Journaliste du mois : Dominic Kirui

31 janv 2022 dans Journaliste du mois
Dominic Kirui

À l'âge de 10 ans, le journaliste indépendant kényan Dominic Kirui s’est mis à imiter les présentateurs de journaux télévisés et les animateurs radio. Il ne se souvient pas pourquoi il a commencé à le faire, mais il savait qu'il voulait être comme eux.

“Au lycée, je les imitais encore. Alors, avec un ami, qui est aussi journaliste aujourd'hui, nous avons créé un bulletin d'information pour notre école, afin de rendre compte de ce qui se passait et de lire les actualités aux autres élèves", explique M. Kirui.

Malgré son amour pour le reportage et sa fascination pour cette profession, M. Kirui n'est devenu journaliste lui-même qu'il y a six ans, à l'âge de 27 ans. Avant de devenir journaliste à plein temps, il a enseigné le journalisme là où il a lui-même étudié, l'Université du Mont Kenya, et a travaillé dans une station de radio locale.

"L'un de mes professeurs me disait que je perdais mon temps à la radio et que je devais travailler dans la presse écrite. Je croyais que mon avenir était dans la radio", raconte M. Kirui. "Comme j'étais très bon en classe, mon université m'a demandé de revenir et d'être assistant professeur."

Dominic Kirui a enseigné pendant moins d'un an avant de décider qu'il devait exercer en tant que journaliste sur le terrain. Il avait besoin de cette expérience pratique avant de pouvoir enseigner le journalisme à d'autres personnes.

"Je me suis rendu compte que j'enseignais quelque chose que je ne pratiquais pas", dit M. Kirui, qui travaillait dans une université à Thika, au Kenya, juste au nord-est de Nairobi, la capitale. "Je suis retourné à Nairobi pour être journaliste".

M. Kirui travaille comme journaliste indépendant depuis 2016, se concentrant sur des papiers qui traitent de grands sujets sous l’angle d’histoires personnelles. Au cours des six dernières années, il a couvert divers domaines, notamment le genre, le changement climatique et la sécurité alimentaire. Il a écrit pour plusieurs médias, notamment le Ubuntu Times, Climate Tracker et la Fondation Thomson Reuters.

Ci-dessous, M. Kirui met en lumière les défis qui accompagnent le métier de journaliste indépendant, ses projets préférés et comment une formation qu'il a trouvée sur IJNet l'a aidé à renforcer ses compétences en matière de reportage. Il partage également ses conseils aux autres freelances.

À quels défis êtes-vous confronté en tant que reporter freelance ?

Il y en a beaucoup, mais le plus grand est [simplement] d'être un indépendant au Kenya. Les gens ne vous prennent pas au sérieux. Ils veulent savoir pour quel grand média vous travaillez, afin de pouvoir vous juger à partir de là et vous respecter.

Il faut aussi avoir les moyens financiers de se déplacer et de publier des articles. Au Kenya, les salariés de grands médias peuvent avoir un chauffeur qui leur est attribué [ou] leur hébergement peut être couvert par l’entreprise. Mais en tant que freelance, vous devez vous débrouiller tout seul pour cela.

De nombreuses entreprises ont été très touchées par le COVID-19, et les freelances aussi. Vous proposez un article et, ce n'est la faute de personne, mais vous découvrez que les entreprises n'ont pas de budget, alors que vous avez quand même des factures à payer.

 

Dominic

Vous avez couvert une grande variété de sujets, de la sécurité alimentaire à la politique. Quel est votre papier préféré et pourquoi ?

J'ai écrit un article sur la façon dont le mercure affectait les femmes dans l'une des zones d'extraction de l'or au Kenya. L’International Pollutants Elimination Network, le réseau international pour l'élimination des polluants, s'est rendu sur place pour effectuer des tests de dépistage du mercure dans leur organisme. Ils ont découvert que leur taux de mercure était cinq fois supérieur à celui recommandé par l'OMS, et qu'elles mouraient sans savoir ce qui leur arrivait. J'ai couvert cette histoire, et j'ai découvert que cela les aidait, car pour la première fois, elles ont commencé à comprendre que le mercure qu'elles utilisaient pour séparer l'or était ce qui les tuait.

J'ai également réalisé un reportage sur un moyen très simple de lutter contre le changement climatique, dont beaucoup de gens ignoraient l'efficacité. Il y avait un type qui faisait des recherches sur les arbres qui poussaient dans telle ou telle partie du pays. Il prend des graines, utilise de la poussière de charbon de bois et du manioc, les roule en boules et les met à sécher au soleil. Lorsque ces boules ont séché en forme en petits morceaux, il les donne aux garçons qui gardent le bétail dans les champs. Ensuite, ces garçons les jettent dans les champs sans savoir qu'ils plantent des arbres. Ce concept s’appelle le seed-balling.

En 2018, vous avez participé à une formation de la Fondation Thomson Reuters sur la couverture des questions liées à la prise en charge des enfants en milieux institutionnels, une opportunité trouvée sur IJNet. Comment cela a-t-il renforcé vos compétences en reportage ?

C'est le meilleur événement auquel j'ai participé. J'ai beaucoup appris. J'ai rencontré des personnes avec lesquelles je suis encore en contact aujourd'hui. Hier soir encore, je parlais à l'une d'entre elles. Nous essayons de faire un reportage sur l'esclavage et la façon dont il a affecté les communautés du Kenya et du Malawi.

[La formation] a amélioré mes compétences et a marqué un tournant pour ma carrière dans le journalisme. Après la formation, on nous a offert une subvention pour enquêter sur le trafic d'enfants au Kenya, ce qui m'a permis de découvrir un réseau de trafiquants dont je ne connaissais pas l'existence. Les compétences que j'ai acquises au cours de la formation m'ont aidé à raconter cette histoire.

Quels conseils donneriez-vous à d’autres journalistes indépendants ?

Avant d'être payé, j'ai écrit pendant une année entière pour un média en Irlande, et ils ne m'ont pas payé un centime. Ce qui m'a permis de continuer, c'est de savoir que ce que je faisais était un apprentissage. Depuis lors, toute l'expérience que j'ai accumulée m'a permis d'apprendre de mes erreurs et d'affiner mes compétences en journalisme. Même s'ils ne me payaient pas, je recevais une autre forme de gratification parce qu'ils me publiaient et je savais ce qu'il fallait écrire ou pas. Il ne s'agit donc pas toujours d'être rémunéré, même si cela finit par arriver, car nous avons tous des factures à payer.

Au bout d’un moment, vos efforts seront récompensés, et si vous êtes freelance, c'est mieux car vous pouvez penser librement. Cela prendra du temps, mais vous arriverez à un point où vous n'aurez plus à envoyer de pitchs. Les rédacteurs en chef viendront vous chercher.


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Toutes les photos fournies par Dominic Kirui.