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La visualisation des données est une tâche qui n'est plus uniquement réservée aux data-journalistes. C'est devenu une compétence indispensable pour tous les reporters.
Les graphiques et les diagrammes ont été particulièrement essentiels dans la couverture de la pandémie de COVID-19. Ils ont occupé une place de choix dans l'actualité, les gens du monde entier cherchant à s'informer sur le virus et ses conséquences dévastatrices.
Compte tenu de leur importance dans la transmission d'informations susceptibles de sauver des vies dans des moments difficiles, négliger un élément dans votre visualisation pourrait induire en erreur ou créer la panique chez vos lecteurs.
La BBC a commis une erreur de ce type en mars dernier, lorsqu'elle a publié un graphique illustrant la variation des taux de mortalité liés au COVID-19, selon l'âge, l'état de santé et le sexe des victimes.
Les journalistes ont utilisé un histogramme qui, en terminant l'axe des abscisses à une valeur de 15 %, a donné aux lecteurs l'impression, au premier coup d'œil, que tous les patients de plus de 80 ans meurent du virus.
L'intention, cependant, était de faire comprendre que 15 % des personnes âgées de 80 ans ou plus sont mortes du COVID-19. Un utilisateur de Twitter l'a signalé et a demandé à la BBC de modifier le graphique pour éviter toute panique inutile. Le technicien tableau de l'entreprise, Andy Cotgreave, a modifié la visualisation pour mieux représenter les données.
Lorsqu'elle est réalisée correctement, la visualisation des données permet de communiquer clairement et efficacement des données complexes aux lecteurs. Avant de publier, les journalistes peuvent également visualiser des chiffres pour aider à identifier des modèles et des pistes potentielles pour leurs articles, permettant une analyse plus pointue.
Les journalistes peuvent visualiser les données pour atteindre les objectifs suivants :
- Trouver des faits et des tendances dans des ensembles de données
- Communiquer clairement des données complexes aux lecteurs
- Produire des récits axés sur les données, en complément d'éléments de reportage écrits ou multimédia.
- Relayer les données en temps réel au fur et à mesure que les événements se produisent. C'est ce qu'ont fait les journalistes lors de reportages sur la pandémie de COVID-19 et les élections américaines, par exemple.
- Fournir des prévisions et des prédictions fondées sur des données
Il est important que les journalistes ne privilégient pas la conception esthétique au détriment d'une représentation précise des chiffres à disposition. Les journalistes peuvent utiliser différents types de visualisation, tels que les cartes, les histogrammes et les graphiques, pour se compléter les uns les autres afin de fournir une narration plus complète, et produire plus de sujets basés sur les données en général. En particulier en période d'incertitude, comme dans le cas du COVID-19, la fiabilité des faits et des informations est primordiale.
[Lire aussi : Comment utiliser la data-visualisation pour couvrir le COVID-19]
Pourtant, il existe certaines erreurs courantes que les producteurs de visualisation de données peuvent commettre, intentionnellement ou non. Celles-ci peuvent servir un programme politique ou manipuler un certain scénario, par exemple, et ainsi désinformer les lecteurs.
Voici comment les éviter.
Faites attention aux abscisses et ordonnées
Ne pas tenir compte de la ligne de base d'un graphique est une erreur courante. Les axes des graphiques linéaires et histogrammes doivent partir de zéro, sinon le graphique peut prêter à confusion.
Le graphique ci-dessous de Fox News montrant les infections au COVID-19 présente de nombreux aspects trompeurs. L'axe des ordonnées ne part pas de zéro, et les valeurs le long de cet axe ne progressent pas non plus de manière cohérente.
Bien que les données soient statistiquement exactes, la façon dont elles sont représentées donne une idée inexacte des chiffres. Le graphique a également été publié sans référence à la source des données.
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Evitez les biais
Les journalistes ne doivent pas choisir parmi les données pour pouvoir raconter les histoires qui les arrangent. Les données doivent guider le reportage. Laisser un parti pris influencer la visualisation de vos données est une erreur dangereuse qui peut affecter les informations communiquées. Par exemple, si les chiffres sur lesquels vous travaillez montrent une courbe croissante sur votre graphique, c'est ce récit qu'il faut raconter.
Servez-vous des bonnes visualisations
Il est important d'utiliser un graphique adapté aux données que vous présentez. Un diagramme circulaire, par exemple, peut montrer les données sous forme de pourcentages d'un chiffre total. Les cartes, bien entendu, illustrent le mieux la géographie.
Dans le graphique ci-dessous, les journalistes ont tenté de démontrer un écart entre deux indicateurs dans le temps : les nouveaux cas de COVID-19 et les patients sortis de l'hôpital. Malheureusement, les histogrammes ne sont pas bien adaptés à ce type de comparaison et, par conséquent, la visualisation ne parvient pas à communiquer efficacement l'information. Un graphique linéaire aurait été un choix plus adapté.
Respectez les normes
Les journalistes ne doivent pas enfreindre les normes acceptées lorsqu'ils créent des visualisations de données. Par exemple, les lecteurs s'attendent généralement à ce qu'une couleur sombre reflète la densité ou la valeur la plus élevée du graphique, par opposition à une couleur plus claire. S'écarter de ce genre de normes pourrait induire les lecteurs en erreur.
Certaines couleurs ont une connotation directe dans l'esprit du public. Le rouge, par exemple, peut indiquer un danger, tandis que le vert peut transmettre des informations plus positives.
Faites également attention aux symboles, car ils ont chacun leur propre signification. N'utilisez pas d'émojis représentant un visage triste en rapport avec une information positive, par exemple.
Incluez uniquement les éléments visuels nécessaires
Les journalistes doivent éviter les ajouts inutiles dans leurs visualisations. Si un élément de votre graphique ou de votre diagramme ne contribue pas à communiquer l'information, il ne servira qu'à encombrer, voire induira en erreur.
Lorsqu'elles sont bien faites, les visualisations racontent une histoire avec précision et efficacité à partir des données présentées. Il est impératif de consacrer le temps nécessaire à la collecte des données, à leur analyse et à l'identification des histoires qu'elles contiennent. La visualisation des chiffres peut renforcer vos reportages et informer vos lecteurs de manière plus complète.
Amr Eleraqi est un ICFJ Knight Fellow en charge d'un programme de formation et de mentorat qui a pour objectif de développer le data storytelling au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Cet article a initialement été publié sur IJNet en Arabe.
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