De nombreux tabous et questionnements éthiques planent au-dessus des journalistes lorsqu'ils se posent la question d'accepter ou non une commande promotionnelle d'une entreprise. Ces clients n'ont pas les mêmes attentes que les médias, ce qui ne facilite pas la réflexion.
Pour beaucoup de reporters, l'impact du COVID-19 sur le secteur des médias a rendu nécessaire le fait de jongler entre piges journalistiques et projets corporate.
Pour vous aider à naviguer au milieux de ces eaux troubles, IJNet et HackPack se sont associés lors d'un webinaire avec Marc Meier et Lauren Razavi, qui, en parallèle du journalisme, ont pu réalisé des missions telles qu'écrire comme prête-plume ou réaliser des vidéos d'études de cas. Ils ont partagé leurs retours d'expériences afin que vous puissiez mieux comprendre comment passer du journalisme au travail de communication (et l'inverse) au fil des projets.
Voici ce qu'il fallait retenir :
1) Comment obtenir des missions auprès d'entreprises ?
Lauren : Les plateformes digitales m'ont permis de comprendre quelles opportunités existaient vraiment. Au début, je ne savais pas trop quels étaient les besoins mais je me suis inscrite sur plusieurs sites et j'ai été contactée par des entreprises. J'ai découvert que c'était bien payé et que le travail était intéressant donc je me suis laissée porter. Créer mon profil sur ces plateformes m'a ouvert les yeux et m'a permis de me rapprocher de pas mal de clients.
Marc : Je voulais absolument faire des documentaires mais après l'université, ma situation financière était précaire. J'ai donc cherché n'importe quel type de travail lié à la réalisation de vidéos.
J'ai fait quelques missions gratuites au début pour me créer un portfolio. J'ai rencontré des gens et pris quelques verres. Puis, quelqu'un a pensé à moi et m'a appelé pour un plus gros projet. Tout s'est développé naturellement à partir de là.
2) En quoi ces missions sont-elles différentes de piges journalistiques ?
Marc : Les médias et les entreprises sont tout aussi exigeants sur la qualité, mais ils ont différentes attentes. Dans la communication visuelle pour des marques, l'image et le son doivent être parfaits. En revanche, le journalisme vidéo s'attache plus au sujet. Le récit est plus important que de savoir si chaque plan est parfait.
Lauren : Un des inconvénients du travail avec des entreprises ou des marques est le nombre de validations nécessaires à chaque étape. De nombreuses parties prenantes donnent leur avis sur votre travail, même si toutes n'ont pas de compétences éditoriales ou qu'on ne leur a pas clairement expliqué les points sur lesquels leurs retours étaient nécessaires.
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Parfois, le produit final pâtit de ce processus éditorial. Dans les médias, on travaille plus dur, plus longtemps et on gagne beaucoup moins. Donc il y a des plus et des moins de chaque côté.
3) Pensez-vous qu'accepter ce type de missions est tabou ?
Marc : A la sortie de l'université, j'avais l'impression d'être un vendu. Mes amis se sont moqués de moi parce que j'avais réalisé un documentaire assassin sur le monde des affaires durant mes études. Au final, il s'agit de définir ce qui vous convient le mieux et ce que vous devez faire pour gagner votre vie. J'ai beaucoup appris, notamment en termes de communication positive et de diplomatie.
Lauren : Je pense que c'est très réducteur de penser que réaliser ces missions fait de nous des vendus. Pour être un bon professionnel de l'industrie créative aujourd'hui, il faut aussi être un bon entrepreneur. Il est important d'être franc et réaliste avec soi-même sur ce sujet.
4) Comment décidez-vous avec qui travailler ?
Lauren : Il faut trouver un équilibre entre l'épanouissement, la réputation et l'argent. Toute structure avec laquelle je travaille doit avoir des valeurs compatibles avec les miennes et je dois être en accord avec leur mission.
5) Comment gérer un client qui ne cesse de vous demander plus de travail que prévu ?
Marc : Il faut connaître sa propre valeur. Mon temps et moi valons un montant déterminé. Lorsqu'il est dépassé, j'écris un mail gentil pour expliquer qu'on peut aller plus loin que ce qui avait été discuté au début mais que ça coûtera plus d'argent. En général, ils sont d'accord. Parfois, ils vont décider que le produit leur convient tel quel.
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Lauren : Tout travail est une histoire de liens. Pour garder un client, la relation prime. Il n'y a donc aucune règle qui vaille pour toutes les situations. Mais pour éviter la plupart des problèmes, soyez transparents et partagez vos tarifs à l'écrit dès le départ et notez tous coûts additionnels qui dépassent le cadre déterminé à l'origine. Ensuite, demandez au client d'approuver toute évolution par écrit.
6) Avez-vous eu des soucis de conflits d'intérêts ?
Lauren : Je pense que quand on travaille avec des entreprises, on peut produire de meilleurs sujets parce qu'on a accès à plus d'informations ou on obtient une meilleure compréhension des enjeux. Cela peut ajouter de la qualité journalistique du sujet final. Mais d'un point de vue éthique, il est de votre responsabilité de faire savoir à votre rédaction s'il y a un conflit d'intérêt.
Leurs meilleurs conseils et astuces
Lauren : Lors d'une mission pour une entreprise, il vous faut comprendre votre rôle dans le projet dans son ensemble. Souvent, on vous donnera le concept créatif général mais il est important de comprendre le rôle précis que avez et ne pas vous préoccuper du reste.
Communiquez de manière claire. Ecrivez tout par e-mail et demandez des confirmations pour que vos responsabilités et vos paiements soient clairs.
Marc : Les gens préfèrent travailler avec quelqu'un d'agréable donc soyez réactif, aimable et arrangeant.
Lors du montage, ne vous énervez pas si quelqu'un plus haut dans la chaîne de décision demande de tout changer. Restez calme.
*Rejoignez-nous mardi 17 novembre à 11 h EST pour le prochain atelier #FreelanceHacks — Safety in 2020 and Beyond sur la sécurité des journalistes en 2020.