Dix conseils pour couvrir les communautés LGBTQI+

13 juil 2022 dans Diversité et inclusion
Un couple regarde la télévision

Dans le monde entier, les minorités sexuelles et de genre (LGBTQI+) sont confrontées à des niveaux alarmants de discrimination, de préjugés et de violences. Pour aggraver les choses, les actualités à propos de leurs vécus sont souvent criblées de préjugés dangereux ou estimées trop taboues pour être couvertes par les médias.

En tant que journalistes, nous avons le pouvoir et la responsabilité de remplacer les stéréotypes déshumanisants par des représentations nuancées de la diversité sexuelle et de genre. Pour ce faire, nous devons mettre nos préjugés de côté et adhérer aux principes fondamentaux de notre profession, à savoir l'équité, l'exactitude et la sensibilité.

Ces conseils mettent en évidence 10 façons d'améliorer la couverture des communautés LGBTQI+.

1. Apprendre de la communauté

Avant de faire un reportage sur la diversité sexuelle et de genre, renseignez-vous sur les problèmes particuliers que rencontrent les personnes LGBTQI+ au sein de votre communauté. La meilleure façon de le faire est de vous rencontrer les représentants de la communauté locale. Bien que certains d’entre eux puissent hésiter à le faire pour des raisons de sécurité ou de mauvais reportages médiatiques vus par le passé, il n’en est pas moins important de lancer cette invitation.

Le chapitre 13 du guide de reportage de Taboom Media (en anglais et français) contient une liste de coordonnées d'organisations de défense des droits LGBTQI+ en Afrique et dans le monde qui peuvent vous aider à entamer cette conversation et à établir de nouvelles relations.

2. Éduquer vos publics

Nos reportages peuvent éduquer, informer ou divertir. Certains médias exploitent les minorités sexuelles et de genre pour divertir leur public ou pour les conforter dans leurs craintes afin d'augmenter le nombre de lecteurs. Ces approches sont dangereuses et non éthiques. Au contraire, nous devons nous efforcer de produire une couverture sensible qui éduque et informe. Pour ce faire, nous devons utiliser un langage précis et accessible et expliquer clairement tous les termes qui pourraient être inconnus. Le chapitre 4 du guide du reportage de Taboom passe en revue les termes clefs que vous devez connaître et éviter. Il est également important de se familiariser avec les termes locaux et de savoir si les personnes LGBTQI+ de votre communauté les considèrent comme sources de reconnaissance ou dérogatoires.

3. Remettre en question les idées reçues

En tant que journalistes, notre rôle pédagogique consiste en partie à remettre en question les préjugés, les stéréotypes et les idées reçues. Si votre source répète un préjugé que vous savez être faux, vous pouvez l'exclure complètement de votre reportage ou l'inclure à côté d'informations exactes qui révèlent clairement l'ignorance ou le parti pris de la source. Dans tous les cas, évitez d'inclure des discours haineux dangereux dans vos reportages.

Certains des pires propagateurs de mythes et de discours haineux sont des experts tels que des médecins, des avocats, des leaders religieux, des psychologues et des universitaires. Soit, ils ne savent pas de quoi ils parlent en matière de questions LGBTQI+, ou ils alimentent délibérément la désinformation pour servir leurs convictions personnelles. Le public fait souvent confiance à ces sources uniquement en raison de leur profession ou de leur position dans la société, il est donc important de vérifier les faits.

4. Inclure des sources modérées et diverses

Il n'y a jamais que deux côtés à une histoire. Plutôt que d'essayer de peindre les questions LGBTQI+ en noir et blanc, plongez-vous dans les gris. Parlez à des sources modérées et diverses. Elles peuvent apporter des nuances aux questions complexes et souvent chargées d'émotions que vous couvrez, et éclairer des réalités et des expériences plus larges. Si vous ne citez que des sources qui ont des opinions diamétralement opposées sur un sujet, vous passez à côté de la grande majorité des personnes dont les convictions se situent probablement quelque part entre les deux extrêmes.

5. Permettre aux sources de prendre la parole pour elles-mêmes

Un cri de ralliement commun parmi les activistes des droits LGBTQI+ et d'autres groupes marginalisés est : "Rien sur nous sans nous".

Lorsque vous abordez la diversité sexuelle et de genre, incluez les perspectives des minorités sexuelles et de genre. Les personnes LGBTQI+ en savent beaucoup plus sur les questions qui affectent leur vie quotidienne que n'importe quel expert ou rapport externe ne pourra jamais le faire. Citer directement des personnes ajoute également l’élément humain qui fera résonner ces histoires auprès du public.

