Ce média raconte l'histoire d'agriculteurs nigerians et offre des conseils aux journalistes spécialisés dans l'agriculture

17 avr 2024 dans Sujets spécialisés
Vue du ciel d'un tracteur dans un champ de céréales

Plus de 70 % des Nigérians travaillent dans l'agriculture. Malgré sa contribution substantielle à l'économie du pays, le secteur reste sous-couvert dans les médias. 

Par conséquent, les histoires des agriculteurs ne sont souvent pas diffusées et leurs préoccupations ne sont pas transmises aux décideurs politiques. Par ailleurs, nombreux sont ceux qui n'ont pas suffisamment de connaissances sur le changement climatique et sur la manière de s'y adapter. 

Les capacités et l'intérêt des rédactions pour couvrir l'agriculture sont insuffisants, explique Abdulkareem Mojeed, correspondant agricole pour le Premium Times Nigeria.

"Cela s'explique en grande partie par le fait que les reportages sur l'agriculture amènent généralement les journalistes dans les communautés locales/rurales, où ils discutent avec les agriculteurs qui sont souvent perçus comme des pauvres dans cette partie du monde, contrairement aux reportages sur la politique, où ils discutent avec les élites," déclare-t-il, ajoutant que le manque d'intérêt pour la politique contribue également à l'écart de couverture.

En 2023, Yunusa Ya'u, directeur du Centre pour l'information, la technologie et le développement, a lancé Farmers Voice afin de fournir des informations plus complètes sur les questions agricoles et d'amplifier la voix des agriculteurs en mettant en lumière leurs défis et leurs réussites. 

Voici comment ce média s'y prend, ainsi que des conseils pour aider les journalistes à améliorer leurs reportages : 

Agir

L'idée de Farmers Voice est née de la reconnaissance du rôle essentiel que joue l'agriculture dans l'économie nigériane, associée au manque d'attention des médias pour ce secteur, explique Buhari Abba, responsable éditorial de l'organe de presse.

"Nous voulions promouvoir un secteur agricole fondé sur la connaissance en rendant compte avec précision de la croissance du secteur, en informant les agriculteurs sur les approches innovantes et en les sensibilisant aux défis auxquels ils sont confrontés," déclare M. Abba.

Farmers Voice a couvert des pratiques agricoles, des tendances du marché, des changements de politique et des innovations. Le média met également les agriculteurs en contact avec des consommateurs potentiels et présente leurs préoccupations aux responsables gouvernementaux dans l'espoir d'influencer les politiques. "Nos principales priorités sont de promouvoir les méthodes d'agriculture durable, de mettre en lumière les réussites et de relever les défis auxquels le secteur est confronté," affirme M. Abba.

Farmers Voice organise également des ateliers au cours desquels des experts donnent des conseils sur les pratiques agricoles et la gestion des exploitations. Au cours de l'un de ces ateliers, en juillet dernier, des agriculteurs de l'État de Kano ont reçu une formation sur l'irrigation au goutte-à-goutte et par aspersion, la production de cultures en serre et la lutte contre les ravageurs et les maladies.

"J'ai acquis des connaissances et des idées sur la gestion des parasites et des maladies ainsi que sur la manière d'améliorer mes pratiques agricoles et d'accroître la productivité," déclare Muhammad Ismail, un agriculteur local qui a participé à l'atelier. 

Raconter les histoires

Depuis son lancement, Farmers Voice a publié des articles et des recherches qui décrivent les défis auxquels sont confrontés les agriculteurs et la nécessité pour le gouvernement d'intensifier les investissements dans le secteur afin d'améliorer les rendements agricoles. 

Par exemple, un article a examiné comment les attaques d'hippopotames sur les terres agricoles dans l'État de Gombe affectent l'agriculture, et comment le gouvernement local s'attaque à ce problème en engageant des gardes forestiers pour utiliser des drones, piloter des bateaux et conduire des motos afin de renforcer la surveillance des voies navigables.

