Au collège-lycée, Kelechukwu Iruoma est attiré par les histoires intimes. Après avoir lu des articles décrivant la pauvreté et la corruption dans son pays, il veut devenir comme les personnes qui écrivaient ces articles.
"J'ai vu comment je pouvais utiliser mes talents d'écriture pour aborder des questions sociales d'intérêt majeur, compte tenu du fait que les Nigérians font face à de nombreux problèmes sanitaires, d'injustice sociale, de corruption et tant d'autres choses encore", raconte M. Irouma.
Le journalisme en tête, M. Iruoma s’inscrit à l'Université du Nigeria en 2012. Lorsqu'il n'est pas en cours, il travaille en tant que journaliste spécialiste des conflits pour des publications nationales en Afrique.
Après avoir obtenu son diplôme en 2016, M. Iruoma devient journaliste indépendant et commence à produire des articles sur une grande variété de sujets, allant des impacts sanitaires des marées noires dans le sud du Nigeria aux réfugiés climatiques dans l'État de Benue, en passant par la façon dont le football est utilisé dans la médiation des conflits. Depuis huit ans, il utilise le journalisme comme un outil pour humaniser les problèmes urgents de son pays, et il n'a pas l'intention de s'arrêter de sitôt. On peut trouver son travail sur Reuters, African Business Magazine et NPR.
Quel a été votre projet préféré et pourquoi ?
L'un des reportages les plus importants que je considère comme ayant eu un impact réel a été réalisé en 2020. J'ai reçu des fonds de l'ICFJ et Microsoft pour réaliser un reportage sur la pollution environnementale au Nigéria. Le Nigéria produit du pétrole brut ; les communautés et les gens souffraient de la pollution de l'air et les terres qu'ils cultivaient étaient contaminées, donc ils tombaient malades.
J'essayais de trouver les causes du problème, du débat, et aussi de parler du rôle de la pollution dans la communauté. J'ai décidé de procéder à une sorte de laboratoire en distribuant des tests pour découvrir les causes des différentes maladies dont les gens se plaignaient. J'ai ainsi pu échantillonner environ 50 patients.
Je pense qu'environ 60 % des personnes testées souffraient de maladies du foie. Environ un an après la publication de mon enquête, le gouvernement fédéral a mis en place un contrat pour commencer à fournir d'autres sources d'eau à la population.
Comment protégez-vous vos sources et vous-même ?
Parfois, nous devons divulguer leur identité, et s'ils sont prêts à le faire, c'est parfait. S'ils n’y sont pas disposés, c'est possible aussi. Nous devons prendre en compte les questions d'éthique du journalisme. Si vous ne voulez pas que votre nom soit mentionné, je ne [le] publie pas.
Mais j'ai beaucoup de chance que toutes les sources auxquelles nous avons parlé au cours de l'enquête (sur la pollution environnementale) aient accepté de témoigner et d'être nommées.
À quels obstacles avez-vous été confronté en tant que journaliste au Nigéria ?
L'une d'entre elles est d'ordre financier : nous savons que le journalisme est assez coûteux. Il faut de l'argent pour voyager et mener des enquêtes approfondies. Le deuxième obstacle est qu'il est risqué d'être journaliste au Nigéria, car les journalistes ne sont pas protégés. C'est pourquoi certains journalistes fuient les enquêtes qui pourraient mettre leur vie en danger. Par exemple, ils pourraient être attaqués par des agences du gouvernement fédéral ou par des particuliers s'ils enquêtent sur des entités privées.
Il y a environ quatre ans, j'ai réalisé un reportage pour tenter de démasquer des individus qui avaient détourné des fonds publics, dont environ quatre milliards qui l’avaient été par seulement quelques individus. J'ai voulu creuser davantage, car les communautés (desservies par ces personnes) n'avaient pas de logements, pas d'électricité, pas d'eau et des routes en mauvais état. Lorsque je suis allé parler à un des accusés, il a refusé de me parler et a insisté pour que je le rencontre pour une interview. Lorsque j'étais à l'hôtel cette nuit-là, j'ai été informé que j'allais probablement être attaqué et que je devais quitter l'hôtel.
Comment les opportunités trouvées sur IJNet vous ont-elles aidé à devenir un meilleur journaliste ?
En 2018, j'ai obtenu une bourse et ma première formation en journalisme sur la migration et le changement climatique (par l'intermédiaire de l'ICFJ). J'ai suivi une formation de trois jours à Lagos, au Nigéria, et j'ai reçu une bourse de 200 dollars US pour produire un article par la suite.
Bien sûr, IJNet, c’est ma maison. Je me rends sur IJNet tous les jours, car il y a tellement d'opportunités. Je suis vraiment reconnaissant. IJNet a été le moteur de mes réussites en tant que journaliste.
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Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?
Je viens de terminer un article pour African Business et je suis consultant pour des ONG internationales sur des questions environnementales telles que le traitement des animaux sauvages. Je suis donc actuellement en pause, mais je devrais me lancer sur un nouvel article de journalisme d'ici mon retour.
Quels conseils donneriez-vous à d’autres journalistes freelance ?
La seule chose que je dis aux futurs journalistes indépendants, c'est qu'il ne faut pas s’arrêter à l'aspect freelance du métier. Pour moi, le journalisme est une passion. Bien sûr, au Nigéria, le journalisme ne paie pas bien, mais c'est votre passion qui doit vous animer. Être freelance est un moyen d'accéder à quelque chose de plus grand. En tant qu’indépendant, vous pouvez être en lien avec des rédacteurs en chef et d'autres freelances et bénéficier d'opportunités de taille. L'argent ne doit pas être la motivation. Peut-être qu'après deux ou trois ans, vous pourrez obtenir quelque chose de plus important, mais en attendant, il y a tellement de sujets à explorer.
Peut-être voulez-vous vous aventurer dans l'éducation, la politique, le genre, le pétrole et le gaz, mais voyez comment vous pouvez étendre vos compétences [d'abord]. Travaillez dur, et sans vous en rendre compte, vous pourrez avoir accès à de grandes opportunités.
Cet article a été raccourci par souci de clarté.
Photo fournie par Kelechukwu Iruoma