6. Utiliser la terminologie que les sources préfèrent

Plutôt que d'étiqueter les sources "queer", "gay" ou "transgenre", laissez-les s'identifier et utilisez la terminologie qu'elles préfèrent chaque fois que vous le pouvez. Si un mot comme "queer" n'est pas connu de votre public, définissez-le pour lui et remettez-le en contexte pour aider vos lecteurs à comprendre ce qu'il signifie.

Tenez également compte des pronoms de vos sources. Si une femme transgenre utilise le pronom "elle" ou si une source non genrée utilise "iel", pliez-vous à leurs souhaits. C'est une question de dignité et de respect. Vous pouvez aborder le sujet des pronoms en indiquant les vôtres au début de l'entretien. Si votre source ne vous dit pas immédiatement le sien, vous pouvez le lui demander lors de vos questions préalables à l'entretien.

7. Protéger vos sources et vous-même

La meilleure façon de protéger tout le monde est de ralentir. Lorsque nous nous précipitons pour publier des articles sur des sujets sensibles ou des communautés vulnérables, nous sommes plus susceptibles de commettre des erreurs dangereuses. Commencez à améliorer vos habitudes en termes de cybersécurité avant d'entrer en contact avec vos sources en utilisant des canaux de discussion cryptés, des réseaux privés virtuels (VPN) et en prenant d'autres mesures de sécurité.

Une fois que vous avez entamé le processus d'interview, veillez à obtenir le consentement éclairé des sources vulnérables. Cela signifie qu'il faut leur expliquer quand et où votre article sera publié, souligner les dangers qui, à échelle réaliste, peuvent survenir et leur donner suffisamment de temps pour réfléchir seul.e avant d'accepter de vous laisser publier des détails qui pourraient les identifier. Votre objectif n'est pas de faire fuir les sources, mais plutôt de les protéger et de faire un reportage éthique. Parfois, la chose la plus sûre à faire est d'anonymiser les sources à risque en utilisant des pseudonymes ou de supprimer des détails mineurs qui pourraient identifier les personnes interrogées.

8. Illustrer votre article avec des images pertinentes

Les images que vous choisissez doivent être pertinentes pour votre papier et éviter de représenter les gens de manière stéréotypée ou déshumanisante. Par exemple, si vous écrivez un article sur la communauté transgenre du Ghana, n'illustrez pas votre récit avec une photo de femmes blanches se mariant au Canada. Non seulement cette photo n’est pas pertinente, mais elle peut renforcer le préjugé selon lequel la diversité sexuelle et de genre n’est qu’un phénomène occidental.

Il est également important de ne pas sur-sexualiser les personnes LGBTQI+. Si votre sujet porte sur la discrimination dans le domaine de la santé, n'utilisez pas de photos d'hommes torse nu au lit. Les drapeaux arc-en-ciel et les symboles de genre génériques peuvent indiquer à votre public que l'article porte sur les questions LGBTQI+, mais ces images sont également surutilisées. Demandez-vous : "De quoi parle réellement mon papier ?" S'il s'agit de soins de santé, utilisez des images médicales. S'il s'agit d'une affaire de discrimination, utilisez des images de tribunal et de procédures de justice.

9. Raconter des histoires positives 

Trop souvent, la couverture médiatique des personnes LGBTQI+ se concentre sur la douleur, la souffrance et les abus. Il s'agit certes de réalités tristes et inévitables, mais les personnes queer ne se limitent pas à leurs traumatismes. Elles connaissent la joie, l'amour et les moments de bonheur comme tout le monde. Dépassez le point de vue victimaire et essayez de mettre en valeur la puissance et le pouvoir d’agir de vos sources. Pour de bons exemples de tels récits, consultez la série d'anthologies “Hopes and Dreams That Sound Like Yours” (Rêves et espoirs qui ressemblent aux vôtres”), qui présente des histoires de militantisme homosexuel en Afrique.

10. Être honnête avec soi-même

Nous avons tou.te.s nos propres croyances et préjugés. Si vous trouvez que vous ne pouvez toujours pas couvrir les questions LGBTQI+ avec honnêteté, équité, précision et sensibilité, trouvez un collègue qui le peut. Les minorités sexuelles et de genre existent dans toutes nos communautés, et leurs histoires doivent être racontées.


Photo de Shingi Rice sur Unsplash.