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Reportages à l'étranger : les journalistes sont-ils protégés ?

Sep 24, 2021 发表在 Journalisme d'investigation
Une foule, des journalistes

Prise du pouvoir par les talibans, catastrophes climatiques. Les angles de couverture médiatiques ne manquent pas de défis pour les valeureux reporters, caméra et regard braqués sur le monde en éclat. Trois voix témoignent, de Montréal à Paris.

Envisager le Moyen-Orient

Adil Boukind, photojournaliste et photographe en documentaire basé à Montréal, a porté son objectif jusqu'en Irak. Un pays du Moyen-Orient qui accueillait en mars le Pape François. Un "scoop" en soi, que cette prime visite d'une autorité du Vatican. Elle a été captée pour le quotidien québécois La Presse par ce photographe. Avide de saisir l'essence du climat socio-politique, il s'aventurera en ayant au préalable approfondi ses recherches avec minutie, s'enrichissant des expériences de pairs. À Bagdad comme à Mossoul, il est attentif aux recommandations des "fixers" sur place. 

[Lire aussi : Les fixeurs, ces professionnels de l'ombre essentiels aux journalistes]

 

Face à l'inconnu, facteur de stress, le photographe préconise de vivre sa propre expérience de terrain.


Il se rapproche néanmoins des agences de presse comme l'AFP Irak pour faciliter ses autorisations avec les différentes instances, dans un espace politique propice à la corruption. "Le zèle des forces de l'ordre, des milices, ajoute au tableau des risques, en plus de l'emprunt de routes à éviter à tout prix", témoigne le reporter de l'image. 

Au plus près de la bataille de Mossoul – qu'il évoque comme le pire contexte sécuritaire au pays – son contact avec les communautés le réconforte. 

Polymorphisme du risque

Benoît Suire œuvre à titre de premier Conseiller Hauts-risques à Radio-Canada, une structure du service public ayant ses bureaux à Montréal. Il aborde la rigueur en matière de respect des normes canadiennes du travail lors d'affectations à l'étranger. Ce qui relève de la particularité de la corporation de la couronne à laquelle adhère le premier service de diffusion du Canada apparut en 1936. "Avant d'identifier le risque du reportage, il importe de prévoir des mesures d'atténuation et d'en informer les équipes qui partiront sur ces terrains de conflits dans un rapport de réciprocité appelant à une application stricte. Cela implique de circonscrire la zone d'action, de procéder à une veille du risque en amont de la menace..."

Radio-Canada offre divers types de formations préparatoires à ses reporters à l'international. "On sert de boussole et référence au Canada car on relève d'un service public", précise M. Suire. Une formule intensive sur cinq jours dans les cas d'assignations en zones dites "hostiles" où les risques peuvent être de vie ou de mort, de traumatismes, et pertes de réflexes. Des pays en guerre où les exactions sont systémiques. "On veut sauver les gens et cela constitue un devoir de supervision à protéger nos employés en tout respect légal." Une autre formation sur trois jours s'oriente davantage sur les discussions à lever tout risque à venir. Au terme de ses formations, des équipements spéciaux peuvent être remis aux reporters avec qui un itinéraire tactique et les moyens de les joindre en toute circonstance, même en terrain désertique, figurent au cahier de travail.

[Lire aussi : Voici comment vous préparer à partir en reportage à l'étranger pendant la pandémie]

 

Phénomène étonnant quant au géo-positionnement des menaces du reportage : les pays considérés comme "pacifiques" où les risques s'avèrent extrêmes. Au fil d'analyses de détection, M. Suire mentionne le cyberharcèlement, ennemi bien présent bien qu'imperceptible, les accident climatiques. Les milieux des Jeux Olympiques et les manifestations pro-démocratiques dans une mégapole comme Hong Kong. Une anticipation et analyse d'une dynamique de prévention des risques de plus en plus polymorphe. 

À l'instar de Benoît Suire, le responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières Arnaud Froger pointe le doigt sur le risque devenu plus diffus en reportage sur terrains "minés". Des études de RSF démontrent en effet que les journalistes tués le sont majoritairement dans des pays en paix. Tragiquement mais réalistement, il prétend qu'il n'est plus besoin de tuer un journaliste pour le faire taire. "Le panel de menaces envers les journalistes est tellement divers et incidieux. Pour les empêcher de publier rodent des procès-bâillon, des médias aux économies centralisées, interpellations, agressions et cyberharcèlement".

Malgré ces "bombes à retardement de l'investigation", les journalistes du monde entier croient encore au sens du devoir, croit M. Froger. Des contextes certes préoccupants, surmontés pas leur vocation d'informer au nom de la liberté de presse. Au nom des citoyens, à l'ère du règne web et des réseaux sociaux, véhicules de fausses nouvelles. 


Olivier Dubois

Le journaliste français Olivier Dubois a disparu en avril dernier, au nord Mali à Gao. Dans une vidéo, on le voit, déclarant avoir été kidnappé par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans.

Reporters sans frontières s'efforce de créer un mouvement pour sa libération. La mobilisation bat son plein à Paris où une banderole vole au vent à la Place de la république ainsi qu'à Bamako. 


Hélène Boucher est journaliste indépendante et reporter voyage spécialiste d'Afrique de l'Ouest. Basée à Montréal, elle décrypte des enjeux sociaux et collabore à une pléiade de médias au Canada dont le magazine d'analyse internationale Sans frontières.

Photo : Michael Fousert, Unsplash, licence CC