Journaliste du mois : Enock Nyariki

7 mars 2023 dans Journaliste du mois
Enock Nyariki

Vérificateur de faits expérimenté, le journaliste kényan Enock Nyariki a dirigé l'organisation africaine de fact-checking PesaCheck de 2020 à 2022, dont les équipes réparties dans 12 pays, corrigent les fausses informations dans six langues, comme l'amharique, le français, l'anglais et le swahili.

Aujourd'hui, il parcourt le monde en tant que responsable de la communauté et de l'impact de l’International Fact-Checking Network (IFCN) de Poynter, qui rassemble une communauté mondiale de vérificateurs de faits pour lutter contre la désinformation.

Lorsque j'ai rencontré M. Nyariki, j'ai été impressionnée par son approche pédagogique de l'enseignement de la désinformation et des moyens de la combattre. Entre deux déplacements, M. Nyariki a gentiment pris le temps de répondre à quelques questions pour IJNet :

Comment êtes-vous devenu journaliste et quand avez-vous découvert le fact-checking ?

Je suis tombé amoureux du journalisme en 2005, alors que j'étais au lycée. J'étais intrigué par le pouvoir des mots et je voulais raconter les histoires qui comptaient autour de moi. Lorsque j'étais étudiant de premier cycle à l'université Moi au Kenya, j'ai développé mes compétences en tant que journaliste et responsable éditorial. Je suis devenu le rédacteur en chef du bulletin d'information du campus et certains de mes travaux ont été publiés par deux grands journaux du pays alors que j'étais étudiant.

En 2014, je suis devenu le rédacteur en chef fondateur de Hivisasa, un site d'informations locales au Kenya. Nous mettions l'accent sur le contenu généré par les utilisateurs, et je dirigeais une équipe éditoriale qui vérifiait les faits de chaque sujet qui arrivait chez nous. Malgré les défis posés par des outils de vérification limités et la prévalence de fausses pistes, en étant impartiaux et transparents, nous avons réussi à conserver la confiance de millions de nos lecteurs mensuels au fil des années. Mon intérêt pour les reportages précis m'a conduit à devenir le rédacteur en chef du site de vérification des faits PesaCheck au début de 2020.

Comment IJNet a-t-il influencé votre carrière ?

Je considère [IJNet] comme l'une des ressources les plus précieuses pour les journalistes à la recherche de bourses et d'opportunités d'emploi. En tant que lecteur depuis des années, j'ai eu le privilège de découvrir les expériences et les histoires de collègues journalistes de différentes régions du monde. Je garde également un œil sur les bourses de l'ICFJ [sur IJNet].

Dans vos formations, vous vous efforcez de distinguer les types de mésinformation et de désinformation qu’on trouve dans l’actu. Quels sont-ils ?

Nous avons étudié les modes de diffusion des fausses informations et nous nous sommes référés aux meilleures pratiques dans le domaine avant de décider de cette nomenclature de la désinformation : ce qui est faux, les contenus imposteurs, ceux fabriqués, les faux contextes et la parodie.

Y’a-t-il un type de fausses informations plus répandu en Afrique ou pensez-vous que les soucis sont les mêmes, quel que soit le pays ?

Je pense que l'Afrique a plus de contrefaçons bon marché, de manipulations d'images et de titres de fake news [également connus sous le nom de "deepfakes"] que d'autres parties du monde. Malgré ces différences, je vois [surtout] des similitudes dans ce que les vérificateurs de faits vivent dans le monde.

 

Enock Nyariki
Enock Nyariki

 

Quelle est la valeur ajoutée des fact-checkeurs?

En ces temps de désinformation galopante, le travail des vérificateurs de faits n'a jamais été aussi crucial. [Les fact-checkeurs] s'efforcent d'éduquer le public aux médias afin qu’ils puissent distinguer le vrai du faux, tout en corrigeant les affirmations virales. Les fact-checkeurs sont déterminés à défendre la valeur de l'honnêteté dans le discours public et à demander des comptes aux personnes au pouvoir.

Le Code de principes de l'IFCN, que tous les signataires vérifiés s'engagent à respecter, exige de tous les vérificateurs de faits qu'ils soient justes et non partisans. Les praticiens de l'éducation aux médias luttent contre les nouveaux défis qui découlent de la prévalence des chambres d’écho et du biais de confirmation. La recherche montre que le fact-checking réduit la croyance en la désinformation.

Quel est le type de mésinformation le plus nocif que vous ayez observé ?

Il est difficile de déterminer quel type de désinformation est le plus nuisible, car les mensonges sanitaires et politiques peuvent tous deux causer des dommages dans le monde réel. À mon avis, les vérificateurs de faits doivent consacrer leurs ressources limitées à la démystification des deux types de désinformation, étant donné les conséquences potentiellement mortelles des fake news en matière de santé et les menaces que les mensonges politiques font peser sur les institutions démocratiques.

Êtes-vous optimiste ou pessimiste quant à la lutte contre la désinformation en 2023?

La menace de désinformation s'accroît à mesure que l'utilisation de grands modèles linguistiques comme ChatGPT augmente. Néanmoins, il y a des raisons d'être optimiste, car les vérificateurs de faits adoptent une approche plus proactive et collaborative, et les campagnes de “prebunking” gagnent du terrain.


Photos fournies par Enock Nyariki.