L'année dernière, une jeune journaliste kényane nommée Cece Siago a reçu un courriel l'informant qu'elle avait été acceptée pour une bourse de mentorat sur le climat. Elle était ravie d'être prise dans un programme qui allait enfin l'aider à améliorer ses compétences en matière de journalisme sur le changement climatique et l'environnement, deux sujets qui l'ont toujours passionnée.
"J'étais excitée parce que c'était ma première bourse internationale. Je me suis dit ‘Enfin’", raconte Mme Siago.
Alors que la crise climatique s'intensifie au niveau mondial, l'Afrique est particulièrement vulnérable à ses conséquences. Cependant, les médias grand public sur le continent couvrent rarement les questions liées à l'environnement.
Ce manque de couverture a des effets multiples sur la population. Dans un rapport de 2019 d'Afrobarometer, quatre Africains sur dix ont déclaré ne pas connaître le concept de changement climatique. Dans le domaine du journalisme, de nombreux jeunes reporters africains n'accordent que peu ou pas d'attention à la couverture du climat.
"Le domaine du reportage environnemental en Afrique est encore inexploité. L'une des raisons est que ces reportages ne sont pas prioritaires par rapport à d'autres histoires ou sujets comme la politique", explique Mme Siago.
Créer une nouvelle vague
L'organisation internationale médiatique Climate Tracker a l'intention d'améliorer cette situation en formant les journalistes de moins de 26 ans au reportage sur le climat et en proposant des bourses et des rencontres en réseau.
"Les journalistes africains ont généralement moins accès aux opportunités que les journalistes du Nord. Cet écart est encore plus grand pour les jeunes reporters, qui doivent souvent chercher des opportunités au niveau mondial afin d'accéder à une formation spécialisée sur les questions climatiques. C'est pourquoi Climate Tracker s'est attaché à offrir des opportunités aux journalistes [africains] émergents", explique Sebastián Rodriguez, rédacteur en chef de Climate Tracker. "Nous nous consacrons à la formation d'une nouvelle génération de journalistes talentueux et dévoués sur le continent."
À cette fin, en 2021, Climate Tracker a organisé des bourses virtuelles pour les jeunes journalistes du monde entier afin qu'ils puissent réaliser des reportages sur les questions environnementales dans leurs communautés. Six jeunes journalistes africains, dont Mme Siago, ont été sélectionnés.
"L'impact majeur que Climate Tracker a eu sur ma carrière est qu'il m'a donné le courage d'identifier d'abord les sujets liés au changement climatique et de les proposer aux rédactions", explique Mme Siago. "Cela m'a également donné davantage envie de couvrir le climat et l'environnement. Pour chaque sujet, je suis toujours à l'affût d'un commentaire sur les questions environnementales."
Avoir un impact
La promotion de lauréats Climate Tracker de l'année dernière a eu l'occasion de couvrir la Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP26). Les reportages réalisés par les journalistes africains ont mis en lumière d'importantes questions climatiques en Afrique et au Moyen-Orient.
"Certains des meilleurs reportages ont été réalisés par des journalistes africains, comme celui d'Onke Ngcuka sur le refus de l'Afrique du Sud de s'engager à abandonner le charbon ; celui d'Eman [Mounir] sur les conséquences du changement climatique dans les zones de conflit au Yémen et en Palestine ; celui de Caroline [Ayugi] sur le silence de l'Ouganda sur la déforestation lors du sommet sur le climat ; celui d’Hadeer El-hadary sur les réalités du financement du climat ; et Rahma Diaa sur le passage potentiel à l'énergie hydrogène dans les pays arabes", souligne M. Rodriguez.
Ces articles et bien d'autres sont maintenant disponibles sur le site web de Climate Tracker dédié à l’événement, COP26 Coverage.
Jusqu’ici tout va bien
Le résultat des efforts de Climate Tracker est un intérêt accru pour le reportage climatique dans les médias africains. Les jeunes journalistes du continent produisent de grands reportages sur le climat dans leurs communautés, ce qui entraîne des changements dans les politiques et les décisions gouvernementales liées au changement climatique.
Après qu’Agbaje Ayomide a visité un camp de personnes déplacées dans leur propre pays dans la ville de Makurdi, dans l'État de Benue au Nigeria, il a fait un reportage sur les inondations régulières qu'elles subissent. Le gouvernement de l'État de Benue a alors commencé à mettre en œuvre de nouvelles mesures pour aider à garantir le retour en toute sécurité de plus de 1,5 million de déplacés internes dans leurs foyers ancestraux.
Dans certains cas, également, les reportages réalisés par ces journalistes ont été primés. "Nous sommes très fiers de voir certains membres de notre communauté, comme Rahma Diaa d'Egypte ou Shorai Murwira du Zimbabwe recevoir des prix et être reconnus pour leur travail. C'est une confirmation supplémentaire que tout ce dont les reporters du continent ont besoin est une opportunité de prouver leur talent", souligne M. Rodriguez.
Photo de Justin Lane sur Unsplash.