X/Twitter : la nouvelle politique de la coche bleue alimente la désinformation

29 août 2023 dans Lutte contre la désinformation
Le logo X en gris, sur fond gris foncé

Depuis le lancement de X, anciennement connu sous le nom de Twitter, en 2006, les journalistes utilisent la plateforme pour interagir avec leurs abonnés et collecter des informations auprès du grand public pour leurs reportages.

Toutefois, lorsqu’en avril, la plateforme a transformé la coche bleue, son outil de contrôle historique, en un service payant, ne prenant plus en compte l'activité, la notoriété ou l'authenticité des utilisateurs, il est devenu beaucoup plus difficile de distinguer les sources crédibles des usurpateurs ou des canulars. Anciennement Twitter Blue, ce service d'abonnement payant s'appelle aujourd'hui X Premium.

"[X] devient [rapidement] un endroit certifié d’utilisateurs non vérifiés", affirme Ewuji Precious, une journaliste nigériane indépendante. "Dans une certaine mesure, les gens voudront davantage croire les personnes dont le profil porte une coche bleue, quelle que soit la véracité ou authenticité de leurs publications, plutôt que le contenu de journalistes qui n’en auraient pas.”

Voici ce que les journalistes doivent savoir sur ces nouvelles règles et comment elles favorisent la propagation de fausses informations.

La nouvelle politique des coches bleues et la désinformation

Dans le passé, les utilisateurs de X demandaient une coche bleue par le biais d'une procédure de demande de vérification gratuite, qui exigeait que les comptes soient "authentiques, reconnus et actifs". Les fonctionnaires et les entités gouvernementales, les célébrités, les activistes, les organes de presse, les journalistes et bien d'autres encore ont ainsi souvent pu l’obtenir.

"La coche bleue indiquait qu'il s'agissait d'utilisateurs vérifiés et que l'on pouvait donc leur faire confiance", explique Bettie Mbayo, fact-checkeuse et cofondatrice de Stage Media au Libéria. En revanche, aujourd'hui, n'importe quel utilisateur peut payer 8 dollars US par mois pour qu'une coche bleue soit attachée à son nom.

Depuis, les fausses informations pullulent. Une étude réalisée par le Quant Lab du Center for Countering Digital Hate, par exemple, a révélé que plus de 25 % des tweets relatifs à l'Ukraine, aux vaccins et au changement climatique rédigés par les abonnés de X Premium contenaient de fausses informations.

La désinformation qui a pu se répandre a déjà eu des conséquences dans le monde réel. Pendant le conflit au Soudan, la principale force paramilitaire du pays, les Forces de soutien rapide (RSF), a perdu sa coche bleue. Un faux compte avec une coche bleue s'est fait passer pour le groupe militant et a faussement revendiqué la mort de son chef Mohamed Dagalo. Ce message a été vu 1,7 million de fois en peu de temps. Le faux compte a été supprimé par la suite.

Dans un autre exemple, plusieurs faux comptes se sont fait passer pour la chaîne de télévision kenyane d'information et de divertissement Citizen TV Kenya, et ont publié des fake news. L'un d’entre eux, qui a ensuite été suspendu, a affirmé que le Dr. SK Macharia, fondateur et président de Royal Media Services, propriétaire de la chaîne de télévision, avait été déclaré mort. Le message s'est répandu jusqu'à ce que Citizen TV Kenya le démente sur X et Facebook.

"L'algorithme d’[X] donne la priorité aux personnes ayant [X Premium], ce qui vous permet d'être en tête des échanges. Lorsque vous commentez ou tweetez, vous avez tendance à être plus visible", explique Alfred Olufemi, journaliste du journal nigérian PUNCH.

Lutter contre la désinformation sur X

Alors que les journalistes sont confrontés à de plus en plus de fausses informations sur X, il est impératif qu'ils prennent des précautions supplémentaires avant de partager des contenus. "Les journalistes devraient éviter de tomber dans l'activisme et de partager leurs convictions, car cela pourrait nuire à leur crédibilité, qui est une valeur fondamentale", pense Lois Ugbede, vérificatrice de faits pour Dubawa.

Mme Ugbede a exhorté les journalistes à "vérifier les faits avant de les partager", afin de conserver la confiance des autres utilisateurs et d'éviter de propager des informations erronées. "Les gens partagent des tweets parce qu'ils pensent que les informations qu'ils contiennent sont vraies", rappelle-t-elle. "L'un des moyens de contrer cela est que les journalistes connaissent la source de l'information et disposent de réseaux (par exemple l’Africa Fact Network, un réseau d'organisations de fact-checking en Afrique) où ils peuvent obtenir des données.”

Les journalistes peuvent également utiliser des outils tels que Spoonbill, Pipl.com, AI Detector, entre autres, pour vérifier l'authenticité des informations sur X, indique Busola Ajibola, directrice adjointe du Centre for Journalism Innovation and Development's Journalism Program.

"Ces outils permettent d'identifier certaines informations diffusées par les utilisateurs de [X] et, la plupart du temps, ils aident à révéler qui se cache derrière les tweets et si le compte est authentique", précise-t-elle. "Notamment, ils vous aident à connaître le lieu et la date de création des comptes pour déterminer s'il s'agit d'une parodie ou d'un compte fiable.”


Photo de Bastian Riccardi sur Unsplash.