La Disparition, média nouveau et épistolaire

28 janv 2022 dans Innovation dans les médias
Les fondateurs de La Disparition

“À toi qui me lis”. C’est par cette formule que le numéro 1 de La Disparition s’adresse au lecteur. Ce nouveau média, “épistolaire et politique” raconte les disparitions de notre monde, celles d’un métier, d’un arbre, d’un espoir.

Tous les quinze jours, les lecteurs reçoivent ce qu’on ne voit arriver que trop rarement : un courrier (celui qui fait plaisir, pas une facture ou un avis de passage d’un colis perdu à la poste).

La Disparition a été lancée officiellement en cette fin du mois de janvier 2022 depuis Marseille. 1 200 personnes reçoivent le premier numéro de ce média “sur-anglé” (la disparition, sous toutes ses formes).  Pour le numéro 1 donc, Quentin Müller, journaliste spécialiste du Yémen, chronique sur 10 pages le menacé arbre dragon, sur l'île de Socotra. 

La Disparition
Crédit photo : La Disparition

“Inventorier les disparitions”

La Disparition est l'œuvre d’Annabelle Perrin et François de Monès, deux journalistes tous deux diplômés de l’École de journalisme de Toulouse. “On a toujours eu envie d’imaginer un média, on en rêvait depuis l’école”, raconte Annabelle Perrin. Après leur diplôme, ils travaillent en tant que pigistes, notamment pour Le D’oc, média local d’investigation à Montpellier.

Puis la crise sanitaire va agir comme déclencheur : “quand est arrivée l’attestation de déplacement en France, on s’est rendu compte que l’on pouvait nous priver de quelque chose que l’on pensait acquis, comme la liberté de déplacement”. Ainsi, “on s’est dit, pourquoi pas inventorier les disparitions [..]”.

Un prisme radical, ultra précis, et qui pourtant permet de “raconter énormément de choses” : la disparition du métier de chauffeur-routier aux États-Unis, les parcours des demandeurs d’asile venus de l’Afrique des Grands Lacs à Mayotte... Dans chaque numéro, le travail d’un journaliste pigiste français ou francophone est mis en avant. Les articles s'étendent sur environ “entre 12 et 15 feuillets”’(les journalistes francophones peuvent proposer leur pitch, sur cette rubrique). 

Transparence

Les abonnés reçoivent un courrier complet et engageant comprenant également une carte postale (qui illustre le récit), un nota bene, où les deux cofondateurs contextualisent leur choix du sujet du numéro, un strip de BD, des mots croisés et enfin la carte de visite du journaliste. Tout est imprimé en France, à Toulouse, sur un papier de qualité (ce qui favorise la lecture).

Une vraie volonté de transparence, qui a bien des égards, fait du bien aux médias, et aux publics. Leurs publics, ce sont d’ailleurs eux qui ont financé le lancement, via une campagne de préventes sur le site Kiss kiss bank bank, en décembre dernier : “nous avons atteint deux fois notre objectif, soit 850 participations”, explique la rédactrice en chef. Un chiffre encourageant pour un nouveau média, qui plus est sous un format relativement inédit.

Pourtant, au début, le format “lettre” n’était pas une évidence : “l’idée d’un média épistolaire est venue bien plus tard”, raconte la journaliste.

“On a d’abord envisagé une revue papier, mais ça nous a semblé trop compliqué, notamment concernant la partie gestion de la diffusion en kiosque”.

En allant relever leur courrier, le duo trouve l’idée de la lettre. 

D’abord une communauté, puis une newsletter et enfin le lancement 

Ils ont été accompagnés dans leur aventure entrepreneuriale et épistolaire par le Studio Médianes. Cette agence basée à Paris aide les jeunes médias à se développer (comme la revue et newsletter La Déferlante). Ce sont eux qui ont conseillé au duo de La Disparition de lancer une infolettre et leurs communautés sur les réseaux sociaux avant leur média. Ainsi, un jeudi sur deux, 2 700 abonnés reçoivent leur courriel.

Sur Twitter, La Disparition compte près de 2 500 followers. Une communauté des premières heures, avec laquelle ils ont notamment partagé les différentes étapes de la préparation du premier numéro. Cette proximité avec les publics s’inscrit dans une tendance durable du journalisme en 2022. "On ne peut plus faire du journalisme en maintenant une distance avec l’audience", expliquait il y a quelques jours Eric Scherer, responsable de l'innovation et de la prospective de France Télévisions. Il intervenait dans un webinaire de notre forum francophone de l’ICFJ.  

Objectif : fidéliser les abonnés de la première heure 

Cette communauté déjà existante leur a permis d’obtenir un vrai soutien au moment du lancement. Ainsi, aujourd’hui, La Disparition compte environ 1 150 abonnés (les envois peuvent être réalisés à l'international). Afin d’atteindre leur rentabilité, “l’objectif va être surtout de les fidéliser, notamment sur la partie relative aux abonnements à durée indéterminée, à 11 euros par mois” explique François de Monès.

En effet, le modèle économique repose entièrement sur les abonnements. Plusieurs formules sont possibles, dont celle de l’essai de deux lettres (1 mois), à 15 euros. “À la fin de chaque saison, on proposera aux abonnés d’acheter les lettres qui leur manqueront”, indique le directeur de la publication.

Ce nouveau média a quelque chose de rafraîchissant, résolument proche de ses lecteurs. Il nous offre le bon côté de la nostalgie. Une apparition. 


Photo de Une : Theo Giacometti