Communiquer des données peut sembler une tâche herculéenne. En tant que journalistes, comment traduire de grandes bases de données chiffrées et leur analyse en reportages cohérents et compréhensibles ?
Les data-journalistes sont les maîtres en la matière. Ils ils ont peaufiné les méthodes de présentation... pour les rendre le plus accessible possible à leurs lecteurs.
Lors d'un webinaire du Forum ICFJ de reportage sur la crise sanitaire mondiale, Jacopo Ottaviani, le data-journaliste en chef chez Code for Africa, a détaillé les méthodes qu'il suit pour mener ses recherches, restituer les données visuellement et les présenter aux lecteurs. Il a notamment discuté de la collecte des données, de l'importance de l'axe des ordonnées et de la confiance que l’on doit insuffler à son public.
Voici ce qu'il faut retenir de cette session :
La méthodologie de restitution visuelle des données
Restituer visuellement des données démarre avec la recherche, qui permet de collecter des données, puis le tri et la vérification des informations collectées et se finalise avec la mise en forme de ces données sous forme de tableaux ou autres images intégrées à un récit.
Avant de construire ce récit, il faut extraire les informations clefs de ces données. "Plus on traite de manière fine les données trouvées en ligne, plus on ajoute de la valeur pour les lecteurs", explique M. Ottaviani. Les data-journalistes doivent chercher à mettre en évidence les liens entre les données et les faits exposés.
La collecte des données
Les données peuvent être trouvées sur des bases de données en ligne mises à jour par des gouvernements ou des ONGs. Si l'information que vous recherchez n'est pas publique, il est possible de la trouver en passant par des programmes de recherche universitaires ou en demandant l'aide et l'appui du grand public.
[Lire aussi : Le data journalisme à portée de tous]
Il est essentiel de vérifier toute information avant d'en faire une restitution visuelle. Lorsque vous créez vos infographies, il faut retirer toute information inutile, comme des titres ou descriptions superflus, qui pourraient brouiller ou surcharger votre message. Ensuite, il faut intégrer ses visuels à un récit. Il est ainsi possible d'en faire des contenus multimédia, des séries de reportages ou des publications sur les réseaux sociaux, orientées autour de ces données.
Maîtriser l'axe des ordonnées
Les tableaux et graphiques doivent refléter le message qu'indique le jeu de données. Les data-journalistes savent que la position de l'axe des ordonnées influe sur le message diffusé. Assurer l'intégrité des tableaux est donc une des conditions de la confiance de votre audience. Soyez vigilants et attentifs aux erreurs si vous vous servez d'outils de visualisation des données.
Contrairement à ce que l'on croit, l'axe des ordonnées ne doit pas forcément démarrer à zéro pour traduire correctement des données. Cette vidéo YouTube de Vox sur l'importance de l'axe des ordonnées explique bien que "choisir un jeu de données plus resserré ne signifie pas faire mentir les chiffres, mais bien mettre l'accent sur les données importantes".
Les tableaux peuvent être facilement manipulés pour cacher des informations ou se concentrer sur certaines données spécifiques afin d'appuyer des discours qui ne sont pas le reflet complet des données collectées. Les reportages que vous produisez doivent être cohérents avec les vérités que vous souhaitez exposer.
Le travail d'équipe
Le data-journalisme est un domaine interdisciplinaire qui réunit journalistes, développeurs et designers qui doivent travailler de concert pour présenter les résultats de leurs enquêtes. Les journalistes collectent et traitent les données pertinentes pour leurs publics. Les développeurs utilisent leurs compétences techniques et informatiques pour aider les journalistes à analyser les données. Les designers mettent en forme ces données avec leurs outils afin de les rendre claires, précises et compréhensibles d'un coup d'œil. Chaque rôle est essentiel.
Faut-il partager toutes les données ou juste les informations traitées ?
"D'une manière générale, je dirais les deux", dit M. Ottaviani. "Il faut faire référence à la source des données. Ensuite, si elles ont été lourdement traitées, il faut inclure le jeu de données retravaillé dans le reportage. Cela peut être à travers d'une note explicative dédiée à la méthodologie utilisée pour l'enquête."
[Lire aussi : Utiliser l'automatisation pour se recentrer sur ses reportages]
"Il est très important de noter les étapes méthodologiques de votre réflexion et d'être transparent pour que les lecteurs puissent les contester si nécessaire", ajoute-t-il.
Quels éléments doit-on partager avec le lecteur lorsqu'on émet des projections ?
"Si vous citez une projection publiée dans une étude ou un site institutionnel, il faut creuser leur approche méthodologique, les échantillons et les postulats sur lesquels ils s'appuient pour l'affirmer", insiste M. Ottoviani.
"Incluez votre lecteur en lui disant qu'il s'agit d'une projection. Essayez d'expliquer les postulats de départ et de mettre en lumière les limites de ces projections, car elles peuvent parfois être erronées. Il est important d'être très clair sur ce point", souligne-t-il.
Les outils et ressources utiles citées durant le webinaire :
- Data Wrapper (boîte à outils)
- Flourish (boîte à outils)
- Lists of reliable sources by Quartz (jeux de données)
- AwesomeData (jeux de données)
- How to Lie with Maps (guide)
- Data Journalism Handbook (guide)
- Plus de ressources de la part de Jacopo Ottaviani.
Naomi Ludlow est stagiaire chez IJNet.
Image principale sous licence CC par Unsplash via Stephen Dawson.