Journaliste du mois : Gowthami Subramaniam

30 mars 2022 dans Journaliste du mois
Gowthami Subramaniam

Avant même de savoir ce qu'était le journalisme, la journaliste indépendante Gowthami Subramaniam savait qu'elle ne pouvait pas se contenter de regarder les informations. Elle devait trouver un moyen d'y contribuer.

"Je me suis toujours imaginée comme une personne qui sort son appareil photo, se rend dans des endroits et les documente", se souvient Mme Subramaniam.

Après avoir obtenu un master en gestion à l'université de Glasgow, Mme Subramaniam veut faire carrière dans le journalisme. Sa famille s'inquiète toutefois pour sa sécurité. En Inde, les efforts visant à réduire les journalistes au silence, en particulier les femmes reporters, sont en hausse.

Mettant son rêve de faire du journalisme en veille, elle décide de retourner à l'école pour obtenir un MBA. Pourtant, Mme Subramaniam a toujours eu envie d'écrire et de raconter les histoires des femmes et des hommes. Après beaucoup de recherches et de réseautage, elle se sent suffisamment à l'aise pour lancer sa carrière de journaliste indépendante en 2018.

Dans les années qui ont suivi, cette native du Tamil Nadu se concentre sur la réalisation de films centrés sur les questions néonatales, le changement climatique et la politique. Très tôt, en tant que journaliste nouvellement reconvertie, Mme Subramaniam crée sa première série de films, sur les politiciens du Tamil Nadu. Elle a depuis produit des films pour divers médias, notamment The News Minute, Darbar, et Blacksheep.

Quel a été votre projet favori et pourquoi ?

Mon préféré est Flood Baby parce qu'il parle d'une jeune mère, de ses difficultés, de ses enfants et de son nouveau-né dans un contexte de changement climatique. [Le film] montre comment les mères et les enfants sont affectés par les catastrophes climatiques telles que les inondations.

Il évoque également l'anxiété que ressentent une mère ou un jeune couple lorsqu'ils donnent naissance à un enfant ou le laissent dans un monde qui n'est pas sûr pour eux à cause d’incidents climatiques. Beaucoup de choses me touchent personnellement [dans ce projet].

 

Quels obstacles avez-vous rencontrés en tant que journaliste en Inde ?

En Inde, le lien entre le changement climatique, la santé maternelle et la santé des nouveau-nés est très récent. Il m'a été difficile de faire parler les experts. Le plus important, c'est qu'il existe ici un obstacle culturel qui empêche les femmes de parler de leurs droits reproductifs. Quelques-unes de mes amies se sont senties coupables d'avoir enfanté, mais elles ne veulent pas l'admettre devant une caméra. Si elles l'avouent ouvertement, la culture d'ici les prendrait de haut.

Le deuxième [défi] était que les gens souffrent d’année en année d'inondations récurrentes dans des zones saturées d'eau. Ils l'ont accepté à tel point qu'ils continuent à vivre avec les inondations et [dans ces zones saturées d’eau], ce qui les rend malades.

Les gens ne se rendent pas compte que la santé des mères et des nouveau-nés est [importante]. Les nouvelles mères et les nouveau-nés sont les plus vulnérables au changement climatique, car ils ne bénéficient pas d'un soutien approprié en matière de santé mentale. J'ai dû interviewer des femmes qui avaient subi une dépression post-partum pendant les inondations. Avec toutes ces choses, les gens étaient très réticents à se porter volontaires pour un entretien.

Comment vous protégez-vous et vos sources ?

Je me suis concentrée sur les personnes qui étaient émotionnellement liées aux inondations. Les mettre à l'aise était compliqué. J'ai également dû prendre en compte les limites personnelles des femmes vis-à-vis de leurs émotions. Elles ne voulaient pas révéler certaines informations devant la caméra. Je leur ai fait comprendre qu'il était de leur devoir de se manifester et de parler au nom d'autres femmes.

Quels conseils avez-vous pour d’autres journalistes freelance ?

La confiance joue un rôle énorme et ces histoires représentent une partie très vulnérable de la vie [d'une source]. Il y a eu tellement de moments qui étaient personnels et riches en émotions. Établir ce lien personnel est crucial. Sans cette confiance, sans cette relation qui va au-delà du professionnel, les sources ne se confieraient pas autant.

Comment les annonces trouvées sur IJNet vous ont-elles aidée à être une meilleure journaliste ?

Mon bébé avait six mois lorsque j'ai postulé pour une annonce de l’Earth Journalism Network [pour réaliser] Flood baby. À l'époque, je pensais que je n'étais pas prête à aller dans un bureau à temps plein, car j'avais mes propres responsabilités. J'ai commencé à chercher des opportunités en tant que pigiste, et IJNet a joué un rôle crucial à partir de là.

 

 

Plus tard, après avoir assisté au World Congress of Science and Factual Producers (WCSFB), j'ai trouvé une bourse d'études pour les producteurs émergents par le biais d'IJNet. C'est à ce moment-là que j'ai noué de nombreuses relations internationales. J'ai appris comment fonctionne le marché et comment les gens financent [leurs films]. J'ai pu rencontrer de nombreux distributeurs, agents de financement et diffuseurs. C'était la bonne opportunité pour moi. C'est en 2018 que j'ai vraiment commencé à [faire] des documentaires et que je les ai vus comme une énorme plateforme [pour mon travail].

Sur quels projets travaillez-vous en ce moment ?

J'ai déposé ma candidature à cinq bourses par l'intermédiaire d'IJNet, et j'attends de recevoir les résultats. J'ai fait les entretiens préliminaires pour deux d'entre elles.

Je travaille également sur un article sur la maltraitance des enfants. Il s'agit d'enfants dont les parents ont été victimes de maltraitance lorsqu’ils étaient enfants. J'ai également l'intention de créer ma propre maison de presse. Ma visibilité au WCSFB et via IJNet a été essentielle pour mes projets d'entrepreneuriat dans le journalisme.


Cet article a été raccourci et édité pour plus de clarté.

Photos fournies par Gowthami Subramaniam.