Dans un autre article, les journalistes de Farmers Voice ont montré comment les attaques de bandits ont contrecarré les plans d'un expert en agriculture visant à développer la production de gingembre dans l'État de Kaduna. Cet article examine comment les agriculteurs locaux ont généré 700 millions de nairas [environ 525 000 dollars US] de revenus grâce à la vente de canne à sucre.

Les obstacles

La couverture de l'agriculture par Farmers Voices ne s'est pas faite sans difficultés. La viabilité financière est la principale d'entre elles.

"Il y a beaucoup d'histoires que nous voulons raconter, mais nous ne pouvons pas le faire parce que nous n'avons pas les fonds nécessaires," déclare M. Abba. "C'est quelque chose que nous espérons pour l'avenir.”

Le média a également eu du mal à accéder aux communautés agricoles éloignées en raison du mauvais état des infrastructures routières. "Malgré ces difficultés, nous restons déterminés à fournir des informations précises et opportunes pour tenir nos lecteurs au courant de ce qui se passe dans le secteur agricole," ajoute M. Abba. 

Conseils pour couvrir l’agriculture

Faites vos recherches

Pour couvrir efficacement l'agriculture, les journalistes doivent acquérir une solide connaissance des questions et des politiques qui s'y rapportent, déclare M. Mojeed : "Les journalistes doivent s'armer des connaissances nécessaires sur le secteur, car un reportage efficace permet d'informer la population, les agriculteurs et même les décideurs politiques."

Les journalistes agricoles doivent faire des recherches sur les politiques agricoles gouvernementales et les budgets correspondants. Ils peuvent également consulter les sites web des organisations concernées, telles que l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et la Banque africaine de développement (BAD).

Cultiver son réseau de sources d'information

Les journalistes agricoles doivent développer leur réseau de sources, en particulier parmi les agriculteurs, car ils comprennent et vivent certains problèmes de première main et savent comment les aborder.

"Il faut s'efforcer de comprendre les gens, les lieux et les événements liés à l'agriculture ; c'est ainsi que l'on peut gagner la confiance de ses sources", déclare M. Mojeed. "Les visites sur le terrain, par exemple, aident les journalistes à comprendre les particularités de l'environnement.

Selon Murtala Abdullahi, expert en changement climatique, les journalistes agricoles devraient également s'entretenir avec des chercheurs et des décideurs politiques afin de mieux comprendre les questions à couvrir. "Il est important de donner la priorité aux reportages sur l'agriculture, car il s'agit de l'un des outils les plus puissants pour mettre fin à l'extrême pauvreté et accroître la prospérité, puisqu'il représente 4 % du PIB mondial," déclare-t-il.

Apprendre à connaître le langage, la législation et les organisations concernées

L'agriculture, comme d'autres secteurs, possède un vocabulaire spécifique avec lequel les journalistes doivent se familiariser.

"Pour mieux comprendre leurs sources et couvrir différents sujets, il est également important que les journalistes connaissent un grand nombre de terminologies auxquelles ils ne sont pas forcément habitués," déclare Lekan Otufodunrin, directeur exécutif du Media Career Development Network.

Parmi les nombreux termes que M. Otufodunrin recommande aux journalistes agricoles de connaître :

  • L’agronomie : science de la production végétale et de la gestion des sols.
  • L’hydroponie : culture de plantes dans de l'eau fertilisée.
  • La rotation des cultures : planter des cultures différentes d'une année sur l'autre pour maintenir le sol en bonne santé.

Les journalistes doivent également se tenir au courant de la législation et des politiques qui concernent l'agriculture, et de la manière dont elles affectent les agriculteurs, déclare M. Otufodunrin. La politique nationale pour l'agriculture du Nigeria en est un exemple.

Il faut également surveiller la manière dont les grandes institutions financières s'impliquent dans l'agriculture. Par exemple, la Banque de l'agriculture offre des facilités de crédit agricole aux petits et grands agriculteurs du pays. L’Anchor Borrowers' Programme accorde des prêts aux petits exploitants dans le but de stimuler la production agricole, de créer des emplois, etc.


Photo de Taylor Siebert sur Unsplash.