Au Nigeria, la représentation des femmes dans les reportages est insuffisante.
Selon une étude réalisée en 2020 sur les journaux nationaux du pays, les femmes sont plus susceptibles d'être incluses dans les reportages sur les divertissements et les questions domestiques, par exemple, que dans les reportages sur la politique, l'éducation, la santé et l'environnement. Lorsqu'elles apparaissent dans les reportages, le ton tend à être négatif.
WFM 91.7, une station de radio nigériane dirigée par des femmes et lancée en 2015, a cherché à combler cette lacune. Elle met en lumière les femmes et les problèmes auxquels elles sont confrontées, en se concentrant sur des questions telles que la représentation des femmes en politique, la mortalité maternelle, l'équité des genres et les violences fondées sur le genre.
"Les questions relatives aux femmes semblent être reléguées à l'arrière-plan," explique Esther Alaribe, responsable des programmes de WFM 91.7. "C'est pourquoi nous voulons faire quelque chose de différent, en consacrant du temps à la cause des femmes et en veillant à ce que [leurs] problèmes restent au premier plan et visibles.”
WFM 91.7 a fondé le Women Radio Centre en 2022 avec le financement et le soutien d'ActionAid Nigeria, d'ONU Femmes, du Nigerian Women Trust Fund et de la Fondation MacArthur. L'initiative forme des femmes journalistes d'investigation dans les rédactions du Nigéria afin qu'elles produisent des reportages sur des questions d'intérêt public.
"L'objectif est de former des femmes journalistes qui travaillent dans différents médias afin qu'elles aient les compétences nécessaires pour produire des enquêtes et des reportages incisifs", déclare Mme Alaribe.
Former les femmes journalistes
Grâce à la formation au reportage d'investigation sur les femmes, un des programmes du Centre, les journalistes sont formées aux compétences essentielles pour couvrir les questions sous-médiatisées qui touchent les femmes. La formation aborde la narration, l'éthique journalistique et la manière d'accéder aux documents importants. Elle aborde également les techniques de journalisme d'investigation, la vérification des faits, le journalisme de données et la sécurité numérique.
Après la formation, les participantes sont associées à des mentors expérimenté.e.s issus des principaux médias audiovisuels et de la presse écrite du pays pour bénéficier d'un accompagnement et de conseils éditoriaux sur leurs reportages sur le terrain. Les reporters présentent également des articles pour obtenir des subventions du Centre.
À ce jour, plus de 135 journalistes ont participé au programme de formation à l'investigation. L'année dernière, le Centre a également formé 75 journalistes politiques de tout le Nigeria sur la manière de couvrir les élections générales du pays avec précision.
"La formation était bien organisée et a dépassé mes attentes", déclare une participante, la journaliste indépendante Rukaiyatu Idris. "Les formateurs ont été capables de déconstruire les choses et de relier leurs présentations à ce que les journalistes rencontrent sur le terrain."
Mariya Shuaibu Suleiman, journaliste multimédia à BUK FM, qui a participé au programme de journalisme d'investigation féminin en 2023, a déclaré qu'elle n'avait pas de connaissances ou de compétences préalables en matière de journalisme d'investigation. "La formation m'a fait découvrir les réalités du journalisme d'investigation", affirme-t-elle. "Elle m'a permis d'acquérir des compétences que j'applique dans mon propre travail."
Créer des récits qui ont de l'impact
Grâce aux compétences acquises lors de la formation, Mme Idris travaille actuellement sur un reportage sur la manière dont les survivant.e.s des violences fondées sur le genre cherchent à obtenir justice à Borno, une ville du nord-est du Nigeria.
"La formation a beaucoup contribué à l'élaboration de mon article, en commençant par le coaching, car on m'a assigné des mentors à qui j'ai communiqué les progrès de mon reportage", déclare Mme Idris. "En apprenant à convaincre les sources de s'ouvrir et à structurer mon reportage sous la forme d'un récit, j'ai vraiment réussi à le rendre convaincant."
Parmi les autres articles produits par les participantes figurent une enquête sur la manière dont les survivant.e.s de l'insurrection de Boko Haram atteints du VIH sont stigmatisé.e.s, et l'impact des manifestations sécessionnistes dans le sud-est du Nigeria en réponse à l'augmentation des niveaux de violences à l'égard des femmes et à ses conséquences économiques.
Angea Nkwo, la journaliste qui couvrait les manifestations, a déclaré que la participation à la formation lui avait ouvert les yeux.
"J'ai pu rencontrer certaines des meilleures têtes de l'espace médiatique qui ont partagé leurs idées," déclare-t-elle. "Je me suis fait de nouvelles amies extraordinaires et j'ai appris à produire des reportages, en particulier du point de vue d'une femme, à analyser un reportage, à rassembler des informations et des sources et, surtout, à raconter des histoires de femmes."
Des projets existent pour former davantage de femmes reporters dans tout le pays, déclare Mme Alaribe. "Nous commençons à remarquer que les femmes sont désormais plus à l'aise pour parler de leurs propres problèmes", ajoute-t-elle.
Photo d'Iwaria sur Iwaria.