnalisme en journalisme.

Conseils aux indépendants qui se sentent obligés d'accepter des piges (pour des raisons professionnelles ou financières)

Monterrosa : Je pense que les pigistes doivent accepter chaque commande au cas par cas. Faites le point sur le cadre dans lequel le reportage s'effectuerait, les potentiels imprévus, l'équipement de sécurité à disposition et votre couverture de santé. Avec tout cela en tête, vous verrez si le risque en vaut la peine.

Bashir : Je pense que c'est une décision personnelle. C'est à vous de voir. Discutez de vos inquiétudes avec votre rédaction. Je pense que la communication est la clef. On doit avoir de l'espoir et prendre toutes les précautions et mesures préventives nécessaires.

Cantenys : Les indépendants ne doivent pas prendre des risques pour les autres. On ne doit pas laisser les médias se dédouaner de leurs responsabilités en travaillant avec des freelances. Cette responsabilité vient d'abord du pigiste : échangez franchement avec votre rédaction et invitez-les à se renseigner sur les bonnes pratiques en vigueur.

Ressources citées pendant le webinaire


Lucía Ballon-Becerra est assistante chargée de programmes au sein du Centre International pour les journalistes (ICFJ).