Comment améliorer votre couverture des femmes de classe ouvrière

par Paul Cheung, Erika Owens and Ryan Pitts
25 oct 2022 dans Diversité et inclusion
Une femme pose, avec un masque.

Bien que les journalistes discutent tous les jours avec leurs sources, il est rare que ces conversations portent sur la pratique du journalisme en elle-même. En septembre, le Center for Public Integrity et la Tara Health Foundation ont organisé des échanges pour tenter de trouver comment couvrir les femmes de classe ouvrière d’une manière qui place la communauté davantage au coeur des reportages.

Les leaders communautaires ont partagé leurs réactions sur les préjudices que le journalisme a perpétués, ainsi que des propositions d’amélioration. Les journalistes ont fait part de leurs propres frustrations quant aux défis à relever pour changer les pratiques de reportage, et ce avec un niveau d'honnêteté rarement atteint dans des échanges publics.

Cinq manières d’améliorer votre couverture

Ces discussions ont permis de mettre en évidence des techniques spécifiques que les reporters peuvent intégrer dans leur pratique. Elles ont poussé les journalistes à réfléchir aux moyens, souvent invisibles, par lesquels le reportage contribue à renforcer le statu quo, par exemple en s’appuyant sur un récit opposant des individus qualifiés comme les “héros” ou les “méchants”, ceci sans reconnaître les problèmes systémiques.

Les actions que les reporters peuvent mettre en œuvre comprennent :

  1. Arrêter les récits victimaires. Les leaders communautaires disent que souvent, lorsqu'une source est citée dans un article, elle n'est pas décrite de la manière dont elle se voit : comme un travailleur doté de libre arbitre et d’une vision pour renverser les systèmes inéquitables. En partageant les revendications des travailleurs et leur analyse des problèmes, les journalistes peuvent faire évoluer le récit et rendre justice à la joie et la dignité que les gens trouvent dans leur travail.
  2. Investir du temps dans vos relations et prendre soin de vos sources avant et après le reportage. Vous avez un devoir d'attention envers les sources, en particulier celles issues de communautés marginalisées. Établir des relations durables, comme les reporters le font avec les politiciens et les PDG, devrait être une pratique étendue aux travailleurs et aux dirigeants communautaires.
  3. Faire preuve de transparence durant le processus de reportage ; cela favorise la confiance tant avec vos sources que vos lecteurs. Sans transparence, les sources ne comprennent pas pourquoi certaines citations sont choisies ou comment il est possible de parler pendant une heure et ne pas être cité du tout dans un article. En étant clair sur les limites auxquelles vous êtes confronté en tant que journaliste, et sur la façon dont vous envisagez l'objectif de l'article, les attentes de vos sources correspondront à la réalité.
  4. Ré-évaluer ce que constitue “l’expertise” à vos yeux afin de mieux valoriser celle qui provient de l'expérience vécue. Les personnes qui sont répertoriées comme des experts potentiels, celles qui reçoivent une formation médiatique, celles qui font partie des institutions de pouvoir, sont choisies à travers le prisme de systèmes d'oppression en vigueur et maintenus par des chiens de garde bien placés. Mais qui connaît mieux les besoins des femmes de classe ouvrière que ces femmes elles-mêmes ? Considérez cette expérience personnelle comme une expertise aussi précieuse qu'un diplôme ou un titre. Préparez-vous à parler avec ces travailleuses de la même manière qu'avec un PDG, un analyste de think tank ou un universitaire. Faites des recherches sur l’environnement concerné, demandez-leur ce qu'elles pensent des problèmes et des solutions envisagées. En bref, traitez les travailleuses comme les protagonistes de leur propre histoire.
  5. Faire la connexion entre les expériences vécues par ces femmes et les causes structurelles de ces expériences, comme l'a suggéré un leader communautaire. Les reportages qui situent les expériences des travailleuses individuelles dans le cadre de systèmes plus larges aident les lecteurs à mieux comprendre les facteurs auxquels sont confrontées ces femmes et rompent avec le récit trop simpliste du héros et du méchant.

Faire évoluer sa pratique du journalisme

La profondeur et le détail de ces échanges ont généré tant d'idées à mettre immédiatement en pratique par les reporters. Voici l'enregistrement complet du premier panel :

Nous voulons vos retours : écoutez les réactions des leaders communautaires sur le terrain sur la façon dont les actualités dépeignent les femmes de la classe ouvrière. Découvrez quelle couverture médiatique représente cette communauté de manière authentique et apprenez à faire la différence entre une couverture exhaustive ou extractive. Regardez la discussion en entier.

Dans quelques mois, nous effectuerons un suivi auprès des journalistes participants pour voir si ces conversations ont influencé leur pratique. Si vous avez mis en œuvre l'une de ces idées, nous serions ravis d'en savoir plus.


Cet article a d’abord été publié sur OpenNews et a été republié sur IJNet avec leur accord.

Photo de Stitch sur flickr.