Journaliste du mois : Maximiliano Manzoni

3 mai 2023 dans Journaliste du mois
Maximiliano Manzoni

Le journaliste spécialiste du climat Maximiliano Manzoni souhaite que ses confrères commencent à intégrer une dimension environnementale dans leur couverture de l'actualité, quelle que soit leur spécialité. Les reportages sur le climat sont souvent relégués au bas de la pile des priorités des rédactions, dit-il, alors qu'il s’agit d’un sujet plus universel qu’il n’y paraît.

M. Manzoni commence à écrire lorsqu'il est adolescent. Il tient alors un blog sur "tout ce qui touche à la politique", se souvient-il, couvrant les élections, l'influence des lobbyistes et bien d'autres sujets importants au Paraguay. Il utilise ensuite sa plateforme pour sensibiliser le public aux enjeux du domaine de l'éducation dans le pays, en se concentrant notamment sur l'impact des acteurs d'extrême droite sur les systèmes scolaires publics, touchés par des interdictions de livres et de la censure.

Plus tard, les questions environnementales attirent l’attention de M. Manzoni : parallèlement à son blog, il commence à travailler en freelance en tant que reporter sur le climat.

À l'époque, M. Manzoni travaille également comme coursier pour un cabinet d'avocats et de notaires. Il est chargé de livrer aux institutions publiques des documents juridiques tels que des titres de propriété, des licences municipales et des documents policiers. C’est ainsi qu’il apprend à lire des documents juridiques, à les rechercher et à les obtenir. Cette expérience l'incite à se lancer dans le reportage d’investigation.

Aujourd'hui, M. Manzoni travaille pour le média indépendant paraguayen El Surti en tant que journaliste climat, un poste qu'il occupe depuis maintenant six ans. Ce mois-ci, M. Manzoni a participé à une enquête sur le financement par l'Europe de plantations d'eucalyptus au Paraguay qui utilisent des produits agrochimiques nocifs. En septembre dernier, il a été l'un des journalistes ayant contribué à un article sur la prolifération des stations-service dans la capitale, Asunción.

Il espère que ses reportages sur le climat susciteront une prise de conscience des problèmes environnementaux et de leurs conséquences.

J'ai discuté avec M. Manzoni de son expérience en tant que journaliste climatique, du rôle du journalisme dans la lutte contre le changement climatique et des conseils qu'il donne aux futures générations de reporters environnementaux.

Les journalistes doivent-ils se concentrer davantage sur le climat dans leurs reportages aujourd’hui ?

J'essaie de faire passer l'idée que, tout comme le genre ou les droits humains, le climat devrait être un angle d’approche pour les reportages sur les questions quotidiennes. Le climat n'est pas un sujet : c'est quelque chose de transversal à tout ce dont nous discutons actuellement.

Parler des impôts, c’est parler du climat. Parler du développement, c’est parler du climat.

Nous avons besoin de plus de journalistes d'investigation sur l’environnement, car les combustibles fossiles et le greenwashing sont une mine d'or pour les journalistes d'investigation. Nous avons besoin de plus de journalistes qui s'engagent sur le climat dans le cadre de collaborations entre différentes rédactions et différents types de journalistes.

 

Maximiliano Manzoni at the World Congress of Science Journalism
Photo fournie par le World Congress of Science Journalism.

Vous avez couvert la COP27 à Charm el Cheikh en Égypte l’année dernière grâce au programme de Climate Tracker. Comment cela s’est-il passé pour vous ?

C'est peut-être contradictoire, mais le fait d'être si loin du Paraguay et de faire l’exercice d’essayer de relier ce qui était discuté en Égypte à ce qui se passait au Paraguay a enrichi mes reportages. Cela m'a donné les outils nécessaires pour faire le lien entre les déclarations du GIEC [ndlr : le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat] et les enjeux climatiques locaux.

Le fait d'essayer d'aller dans les deux sens dans mes reportages a également été très utile pour essayer d'éduquer les gens sur le fonctionnement des négociations sur le climat.

 

Maximiliano Manzoni press badge at COP27
Photo fournie par Maximiliano Manzoni.

Que vous a apporté IJNet dans votre carrière ?

IJNet a joué un rôle-clef lorsque j'ai obtenu la bourse pour couvrir la COP27 en novembre dernier en Égypte. Travailler avec IJNet a été essentiel pour surmonter les obstacles auxquels les journalistes spécialisés dans le climat doivent faire face. Nous avons des périodes où il n'y a pas de commandes d'articles sur le climat, ce qui fait que les journalistes spécialisés dans ce domaine restent à part au sein de la rédaction.

J'essaie de briser les murs et de promouvoir l'idée que nous avons besoin de moins de journalistes spécialisés dans le climat et de plus de journalistes qui utilisent le climat comme angle d’approche pour rendre compte de sujets quotidiens tels que les transports, le logement, la politique internationale, l'économie, et même la mode et le sport. Travailler avec IJNet m'a aidé à entrer en lien avec des journalistes plus généralistes pour essayer d'établir l'idée que le climat est également utile pour les reportages de tous les jours. [Cela m'a aidé] à partager avec plus de gens les reportages que je faisais à la COP27, car j'étais le premier journaliste paraguayen à la couvrir.

En Égypte, j'ai eu beaucoup de mal la première semaine à faire un reportage sur un fonctionnaire qui ne voulait pas parler avec moi de questions qu'il ne voulait pas que j'aborde. Il savait que mon reportage serait critique à son égard. Mon lien avec IJNet m'a donné suffisamment de reconnaissance pour ne pas être ignoré par ce fonctionnaire.

Avez-vous des conseils pour les générations futures de journalistes couvrant le climat ?

Tout d'abord, lorsque vous voulez proposer un article sur le climat à un responsable éditorial généraliste, ne lui dites pas qu'il s'agit d'un article sur le climat. Dites-lui après qu’il ait accepté et que l’article fonctionne bien, car les papiers sur le climat ont du succès : un grand nombre de lecteurs sont prêts à s'intéresser à ces histoires quand elles n'ont pas l'étiquette [climat]. Celle-ci rebute parfois les gens.

Je pense qu'il est important de comprendre que le changement climatique n'est pas seulement un phénomène physique, mais aussi un événement politique. Essayez d'aborder des sujets qui vous passionnent, car le changement climatique est vaste. Vous pouvez parler du changement climatique et de la santé, du changement climatique et de la sécurité, ou du changement climatique et de l'immigration.

N'hésitez pas à essayer de nouvelles choses. Beaucoup de journalistes spécialisés dans le climat reprennent les mêmes vieilles rengaines. Vous savez, l'ours polaire dans l'Arctique qui fond, ou l'utilisation de palettes de couleurs comme le rouge, l'orange et le jaune dans des papiers sur des incendies de forêt. Il y a tellement de choses à dire, n'hésitez pas à essayer de les faire évoluer.


Photo principale fournie par Maximiliano Manzoni.