Le journaliste du mois : Khaled Shalaby

6 déc 2021 dans Journaliste du mois
khaled

Il y a un peu plus de 10 ans, alors qu'il était étudiant en ingénierie aérospatiale, le producteur et journaliste londonien Khaled Shalaby a fait équipe avec d'autres étudiants pour couvrir les élections législatives en Égypte et faire le point sur la révolution tunisienne. C'est là qu'est née sa passion pour le reportage sur les communautés du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord.

"En 2010, nous avons créé un petit groupe Facebook pour filmer et documenter ce qui se passait exactement lors des élections [égyptiennes], et pour filmer les arrestations de militants opposés au régime de Moubarak", explique M. Shalaby.

M. Shalaby a déménagé au Royaume-Uni en 2017 pour poursuivre des études d'ingénieur, laissant derrière lui son travail de reporter indépendant pour divers médias locaux et ONG. Cependant, il ne pouvait pas abandonner son envie de raconter les histoires des communautés sous-représentées. Cela l'a conduit vers une voie différente.

"Je me suis retrouvé à travailler et à réfléchir à de nombreux sujets, car dans la région du Moyen-Orient, il y a beaucoup d'actualités à couvrir", dit M. Shalaby. "Je n'ai tout simplement pas pu résister à l'envie d'être journaliste et de laisser mon expérience derrière moi, alors j'ai décidé de réorienter ma carrière pour [me concentrer sur] ça."

Ces trois dernières années, M. Shalaby a travaillé comme reporter multimédia pour Middle East Eye, où il couvre la politique, les droits humains, la culture et l'histoire de la région. Tout au long de sa carrière, il a également produit des documentaires et des talk-shows. Au Royaume-Uni, il a donné des cours à la University of the Arts London sur l'intersection entre le militantisme et le journalisme, et sur l'impact que ces deux activités ont sur les communautés.

M. Shalaby nous parle ici de ses projets préférés, de la difficulté de trouver des sources et d'assurer leur sécurité, et de la façon dont IJNet l'a aidé à devenir un meilleur journaliste.

Quel a été votre projet professionnel préféré et pourquoi ?

Mon préféré est le dernier documentaire que j'ai produit pour Middle East Eye – [c'était] le premier documentaire du média, intitulé The Exiles. C'était une idée à laquelle je pensais depuis quelques années, surtout après la révolution en Égypte.

Nous savons ce qu'il s'est passé, et je pense que nous connaissons les événements et toutes les perspectives politiques et économiques, mais nous ne connaissons pas les gens eux-mêmes. Nous ne savions pas ce qui était exactement arrivé à cette génération. Il s'agit de milliers de jeunes qui étaient en train de protester, d'essayer d'apporter un quelconque changement et de lutter contre la corruption dans leur pays. Mais en quelques années seulement, ils ont disparu et personne ne sait rien d'eux.

C'était une conversation très honnête et profonde entre cette génération et d'autres personnes qui pourraient être intéressées par ce qui se passe exactement dans la région depuis. Cette histoire représente beaucoup de pays, pas seulement l'Égypte.

Quels obstacles avez-vous surmontés et comment maintenez-vous votre niveau de motivation ?

Lorsque l'on fait des reportages sur les pays de la région ANMO, il est très difficile de trouver des personnes qui acceptent de parler aux médias, car dès que vous le faites, vous êtes pris pour cible par le régime. C'est très grave et nous faisons de notre mieux pour garder nos sources confidentielles afin de les protéger.

Au Soudan, nous avons dû cacher le visage de nos sources pour les protéger du gouvernement, ce qui fait qu'il est difficile de les joindre. Il est encore plus difficile de savoir comment faire un reportage sur ces communautés sans nuire aux personnes qui vivent dans ces régions.

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Vous dites que vous cherchez à couvrir les questions qui préoccupent les populations du Moyen-Orient. Pourquoi cela vous tient-il à cœur ?

C'est quelque chose que je sentais que je devais faire parce qu'il n'y avait pas beaucoup de journalistes militants qui faisaient ce que nous faisons. Les médias officiels du gouvernement ne montrent qu'une seule chose et ignorent tout ce qui se passe dans le pays. Pour moi, il était important de montrer la valeur de la liberté et d'être une voix pour les sans-voix, pour les personnes qui souffrent tous les jours et qui n'ont personne pour raconter leur histoire.

C'est pourquoi je suis devenu journaliste. Je veux mettre en lumière l'histoire et la voix de chacun. Je ne me soucie pas de leur religion, de leur culture, de leur origine ethnique, de rien. Je veux juste partager leurs voix avec le monde entier, pour faire connaître exactement ce qui leur est arrivé.

Comment le programme de data-journalisme que vous avez trouvé sur IJNet vous a-t-il aidé en tant que reporter ?

Le data-journalisme est quelque chose que j'ai trouvé très intéressant en raison de ma formation d'ingénieur. Vous avez différentes données randomisées que vous devez collecter et créer un papier à partir de ce que vous trouvez.

Ce programme m'a ouvert l'esprit à différents types de journalisme que je pourrais vouloir faire à l'avenir. Jusqu'à présent, je n'ai pas terminé mon enquête, car le plus difficile est de trouver comment vérifier les données en Égypte, où les ressources sont limitées.

[Lire aussi : La boîte à outils du data-journalisme]

Quels conseils donneriez-vous à celles et ceux qui souhaitent se lancer en tant que journalistes au Royaume-Uni ?

Ne vous contentez pas d'écouter quelque chose sans creuser. Vous devez toujours essayer de voir et de comprendre ce qui s'est passé exactement. Est-ce vrai ou faux ? Bon ou mauvais ? Il est très facile pour [la désinformation] d'exploser partout sans aucune limite.

En tant que journalistes, nous avons ce principe selon lequel nous devons savoir comment vérifier les informations et comment présenter les faits. Nous devons réfléchir à ce qui se passe partout, essayer de le faire de manière neutre et ne pas mêler nos opinions au sujet, car il se peut que vous deviez couvrir quelque chose avec lequel vous n'êtes pas d'accord.


Photo fournie par Khaled Shalaby.