Le photojournalisme peut être un métier à risque, notamment lorsqu'on couvre des événements dangereux ou qu'on suit l'évolution d'une crise sur le terrain. Les zones à risque pour ces photographes sont multiples, allant des zones de conflits armés aux pays en révolte ou dont la situation politique est instable. Actuellement, il s'agit notamment d'endroits comme la Syrie, la Palestine ou le Yémen, entre autres.
Les crises sanitaires, comme les épidémies d'Ebola, de SRAS ou de grippe H1N1 ces dernières années, posent des problèmes de sécurité uniques aux photojournalistes. Aujourd'hui, en pleine pandémie de COVID-19, il nous faut les protéger et les soutenir, qu'ils soient salariés ou indépendants, afin qu'ils puissent gérer au mieux les risques nés de cette nouvelle crise sanitaire.
J'ai ainsi discuté avec de nombreux experts et réuni leurs conseils concernant la sécurité à destination des photojournalistes couvrant le coronavirus en ce moment :
Sécurité : quelques bonnes pratiques
La sécurité et le bien-être doivent être une priorité des photojournalistes lorsqu'ils couvrent le coronavirus. Sami Abu Salem, journaliste et formateur en sécurité des journalistes, détaille ici les procédures les plus importantes à suivre :
- Réduisez votre temps passé sur le terrain : il ne faut se rendre en reportage en personne que lorsque strictement nécessaire. Photographiez uniquement les événements importants liés à la propagation du virus. Vous pouvez vous passer de couvrir en personne des événements banals qui n'apporteront qu'une faible valeur ajoutée aux lecteurs.
- Stérilisez minutieusement tout votre matériel photo. Ceci comprend : vos appareils photo, objectifs, téléphones portables, lumières, trépieds, entre autres. Ne laissez personne d'autre toucher votre matériel, sauf si c'est indispensable.
- Restez informés des dernières études, recherches, actualités et informations liées à la propagation du virus, tant au niveau local qu'international. Adaptez vos propres pratiques de sécurité aux nouvelles informations fiables que vous recevez.
- Restez en contact constant avec des organismes de soutien et des médecins spécialisés reconnus par votre agence de santé locale. Créez une liste de personnes à contacter en cas d'urgence, et incluez-y les noms et coordonnées d'experts médicaux et précisez leur spécialité.
Le photographe Mahmoud Al-Hams de l'Agence France-Presse a complété cette liste avec les conseils suivants :
- Anticipez tous les risques potentiels au travail et ayez un plan d'urgence pour chacun d'entre eux.
- Servez-vous d'objectifs de longue focale ou de téléobjectifs. Cela vous permettra de prendre de belles photos tout en respectant les distances de sécurité.
- Evitez d'entrer dans des centres de santé, des unités de soins intensifs ou des unités de quarantaine. Essayez de voir s'il est possible de prendre des photos de l'extérieur.
- Laissez votre carte de presse à la vue de tous lorsque vous êtes dans des lieux officiels. Cela vous épargnera de nombreuses questions sur votre présence sur place.
- Réduisez votre utilisation des transports en commun. Si vous effectuez vos reportages en voiture, garez-la loin des lieux à risque.
Dr. Magdi Dhuhair, président du comité de contrôle du coronavirus de la bande de Gaza a également ajouté ses préconisations :
- Assurez-vous d'être en bonne santé et de ne pas avoir de conditions pré-existantes qui vous rendent plus vulnérable face au virus. Prenez soin de votre système immunitaire : dormez bien et reposez-vous, mangez sainement et faites le plein de vitamines et de protéines.
- Portez des équipements de protection individuelle adéquats comme un masque ou des gants. Il est important de les changer régulièrement. Si possible, portez des protections supplémentaires comme des lunettes de protection ou des chaussures en cuir.
Le Palestinian Journalists Syndicate a publié un guide à destination des journalistes et des organes de presse sur la couverture du COVID-19. Il contient les recommandations suivantes :
- Suivez les directives données par le Ministère de la santé concernant le contact direct avec les blessés ou malades. Faites attention lorsque vous interagissez avec des personnes sur le terrain qui présentent des symptômes (fièvre, toux, etc.) notamment au sein d'hôpitaux, centres de santé, aux frontières, dans des ports ou aéroports. Ayez une hygiène personnelle irréprochable et portez des équipements de protection individuelle pour limiter le risque de contamination.
- En reportage, ayez toujours un kit médical de secours complet. Assurez-vous d'avoir du matériel de désinfection dans votre trousse de secours. Ayez-la sur vous sur le terrain.
- Evitez tout contact physique (serrages de mains, embrassades, etc.) avec vos collègues. Gardez une distance d'au moins 1,5 mètre entre vous et les autres, notamment en conférence de presse ou sur votre lieu de travail.
- Désinfectez vos mains et votre visage, avant, pendant et après avoir effectué un reportage terrain et avant de retourner à votre bureau.
- N'hésitez pas à demander à votre employeur ou organe de presse de se fournir en équipement de protection individuelle. Soyez conscients toutefois que les bonnes pratiques de sécurité et les protections sophistiquées ne sont pas infaillibles face aux cas graves.
- Evitez les lieux bondés et les rassemblements publics, car vous risquez de vous exposer à des personnes porteuses du virus.
- Gardez en tête que certaines situations sont trop dangereuses pour que vous alliez effectuer votre reportage.
[Lire aussi : La pandémie racontée par les photojournalistes en première ligne]
Photographie : quelques bonnes pratiques
- Prenez vos photos de façon à protéger l'identité, la confidentialité et la dignité de vos sujets. Vos photos doivent montrer votre empathie et attention pour vos sujets. Evitez d'être intrusifs lors de moments de tristesse ou de deuil de la famille et des amis.
- Montrez des histoires et des sujets qui permettent d'informer le public des dangers de la pandémie et des mesures qu'ils peuvent prendre pour les limiter.
- Ne prenez pas de photos de scènes montrant des personnes très malades ou en souffrance. Ces clichés peuvent créer la panique et effrayer ces personnes.
- Soyez attentifs à photographier les équipes médicales qui viennent en aide au public durant cette pandémie. Cela signifie documenter les efforts faits par ces équipes et le personnel non médical qui les épaule, tel le personnel de sécurité, pour aider et soigner les blessés.
- Ne tardez pas à informer votre employeur ou votre donneur d'ordre si vous tombez malade et présentez des symptômes (fièvre, toux, difficultés respiratoires, etc). Si vous êtes malades, mettez-vous en quarantaine pour ne pas contaminer les autres.
Enfin, si vous êtes journaliste freelance et que vous couvrez le COVID-19, contactez d'abord une rédaction et sécurisez votre commande avant de partir en reportage et trouvez un accord avec le média commanditaire sur le type de soutien institutionnel qu'il vous garantira sur place.
Naaman Omar est le fondateur du site de photojournalisme indépendant APAimages, basé à Gaza. Il a participé à l'édition 2019-2020 du centre de mentorat pour entrepreneurs des médias au Moyen Orient et en Afrique du Nord.
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