Le Nigeria a connu un pic de désinformation sanitaire pendant la pandémie de COVID-19. La diffusion de contenus erronés a sapé les efforts déployés pour contrôler la propagation du virus.
Conscients de cette tendance alarmante, la journaliste multimédia Zainab Oyiza Sanni et le reporter indépendant Olakunle Mohammed ont fondé un service de fact-checking, News Verifier Africa, afin de vérifier les informations en circulation. "Lorsque Mohammed et moi avons créé ce service en mai 2020, nous avons commencé par une page sur les réseaux sociaux en réponse à la vague de fausses informations et de désinformation liée à la pandémie, en particulier au Nigéria", explique Zainab Oiza Sanni.
Bien que satisfaits de leur travail, ils ont rapidement réalisé que les personnes atteintes de déficience auditive n'étaient souvent pas en mesure d'accéder à leurs reportages - ou aux informations en général. "Une interaction avec mes amis de la communauté sourde, qui se sont sentis exclus lorsque je leur ai parlé du podcast et d'une pièce radiophonique que mon équipe mettait en place pour lutter contre la désinformation sur le COVID-19, nous a inspirés", déclare Mme Sanni.
Pour combler ce vide, Mme Sanni et M. Mohammed ont lancé en 2021 un nouveau programme par l'intermédiaire de News Verifier Africa, appelé Kudi, qui utilise un personnage animé pour vérifier les faits en langue des signes. L'équipe de Kudi passe des heures à parcourir les rapports de plateformes de vérification des faits comme Dubawa, PesaCheck, Africa Check et d'autres, afin d'étayer ses efforts de vérification.
Développer Kudi
News Verifier Africa a participé au LEAP innovation lab de l'ICFJ en 2022. L'expérience acquise dans le cadre du programme a aidé l'équipe à poursuivre le développement de Kudi et à réorganiser le site web de News Verifier Africa pour y inclure des fonctions d'accessibilité, telles que des plugins texte-audio et des outils de lisibilité.
"Nous avons toujours eu l'idée de rendre les vérifications de faits plus accessibles, mais il n'y avait pas de méthode particulière pour y parvenir. Le programme nous a permis d'adopter une approche spécifique et d'affiner nos objectifs généraux en quelque chose de plus précis", déclare Mme Sanni.
Après avoir réfléchi à la manière de développer le produit, ils ont sollicité l'avis de leur public cible, les personnes en situation de handicap, pour s'assurer que l'effort répondait à leurs besoins. Ils ont ensuite sollicité à nouveau leur public pour qu'il donne son avis sur le personnage de Kudi, une fois terminé.
"Nous avons pu sensibiliser plus de 600 membres de l'Association des sourds d'Abuja aux troubles de l'information et à l'éducation aux médias. Nous avons impliqué des parties prenantes de toutes les communautés du Nigeria et suscité l'intérêt pour la vérification des faits", affirme Mme Sanni.
Les impacts et l'avenir
Les réactions des journalistes ont été positives.
Hamzat Abaga, du Center for Inclusive Media and Education (Centre pour l'éducation et les médias inclusifs), est encouragé par les efforts déployés jusqu'à présent par Kudi pour atteindre les personnes en situation de handicap. "La désinformation est dangereuse et ceux qui en souffrent le plus sont les personnes en situation de handicap", déclare-t-il. "En dévoilant les vérités qui se cachent derrière les affirmations fallacieuses sur la santé des personnes atteintes de déficience auditive, le projet est d'une importance capitale pour promouvoir l'inclusion dans l’environnement médiatique du Nigeria.
À l'avenir, Mme Sanni a indiqué qu'elle prévoyait d'organiser des ateliers de renforcement des capacités pour les communautés sourdes afin de les former à l'éducation aux médias et à la vérification des faits.
"En fin de compte, cette initiative tend à faire progresser le journalisme africain vers l'objectif nécessaire de la vérité, de la transparence et de l'inclusion de l'information pour tous", déclare Simbiat Bakare, responsable éditoriale à Dubawa.