Le vendredi 8 septembre, un séisme de magnitude 6,8 a frappé la ville de Marrakech et la région d'Al Haouz au Maroc. Selon le dernier décompte, près de 3 000 personnes ont péri et des milliers d'autres ont été blessées. Il s'agit du tremblement de terre le plus meurtrier que le Maroc ait connu depuis 1960, lorsque celui d'Agadir avait tué au moins 12 000 personnes.
Lors de catastrophes naturelles, les populations sont en alerte et ont besoin d’informations fiables. Le rôle central que jouent les journalistes est donc amplifié : ils doivent rendre compte rapidement et avec précision des événements, vérifier les détails qui changent rapidement sur le terrain, le tout en assurant également leur propre sécurité.
J'ai contacté des journalistes marocains couvrant le tremblement de terre d'Al Haouz pour obtenir leurs conseils principaux sur la couverture de la catastrophe. Ils ont également suggéré quelques sources et initiatives locales vers lesquelles les journalistes peuvent se tourner pour obtenir des informations fiables :
Les témoignages des journalistes
Wafaa Taouzri, journaliste à Medi1 Radio à Tanger, raconte comment le média a assuré une couverture constante du tremblement de terre, lancée peu de temps après le début de la catastrophe. La rédaction a contacté des organismes gouvernementaux officiels tels que les ministères de l’Intérieur et de la santé pour obtenir des informations sur l’impact du séisme. Medi1 a mis en place une équipe de crise, qui a relayé en direct des informations vérifiées au public.
Mohamed Laghrouss, rédacteur en chef du journal Al3omk, basé à Rabat, a souligné la nécessité d'une couverture sur le terrain. Après le tremblement de terre, Al3omk a ajouté deux journalistes supplémentaires à son bureau de Marrakech pour fournir des mises à jour en temps réel et aider à vérifier les informations directement depuis le site de la catastrophe, explique M. Laghrouss.
2M TV, à Casablanca, a envoyé des journalistes sur le terrain pour couvrir le séisme. Le média a émis ses reportages dans les trois langues officielles du Maroc : l'arabe, le français et le tamazight, la langue parlée dans les montagnes du Haut Atlas, région qui a connu les plus gros dégâts, indique Oussama Taïa de 2M TV.
Procédures de sécurité lors de catastrophes naturelles
Les journalistes doivent s’assurer qu’ils sont bien préparés en termes de sécurité lorsqu’ils couvrent des tremblements de terre et d’autres catastrophes naturelles. Ils doivent s'inscrire à une formation sur le reportage des catastrophes et des crises s'ils le peuvent, et effectuer une évaluation des risques avant de se rendre sur le terrain.
Les journalistes doivent garder à l’esprit que les tremblements de terre sont imprévisibles ; il est crucial d'être flexible et disposé à s'adapter lors des reportages, souligne Fadwa Kamal, cheffe de projet à l'ICFJ.
La zone touchée par le séisme au Maroc est montagneuse et les journalistes doivent connaître les routes accidentées et sinueuses, devenues encore plus dangereuses après les éboulements provoqués par le séisme, ajoute-t-elle. M. Taïa a souligné l'importance d'embaucher des guides locaux qui connaissent les routes.
Les journalistes doivent faire des recherches sur l’histoire des tremblements de terre dans les zones où ils sont fréquents et réfléchir aux scénarios possibles sur les conséquences d’un tremblement de terre dans un endroit donné, conseille Mme Kamal. Ces étapes peuvent aider les rédactions à anticiper les prochains sujets qu’il faudra couvrir à l'avenir.
Elle conseille également aux journalistes de penser à la consigne "à terre, à l’abri et tenir" lorsqu'un tremblement de terre se produit. D’autres conseils de Mme Kamal incluent :
- Veiller à ce qu'un soutien psychologique et des ressources soient mis à la disposition des journalistes sur le terrain.
- Passez au peigne fin la zone que vous couvrirez : identifiez des issues pour fuir, des endroits où vous abriter ou aller en cas d'urgence, ainsi que les services de santé à proximité.
- Coordonnez-vous avec les autorités locales, les équipes d'intervention d'urgence et les agences de gestion des catastrophes pour faciliter l'accès aux régions devenues inaccessibles.
- Partagez votre itinéraire et vos coordonnées avec vos collègues et les membres de votre famille.
Lutter contre la désinformation sur les tremblements de terre
Les informations fausses et non vérifiées ont tendance à se propager lors de catastrophes naturelles. Les journalistes doivent veiller à vérifier toute information avant de la publier.
Lors de la vérification d'une information, commencez par surveiller l'évolution de la situation et effectuez un suivi de toute information avant de la publier ou de la republier, explique Yasmine Laabi, journaliste chargée de la vérification numérique à l'AFP. Vérifiez les données et croisez les tendances des actualités sur les réseaux sociaux.
Mme Laabi propose aux journalistes d'utiliser des recherches d'images inversées pour vérifier quand et où des contenus multimédia ont été initialement publiés. La semaine dernière, par exemple, de nombreux sites d'information ont publié une vidéo de prières dans une mosquée, affirmant qu'elle avait été tournée pendant le tremblement de terre. Cependant, le séisme d'Al Haouz s'est produit à 23h10, ce qui n'est pas une heure de prière.
Les journalistes doivent suivre les médias qui collaborent régulièrement avec les journalistes sur le terrain, ajoute Mme Laabi, et consulter les sources officielles pour obtenir des informations sur le nombre de victimes.
Certains médias marocains ont mis en place des initiatives pour aider à vérifier les informations. L'Agence Marocaine De Presse a par exemple lancé SOS Fake News, pour surveiller et vérifier les informations autour du tremblement de terre.
Medi 1 TV a lancé une initiative de reportage pour endiguer le flux de désinformation autour du tremblement de terre et a créé une page dédiée sur son site Internet dédié à la publication d'informations fiables autour d'elle. La Fédération marocaine des éditeurs de journaux a appelé les journalistes à rectifier les faux récits et à maintenir des normes professionnelles et éthiques élevées dans leur couverture.
Pour plus de ressources sur la sécurité en langue arabe, les journalistes peuvent consulter :
- Covering the News in a Dangerous and Changing World Guide, du Committee to Protect Journalists
- Guide pratique de sécurité des journalistes: manuel pour reporters en zones à risques, de l'UNESCO (aussi disponible en français)
Image principale fournie par Oussama Taïa.
Cet article a d’abord été publié sur IJNet en arabe.