Comment faire du journalisme de solutions l'ADN de votre média

24 nov 2021 dans Sujets spécialisés
Des personnes travaillent devant un tableau blanc

Lorsque la pandémie de COVID-19 est arrivée au Nigeria en février 2020, Nigeria Health Watch a rapidement adapté sa couverture pour se concentrer sur cette crise mondiale. Cependant, au lieu des reportages traditionnels sur les faits et les chiffres, cette organisation de défense de la santé à but non lucratif a opté pour une approche nouvelle et en croissance : le journalisme de solutions. Leurs reportages portaient sur les effets de la pandémie sur les Nigérians et sur la manière dont les communautés réagissaient avec leurs propres solutions, souvent innovantes.

Vivianne Ihekweazu, directrice générale de Nigeria Health Watch, a récemment détaillé lors d'un webinaire du Forum de reportage sur la crise sanitaire mondiale de l'ICFJ la manière dont le média a utilisé le journalisme de solutions pour couvrir la santé et la pandémie. Elle a également donné des conseils aux journalistes et aux rédactions désireux d'intégrer cette approche dans leurs propres reportages.

 

Pourquoi faire du journalisme de solutions ?

Le journalisme de solutions est une innovation relativement nouvelle. Il se concentre sur la façon dont les communautés, les entreprises et les individus répondent aux défis sociétaux en proposant leurs propres initiatives. Il ne doit pas être confondu avec le reportage de "bonnes nouvelles" car il vise plutôt à couvrir les façons dont ces solutions sont durables, réplicables et efficaces.

Nigeria Health Watch a commencé à utiliser cette méthode vers 2013 pour couvrir les questions de santé, un sujet sous-traité dans le pays à l'époque. "On s'est rendu compte que, dans le secteur de la santé, nous étions confrontés à tant de défis, mais personne ne parlait du nombre de programmes qui fonctionnent, des avancées qu'ils permettent et de la façon dont ils font face à des défis que même le gouvernement n'arrivait pas à résoudre", raconte Mme Ihekweazu. "Ce que nous avons fait, c'est examiner les actions qui avaient un impact."

Pour Mme Ihekweazu, les avantages du journalisme de solutions sont doubles. Premièrement, il met en lumière les communautés touchées plutôt que le problème dans son ensemble. Il le fait en montrant leur pouvoir d'agir et comment elles identifient et mettent en œuvre des solutions. Deuxièmement, il permet de demander des comptes au gouvernement en soulignant sa responsabilité dans la résolution des problèmes.

Par exemple, Mme Ihekweazu a remarqué comment la couverture par son média d'une initiative de femmes d'une région rurale du Nigéria visant à acheter un taxi pour transporter les mères sur le point d'accoucher vers les hôpitaux de la région a mis en lumière l'innovation, tout en soulignant les échecs du gouvernement nigérian. "Même si c'était une bonne chose, cela montrait en même temps que le gouvernement manquait à sa responsabilité de fournir des soins de santé et que cette solution était devenue nécessaire", explique Mme Ihekweazu.

[Lire aussi : Ce média nigérian réinvente les codes du journalisme économique]

Comment les rédactions peuvent couvrir les solutions

Lorsque Nigeria Health Watch a commencé à pratiquer le journalisme de solutions, la méthode était encore relativement nouvelle. Aujourd'hui, elle est de plus en plus reconnue. De nombreux médias ont même créé des départements dédiés à la production de reportages de journalisme de solutions.

Pour les journalistes qui débutent dans le journalisme de solutions, Mme Ihekweazu recommande de s'appuyer sur quatre "piliers" pour guider leur travail :

  • Sur quoi porte votre reportage ? En identifiant clairement le problème en question, comme une épidémie de choléra dans une communauté locale, les journalistes peuvent déterminer si le gouvernement ou une ONG internationale s'occupent du problème.
  • Si aucune solution extérieure ne semble exister, la deuxième tâche consiste à voir si des personnes de la communauté se sont saisies du problème. Il peut s'agir d'entreprises, de personnalités reconnues localement ou d'associations.
  • Une fois la solution identifiée, il est important pour les journalistes de ne pas se "contenter de faire des relations publiques", souligne Mme Ihekweazu, mais de réaliser des reportages quantitatifs et qualitatifs pour voir si la solution a réellement un impact. Découvrez ce que disent les gens de la communauté et trouvez des chiffres pour appuyer leur discours. Il peut s'agir du nombre de vies sauvées ou de preuves quantitatives de la diminution du nombre de personnes tombant malades grâce à la solution.
  • Enfin, et c'est peut-être le plus important, établissez dans quelle mesure une solution est réplicable ou durable. La solution a-t-elle un effet à long terme, ou crée-t-elle simplement un changement temporaire qui s'estompe après quelques mois ? Cette solution peut-elle être adoptée par d'autres communautés pour résoudre des problèmes similaires, ou les conditions qui entourent la solution la rendent-elles unique à cette seule communauté ?

En gardant ces piliers à l'esprit, il est tout aussi important pour les journalistes de solutions de savoir pourquoi ils font ces reportages. "La raison doit être de trouver des réponses aux problèmes sociaux. Cela doit être votre étoile du berger", explique Mme Ihekweazu. "Pourquoi voulez-vous le faire ? Vous voulez le faire pour pouvoir donner des moyens d'action et l'espoir que tous les problèmes ne sont pas insurmontables."

[Lire aussi : Le journalisme de solutions : comment et pourquoi s'y mettre ?]

Envisager un avenir sous le signe du journalisme de solutions

Il ne s'agit peut-être pas encore d'un courant dominant, mais le journalisme de solutions prend de l'ampleur. En tant qu'un de ses premiers adeptes, Nigeria Health Watch propose désormais des formations aux rédactions du pays. "Ils l'ont identifié comme quelque chose de novateur, quelque chose qui les aiderait à se différencier des autres médias", dit Mme Ihekweazu.

Cet enseignement n'est pas seulement dispensé au niveau professionnel. Mme Ihekweazu raconte que les universités commencent à créer des modules entiers sur le journalisme de solutions. Ainsi, une nouvelle génération de journalistes qui intègrent efficacement l'approche par les solutions dans leurs reportages pourrait naître, instaurant une nouvelle norme dans le domaine.

Les rédactions désireuses de créer du contenu qui joue un rôle important dans la résolution des problèmes actuels peuvent miser sur le journalisme de solutions. "En fin de compte, au fur et à mesure que l'élan monte, cette approche deviendra centrale à la production d'information", conclut Mme Ihekweazu.


Photo de Christina @ wocintechchat.com sur Unsplash.

Devin Windelspecht est un journaliste freelance basé en Caroline du Nord. Il a pu écrire tant sur la résolution du conflit en Irlande du Nord que les hooligans en Serbie. Il couvre les actualités internationales, les mouvements sociaux et le changement climatique.