Journaliste du mois : Adnan Aamir

4 janv 2023 dans Journaliste du mois
Adnan Aamir

Ayant grandi au Baloutchistan, au Pakistan, Adnan Aamir a constaté de ses propres yeux le manque de journalisme dans la région, ainsi que le peu d'attention accordée par les médias traditionnels à cette vaste (mais peu peuplée) région du sud-ouest du Pakistan. Ses expériences l'ont poussé à écrire, ce qui a donné naissance à Balochistan Voices.

M. Aamir travaille comme journaliste, responsable éditorial, chercheur et formateur de jeunes journalistes. Il endosse ces rôles tout en dirigeant Balochistan Voices, qui a été créé dans le but de couvrir l'actualité de cette province dont on parle peu.

Aujourd'hui, M. Aamir aide également les reporters en début de carrière à apprendre les bases du journalisme en ligne et à remédier aux déserts d'informations comme le Baloutchistan.

Comment avez-vous démarré votre parcours journalistique ?

Enfant, quand j'étais à l'école, je voulais vraiment écrire. J'écrivais des essais pour raconter mes histoires. C'est ce qui m'a poussé à écrire professionnellement. J'ai d'abord commencé à bloguer et une fois lancé, je ne pouvais plus m'en passer. Cela m'a orienté vers le journalisme et c'est ainsi que j'ai démarré ma carrière.

Comme je viens du Baloutchistan, une zone de conflit en tension qui ne bénéficie pas d'une couverture médiatique adéquate aux États-Unis, je peux m'identifier aux problèmes [des habitants de la région] et donc les rapporter.

Qu’est-ce qui a nourri votre intérêt pour des sujets comme les affaires internationales, les conflits et l’économie ?

Au départ, je couvrais principalement la province du Baloutchistan, une zone de conflit où les problèmes sont nombreux. Mais au fur et à mesure que ma carrière progressait et que je commençais à écrire pour des journaux internationaux, j'ai remarqué que [ces médias] couvraient les questions nationales [au Pakistan], mais aussi les sujets internationaux.

Aujourd'hui encore, la majeure partie de mon travail consiste à couvrir le Pakistan pour des publications étrangères. Ce que nous faisons, c'est rapporter les histoires qui concernent le pays, mais qui ont une importance internationale. Ces reportages m'ont beaucoup appris.

Pourquoi est-il important de couvrir le Baloutchistan et comment votre travail contribue à lutter contre le désert d’information dans la région ?

Lorsque je travaillais pour les journaux nationaux, il y avait beaucoup de sujets qui n'étaient pas couverts et dont même mes responsables éditoriaux ne me parlaient pas. J'ai donc créé cette petite plateforme en ligne, essentiellement [gérée] par des bénévoles qui écrivent des reportages sur toute la province. [Balochistan Voices] est également l’occasion pour les plus jeunes de se faire la main. Nous voulons les mettre à l'épreuve avant qu'ils ne se lancent auprès des grands médias. C'est ce que nous faisons depuis six ans.

Lorsque nous avons commencé en 2016, nous étions le seul journal en ligne [de la région]. Maintenant, comme les médias se sont beaucoup développés, nous avons beaucoup de concurrents, ce qui est bon signe. Mais nous avons également été confrontés à des attaques. Nous avons été piratés et les journalistes ont été menacés. Face à ces problèmes, nous avons persévéré et ne comptons pas nous arrêter.

Quels obstacles inattendus avez-vous dû surmonter en fondant Balochistan Voices?

Les parties du conflit [au Baloutchistan] sont nombreuses, qu’il s’agisse du gouvernement ou des acteurs non étatiques. Il faut être très attentif à ne pas dépasser les limites, les lignes rouges perçues, car si nous le faisons, nous pouvons avoir des problèmes. C'est un véritable défi, car nous devons parfois leur prouver que nous ne sommes pas certains de les avoir franchies. C'est une question dont nous avons discuté et sur laquelle nous échangeons encore avec nos membres.

Deuxièmement, je pense que c'est le problème de toutes les start-ups, à savoir qu'elles ne sont pas viables financièrement. L'organisation que je dirige n'est pas pérenne : c’est mon projet passion, j'y ai injecté mes propres économies parce que je l'aime et que je les avais. 

Comment IJNet vous a-t-il aidé dans votre carrière en tant que journaliste ?

Je suis les annonces publiées depuis un certain temps et cela m'aide. Mais comme il y a beaucoup de concurrence, il est vraiment difficile d'obtenir [certaines opportunités]. Mais il existe différents programmes, [tels que] des bourses dans lesquelles les médias numériques sont enseignés, ainsi que la manière de développer leur modèle commercial. Je pense donc que cela peut être utile.

Quels sujets avez-vous suivis qui, sans vous, n’auraient pas reçu l’attention des médias traditionnels ?

J'ai fait un reportage sur un grand nombre de personnes décédées dans un accident de la marine. C'était une histoire importante que nous avons révélée au monde. Puis, dans un autre papier, il était question de problèmes liés à l'enseignement supérieur au Baloutchistan [où] les gens avaient des difficultés à obtenir des bourses d'études.

Nous avons couvert les droits humains et la manière dont ils ont été affectés par le conflit. Nous publions également des reportages politiques, qui se concentrent sur d'autres risques pour les droits humains ou le conflit et les questions socio-économiques qui y sont liées.

Quels sont vos projets futurs ?

[Ce que j'aimerais], c'est un modèle d'abonnement pour Balochistan Voices, qui générerait les revenus nécessaires pour payer les journalistes. Mais jusqu'à présent, ce modèle n'a pas fonctionné. Quelques organisations ont essayé, mais [les plateformes d'abonnement] ne sont pas prêtes à payer dans la monnaie locale. Pourtant, je pense que c'est l'une des rares choses qui puisse nous permettre de sauver les médias numériques.

Je pense que si nous disposons d'une base loyale [avec de nombreux utilisateurs], et si nous parvenons à les convaincre [de s’abonner], cela peut être le début de quelque chose de bien. Cela peut être un tremplin de développement et une réelle source de revenus pour beaucoup.


Photos fournies par Adnan Aamir.