Consommation d'actualité : cinq tendances mondiales en images

3 sept 2020 dans Journalisme digital
Twitter sur un mobile

Le Digital News Report, publié chaque année par le Reuters Institute for the Study of Journalism à l'Université d'Oxford, est un des rapports indispensables pour toute personne qui cherche à comprendre les comportements et habitudes des consommateurs d'information.

Cette année, l'étude sort alors que le coronavirus continue d'occuper nos esprits. Le rapport affirme que cet événement "sera sans doute le déclencheur de nouvelles coupes dans les budgets, de consolidations et l'accélérateur de l'évolution des modèles économiques."

Toutefois, malgré l'incertitude causée par le COVID-19, la majorité des tendances exposées dans le rapport se faisait déjà sentir avant la pandémie. Leur répercussions persisteront sûrement encore une fois que nous serons sortis de cette crise. Il est impossible donc pour les journalistes et les organes de presse de les ignorer.

Voici cinq tendances essentielles à connaître, tirées de cette enquête menée auprès de 80 000 consommateurs d'actualité numérique, répartis dans 40 marchés différents.

1) La Norvège, leader mondial des contenus digitaux payants

Les données récoltées en janvier 2020 montrent que de plus en plus de personnes paient pour accéder à de l'information en ligne ; la Norvège mène la marche. Plus de quatre répondants sur 10 dans le pays (ou 42 %) ont déclaré avoir payé pour de l'information en ligne à un moment l'année précédente. D'autres marchés, dont certaines parties de l'Europe, de l'Amérique Latine, de l'Asie ainsi que les Etats-Unis ont également observé une augmentation dans ce domaine.

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Les auteurs du rapport rappellent tout de même "qu'il est important de noter qu'à travers tous les pays étudiés, la plupart des utilisateurs ne paient pas pour accéder à de l'actualité en ligne, même si certains éditeurs ont depuis observé une 'augmentation corona'".

 

Chart 1
Q7a. Avez-vous payé pour du contenu d'actualité EN LIGNE, ou vous êtes-vous servi d'un service d'actualité DIGITAL payant dans l'année écoulée ? Base : échantillon total de chaque marché = 2000.

2) La confiance dans les médias est au plus bas en France et en Corée du Sud

"A l'arrivée du coronavirus, nous avons vu que la confiance dans les médias était globalement au niveau le plus bas enregistré depuis que nous avons commencé à suivre cette donnée", indique le rapport.

A travers le monde, moins de quatre utilisateurs sur 10 (38 %) disent faire confiance "à la plupart des éditeurs d'actualité la plupart du temps."

Ce chiffre augmente légèrement lorsque la question porte sur les chaînes spécifiques que ces utilisateurs consomment, plutôt que sur l'écosystème général des médias. Néanmoins, moins de la moitié des consommateurs d'actualité (46 %) disent faire confiance aux informations auxquelles ils accèdent.

Bien que la confiance accordée aux moteurs de recherche (32 %) et aux réseaux sociaux (22 %) soit encore plus basse, cette statistique devrait inquiéter les journalistes et producteurs au sein des médias d'actualité.

Seuls six pays — la Finlande (56%), le Portugal (56%), la Turquie (55), les Pays-Bas (52%), le Brésil (51%) et le Kenya (50%) — ont un taux de confiance qui dépasse les 50 %. Les niveaux de confiance sont les plus bas à Taiwan (24 %), en France (23 %) et en Corée du Sud (21 %).

Chart 2

3) Les réseaux sociaux sont la première source d'inquiétude face à la mésinformation

Même si le niveau de confiance accordé aux médias d'actualité est bas (notamment si l'on considère que les répondants à l'enquête sont des consommateurs d'actualité et non le grand public), l'étude montre que les utilisateurs sont encore plus inquiets par le rôle des réseaux sociaux dans la propagation de mésinformation qu'ils ne le sont par celui des médias traditionnels.

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Sur l'échantillon étudié, 40 % se sont dits inquiets de la présence d'informations fausses ou trompeuses sur les réseaux sociaux contre 20 % exprimant cette même crainte pour les sites et applis d'information.

A travers tous les pays interrogés, Facebook (29 %), suivi de YouTube (6%) et Twitter (5 %) étaient identifiés comme les sources principales d'inquiétude autour de la propagation de fausses informations, reflétant ainsi la variété des habitudes de consommation médiatique à travers le monde.

Cependant, dans des pays comme le Brésil, le Chili, le Mexique, la Malaisie ou Singapour, où WhatsApp est particulièrement présent, c'est ce service de messagerie qui est pointé du doigt en premier.

