Pour Anna Kiedrzynek, la santé mentale n'est pas une mode. C'est le prisme à travers lequel elle couvre, en tant que journaliste, une variété de sujets. A travers son travail, elle s'est efforcée de mettre en lumière d'importantes questions sociales et culturelles dans son pays d'origine, la Pologne.
Reporter indépendante basée à Varsovie, Mme Kiedrzynek a fait ses débuts dans le journalisme à l'université. En tant que correctrice pour le journal de son université, Mme Kiedrzynek a découvert que l'écriture était sa véritable passion. Elle a depuis publié des articles dans Newsweek, Duży Format et Tygodnik Powszechny.
Pour faire avancer sa carrière, Mme Kiedrzynek a saisi les occasions lui permettant de réaliser des reportages à l'étranger. Grâce à IJNet, elle a découvert la bourse Gabriel García Márquez pour le journalisme culturel en Colombie, le Transatlantic Media Fellowship et la Bourse Milena Jesenská à Vienne, en Autriche.
"J'en suis revenue une personne et une journaliste complètement différente : plus courageuse, plus brave. J'ai commencé à réfléchir à ce à quoi ma carrière devait ressembler", raconte-t-elle.
Mme Kiedrzynek s'est ainsi réorientée, passant de l'écriture sur la culture au reportage sur les questions sociales, dans le but de produire davantage d'articles de fond. Certains de ses travaux récents ont porté un regard critique sur le catholicisme en Pologne et sur la manière dont les jeunes s'éloignent de leur foi. Elle travaille actuellement à un livre sur la psychiatrie dans son pays d'origine.
Vous avez beaucoup couvert le sujet de la santé mentale. Comment ce sujet a-t-il évolué ces dernières années ?
Nous discutons de plus en plus de la santé mentale, mais je ne suis toujours pas satisfaite de la façon dont nous en parlons. Cela devient de moins en moins tabou, mais pas dans tous les domaines.
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Par exemple, nous parlons plus aisément de la dépression, ce qui est formidable. Mais en Pologne, nous n'avons toujours pas le langage nécessaire pour évoquer, par exemple, des maladies mentales chroniques comme les troubles bipolaires [ou] la schizophrénie.
Quelle est votre approche journalistique de ce sujet ?
Ce que je trouve vraiment agaçant dans les médias, et ce que j'essaie d'éviter dans mes reportages, [ce sont] les postures antipsychiatriques. Par exemple, les médias aiment montrer les hôpitaux psychiatriques comme des lieux terribles, horribles, comme tirés d'un film d'horreur.
Il est très important pour moi de montrer les systèmes de soin de santé mentale, en particulier publics, non pas comme des lieux horribles, mais comme des endroits qui amènent les gens à se sentir mieux, afin de contrer la stigmatisation autour de la psychiatrie.
Pouvez-vous nous parler d'un des articles sur lequel vous avez préféré travailler durant votre carrière ?
L'un de mes articles préférés publié récemment est un sujet sur l'accueil de personnes LGBT par des agriculteurs polonais à la campagne. La perception des personnes LGBT en Pologne pose toujours un énorme problème. Elles n'ont pas de droits et beaucoup de partis conservateurs les considèrent comme des personnes différentes, et pas de manière positive.
Pour cet article, j'ai parlé du projet d'un artiste, Daniel Rycharski, qui a mis en contact des personnes LGBT des grandes villes de Pologne avec des agriculteurs de la région où il a grandi. J'ai parlé avec des personnes LGBT et avec les agriculteurs de leurs réflexions et impressions après ce projet. C'était vraiment gratifiant de documenter l'état d'esprit de personnes que nous avons l'habitude de considérer comme très conservatrices, très traditionnelles, voire quelque peu homophobes. Je pense qu'avec cet article, l'artiste et moi-même avons réussi à faire voir que les choses changent pour le mieux.
Quel a été votre plus grand défi durant vos reportages ?
Le plus grand défi, si vous voulez faire ce type de journalisme axé sur la lenteur et la qualité, est économique. Il est très difficile de gagner sa vie en faisant uniquement ce que je fais. Le marché est très dur et les contrats des journalistes sont généralement temporaires. Il y a beaucoup de jeunes journalistes talentueux, mais pas assez de place pour eux dans les médias polonais.
C'est pourquoi j'ai l'impression que passer d'un emploi en entreprise à celui de journaliste consiste à essayer de se financer avec des bourses [et] de grosses subventions. De cette façon, vous êtes en mesure de vous garantir une sorte de sécurité sociale, car les médias ne l'offrent à personne. Cette difficulté économique rend les choses beaucoup plus difficiles.
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Avez-vous des conseils à donner à des journalistes en début de carrière ?
Tout d'abord, je vous dirais de regarder autour de vous, car les sujets sont partout. Mais surtout, commencez par couvrir l'actualité chaude. Même si, plus tard, vous souhaitez devenir documentariste ou écrire des reportages de fond, il est toujours bon de commencer par l'actualité.
Ayez toujours confiance lorsqu'il s'agit des histoires que vous voulez raconter et n'abandonnez pas trop facilement. Les défis seront très grands et parfois très inattendus. Être journaliste, c'est aussi être prêt à changer et à s'adapter à de nouvelles circonstances.
Abigail Adcox est chargée de communication stagiaire au sein de l'ICFJ.
Image prinicipale fournie par Anna Kiedrzynek.
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