Ce que j'ai appris de deux ans de travail à distance

Sep 19, 2022 en Etre freelance
Un poste de travail avec un ordinateur, une plante, le tout dans un ton très neutre

Dans mon cas, le télétravail n’est pas lié à la pandémie, mais bien à mon statut de responsable éditoriale et journaliste freelance. Comme bon nombre d’indépendants dans le secteur, je travaille de chez moi. D’ailleurs, les freelance n’ont pas attendu la pandémie pour le faire. Pour qui a la référence, dans les années 80, dans le film La Boum, la mère de Vic, dessinatrice de presse, avait son bureau dans l’appartement parisien familial.

Vu comme ‘“pratique”, parfait pour concilier vie personnelle et vie professionnelle, le "home office" nécessite des ajustements. Voici ce que j’ai appris d’un peu plus de deux ans de bureau depuis chez moi, la bibliothèque, ma voiture, chez ma sœur, les cafés des grandes villes et des villages. 

Prendre du temps off 

Je commence par ça, car j’ai l’impression que je travaille plus que lorsque j’étais journaliste en rédaction, ce que j’ai fait la majorité de ma carrière. Pas de café avec une collègue, pas de pots de retraite, pas de débats à la photocopieuse. Une balade au parc, une course, une activité permettent pourtant de couper ce tunnel effréné du travail à distance. 

Faire une pause, une vraie, est aussi un challenge pour Laura, rédactrice et traductrice française près de New York : “s’astreindre à une vraie pause est nécessaire, personnellement, j’ai une propension à ne jamais arrêter”. Elle ajoute :

“Lorsqu’on fait une “pause” à la maison, ça se transforme vite en ‘je vais faire une machine' ou 'je vais ranger les jouets des enfants'", explique celle qui travaille depuis son appartement du New Jersey. 

Aller travailler ailleurs que chez soi 

Pour les freelance, il est parfois difficile de financer un espace de coworking. Ces derniers coûtent autour de 300 euros par mois dans les grandes villes françaises, comme ce lieu dans le centre de Rennes.

Des alternatives moins chères, voire sans frais, existent : les médiathèques. Gratuites d’accès, même sans carte d’abonnement, elles possèdent souvent un bel espace de travail, comme ici à la médiathèque José Cabanis de Toulouse et ses "deux salles en accès libre pour travailler au calme". Même les plus petites bibliothèques de quartier proposent désormais des espaces de travail. Les horaires d'ouverture étant souvent restreints, vous pouvez vous rendre dans les structures des villes alentours lorsque la vôtre est fermée. 

Un autre endroit où il est agréable de travailler, pour le côté stimulant, c’est le café. Pas besoin qu'il soit à la mode. Un café de quartier dispose souvent d’un code wifi et les boissons sont moins chères. Sans compter les précieuses informations qu’il apporte : celui des sujets brûlants pour les habitants, ceux dont ils discutent autour du zinc le matin.

Dans ce contexte bruyant, écrire est possible, mais monter un sujet radio ou télé l’est beaucoup moins, comme raconte Mélanie, journaliste freelance basée en Espagne, auparavant correspondante à Beyrouth.

“Un café me distrait trop, surtout si je monte un sujet radio”, indique cette professionnelle habituée au travail à distance. 

Les espaces à louer (bureaux partagés dans des appartements par exemple) sont sans doute une excellente option. Abonnez-vous aux comptes des collectifs de journalistes sur les réseaux sociaux, ces derniers relaient souvent les annonces de location d’espaces, parfois en commun et donc moins cher.

Les collectifs, associations et forums de journalistes permettent de conserver un lien avec les consœurs et confrères, de s’entraider et d’apprendre, rompre une forme d’isolement. Une idée pas forcément partagée par Laura, qui a travaillé près de 10 ans en entreprise et en organisation internationale, avant de débuter son activité à la maison :

“Je n’ai aucun souci à ne voir personne de la journée, ni à me concentrer sur mon travail, je n’ai pas besoin de cet environnement avec des gens”.

Essayez de trouver un job à temps partiel/une mission en présentiel 

Le 100 % télétravail peut, sur le long terme, vous mettre en “dehors” de la vie d’une entreprise. Si vous êtes freelance, essayez de trouver une mission qui nécessite votre présence dans un bureau. Outre l’aspect stimulant, elle vous permettra peut être de trouver de nouvelles collaborations. 

Faites garder vos enfants. Vraiment. 

Comme le disait très justement la journaliste Juliette Tissot dans cet article de Marie Naudascher pour IJNet, “je conseille de louer un espace, même petit, pour travailler dehors, car un enfant qui sait que tu es derrière la porte, il vient te voir”. Quant à l’idée répandue qu’il faut mettre plus de distance entre vie privée et vie professionnelle, là je sèche. Pour moi, c’est justement la limite du télétravail. S’arrête-t-on vraiment ? Personnellement, je suis toujours tentée d’aller voir mon ordinateur, quand une notification survient. 

Ne tombez pas dans le piège du tout à distance 


Avec les outils actuels, "popularisés" pendant la pandémie, il peut être facile d’enchaîner les interviews vidéo/téléphoniques. Pourtant, rien ne remplace le terrain, la rencontre.

Toujours se former (en distanciel et en présentiel)

Ce fameux tunnel du travail à la maison peut faire oublier la notion d’apprentissage et de formation. Fixez-vous des objectifs en la matière. Être à distance ne veut pas dire oublier de se former aux nouveaux outils. Par exemple, cet atelier sur l'investigation numérique, proposé par l’AFP est accessible à tous (et vous pouvez retrouver des opportunités de formation sur notre page dédiée sur IJNet). 

Laura apprécie au quotidien ce travail depuis la maison. Elle n’est d’ailleurs pas prête à revenir en présentiel : “je suis tellement contente de ne plus avoir à faire les trajets, à me soucier de politique de bureau, si j’ai le droit de partir plus tôt ou pas". En réfléchissant bien, elle reconnaît même : "je ne vois même pas de raison de revenir en présentiel”.

Avis partagé, pour l’instant, pas de retour prévu dans un poste en 9h-17h en rédaction. D’ailleurs, l'étude People at Work 2022: A Global Workforce View montre que 64 % des salariés affirment envisager de quitter leur entreprise si leur employeur leur imposait 100 % de présentiel. 


Photo d'illustration, via Usplash, licence CC Minh Pham