Comme le souligne l'étude : "Cette inquiétude est particulière car les fausses informations sont souvent moins visibles et peuvent être plus difficiles à combattre dans ces circuits privés et chiffrés."

Chart 3
Laquelle de ces plateformes vous inquiète le plus sur la question de la diffusion en ligne d'informations fausses ou trompeuses ? Choisissez-en une (ou aucune, le cas échéant). Base : échantillon total de chaque marché = 2000 ; Taiwan = 1027.

4) YouTube, WhatsApp et Instagram : des réseaux sociaux et sources d'actualités en pleine croissance

Parmi les 80 000 consommateurs d'info en ligne interrogés à travers le monde, Facebook (63 %) et YouTube (61 %) restent les réseaux sociaux les plus utilisés sur une semaine. WhatsApp suit en 3e place (48 %). Twitter est 6e avec 23 %, derrière Facebook Messenger (38%) et Instagram (36%). Ces données nous rappellent que les usages des journalistes sur les réseaux sociaux ne sont pas forcément représentatifs de ceux du grand public.

Cette observation est d'autant plus pertinente si l'on considère l'utilisation faite des réseaux sociaux par les utilisateurs lorsqu'il s'agit de s'informer.

Dans les 12 marchés majeurs identifiés, Facebook arrive en tête (36 %), suivi par YouTube (21 %), qui devance WhatsApp de cinq points uniquement. Cela fait penser que certaines rédactions doivent faire de leur canal vidéo une plus grande priorité dans leurs plans de diffusion des articles.

Le format "Stories" est sans doute un élément clef du développement de réseaux sociaux comme Instagram dans le domaine de l'actu. Au Brésil, Instagram (30 %) a déjà dépassé Twitter (17 %) comme source d'information. Au Chili, les utilisateurs se tournent également de plus en plus vers Instagram (28 %) pour s'informer.

Chart 4
Q: Lesquelles de ces plateformes avez-vous utilisé pour vous informer la semaine dernière ? Sélectionnez toutes les réponses pertinentes ou aucune, le cas échéant. Base : Moyenne des 12 marchés ‘Principaux’ : Royaume-Uni, USA, Allemagne, France, Espagne, Italie, Irlande, Danemark, Finlande, Australie, Brésil & Japon (la moyenne des 10 marchés en 2014 ne comptait pas l'Australie et l'Irlande).

5) Peu d'utilisateurs arrivent directement sur des sites d'information

Les grandes enseignes médias, et les journalistes qu'elles emploient, doivent être stratèges pour faire parvenir leurs contenus à leur public. Ce défi est particulièrement ardu lorsqu'il s'agit d'atteindre un public jeune.

L'échantillon de Reuters a révélé que seuls 16 % des utilisateurs issus de la Gen Z déclaraient que leur manière principale d'accéder à l'information était de se rendre sur le site d'un grand média directement. Ils privilégient d'autres canaux comme les réseaux sociaux ou les moteurs de recherche.

De manière générale, plus d'un jeune consommateur sur cinq (21 %) accède à l'actualité via des notifications push, des alertes mobiles, des agrégateurs et des e-mails.

72 % de tous les consommateurs d'actualités déclarent découvrir les actualités par des moyens autres qu'un site Web ou une application d'actualité spécifique. Il est donc important de diffuser votre contenu sur une variété de canaux différents, car le public est de moins en moins attaché à une seule marque.

Chart 5

Le Digital News Report 2020 arrive à un moment charnière pour les journalistes et le secteur de l'actualité. Nous connaissons l'impact énorme du COVID-19 sur les modèles économiques, les pratiques journalistiques et nos habitudes médiatiques dans leur ensemble.

Ici, le coronavirus nous rappelle qu'il est d'autant plus indispensable d'aborder le changement des habitudes d'information, y compris "les changements dans la façon dont les gens accèdent aux actualités, leur manque de confiance dans les médias et leurs inquiétudes croissantes concernant la mésinformation".

Comprendre les comportements et les habitudes de son public, marché par marché, est plus important que jamais. Cliquez ici pour en savoir plus.


Damian Radcliffe est le professeur Carolyn S. Chambers de journalisme à l'Université d'Oregon, membre du Tow Center for Digital Journalism de l'Université de Columbia, un chercheur honoraire de l'école de journalisme, médias et études de la culture de l'Université de Cardiff et membre de la Royal Society for the Encouragement of Arts, Manufactures and Commerce (RSA).*

Il anime également le podcast Demystifying Media, dans lequel il interview des journalistes et chercheurs dans le domaine des médias sur leur travail. Retrouvez-le sur Twitter @damianradcliffe.