Arpan Rachman, un journaliste indonésien, a longtemps nourri le rêve de devenir auteur de nouvelles. Pendant des années, il a rédigé des articles sous un pseudonyme pour le Sriwijaya Post, un journal local de Palembang, sa ville natale.
Reconnaissant ses compétences en écriture, un ami de M. Rachman l'a aidé à décrocher un poste de journaliste économique chez Okezone.com, où il couvre les secteurs bancaires et boursiers de Palembang. Au fil des années, il a élargi son champ d'expertise pour traiter divers sujets, allant du sport au divertissement, en passant par la politique et l'actualité quotidienne.
Tout au long de sa carrière, M. Rachman a été témoin des limites imposées à la liberté de la presse en Indonésie, en particulier dans le cadre de ses enquêtes. Actuellement, l'Indonésie occupe le 108e rang sur 180 pays dans le classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Depuis 2006, plus de 1 000 cas de violence à l'encontre de journalistes ont été enregistrés en Indonésie, dont 76 rien que cette année.
En 2011, Arpan Rachman s'est marié. Dans le dessein de s'éloigner du journalisme, il s'inscrit à une formation en bourse. Toutefois, son amour pour l'écriture ne l'a jamais quitté. En 2013, il décroche la troisième place lors d'un concours d'écriture destiné aux journalistes, organisé par la Bourse indonésienne. Un an plus tard, il a participé à un programme d’accompagnement donné par la Southeast Asian Press Alliance - SEAPA (Alliance de la presse de l'Asie du Sud-Est).
Au cours de notre entretien, j'ai discuté avec M. Rachman de son parcours en tant que reporter en Indonésie, des défis auxquels les journalistes font face dans le pays, et de bien d'autres sujets encore.
Qu'est-ce qui vous a amené vers le journalisme ?
Je suis né avec une vocation de journaliste. À l'âge de six ans, ma première expérience d'investigation a eu lieu lorsque mon coq a mystérieusement disparu. Convaincu qu'il avait été volé, j'ai entrepris une mission au marché local où, après des recherches approfondies, j'ai découvert qu'un voisin le détenait. Cet épisode a marqué mon tout premier article d'investigation à l'âge de six ans.
Lors de mes débuts en tant que journaliste en 2007, j'ai été confronté à un événement marquant : le braquage d'un bureau de change, au cours duquel un policier a perdu la vie. À l'époque, je couvrais les informations en solitaire. Cependant, mes efforts ont été entravés lorsque la police m'a expulsé alors que je m'apprêtais à visiter la morgue et à poser des questions au poste de police. C'est à ce moment-là que j'ai pris conscience de la difficulté inhérente au journalisme d'investigation.
Pouvez-vous nous parler du travail que vous avez effectué ces dernières années ?
J'ai finalement mis de côté mon projet initial de me lancer dans le négoce d'actions après avoir suivi le programme SEAPA. À la place, j'ai dirigé mon attention vers l'écriture pour des médias internationaux. Mon premier article, portant sur la possible expulsion d'un quartier résidentiel du centre-ville de Makassar pour faire place à un hôtel, a été publié dans le magazine TORTURE en 2015 par la Commission asiatique des droits de l'homme basée à Hong Kong. À partir de la mi-2015, j'ai également commencé à contribuer à l'organisation médiatique à but non lucratif basée à Amsterdam, Global Voices.
En 2016, j'ai eu la chance d'être recruté en tant que journaliste au bureau international de Medcom.id. Pendant la pandémie mondiale de COVID-19, j'ai été approché par de nombreux contacts dans les médias internationaux, ce qui m'a permis de rédiger des articles pour des publications telles que The EarthandI à Washington, Global Ground Media à Tallinn, China Dialogue à Londres et le magazine Kulturaustausch à Berlin. Mes écrits se concentrent sur les défis culturels et environnementaux, et je contribue régulièrement au média en ligne Alinea.ID de Jakarta. Mais il est à noter que cela fait cinq ans que je n'ai pas écrit de nouvelles.
Avez-vous réalisé un reportage particulièrement difficile ?
En tant que bénéficiaire de la bourse annuelle 2014 de la SEAPA, j'ai eu l'opportunité de couvrir les conséquences tragiques de l'assassinat de 32 journalistes lors du massacre de Maguindanao dans le sud des Philippines. Lors de cette expérience, nous avons rencontré les veuves et les enfants qui avaient perdu leurs maris et leurs pères dans cette terrible tragédie.
Ce massacre, où 32 journalistes ont été tués simultanément, représente le seul incident meurtrier de cette ampleur contre des journalistes dans le monde. Il met en lumière la culture répandue de l'impunité, en particulier en ce qui concerne les groupes armés privés, et souligne les défis persistants en termes d'État de droit.Pouvez-vous me parler de la liberté de la presse et des autres défis auxquels est confrontée l'Indonésie aujourd'hui ?
La liberté de la presse en Indonésie a émergé après la fin de l'ère autoritaire en 1998. Cependant, certaines influences de cette période perdurent, notamment quelques problématiques localisées et la corruption. L'Indonésie reste un pays à revenu moyen plutôt qu'un pays riche, ce qui continue d'exercer une influence significative sur la liberté de la presse. De nombreux journalistes se trouvent dans des conditions difficiles, confrontés à la peur et à la corruption. Ces réalités constituent autant de facteurs expliquant le manque d'investigations journalistiques en Indonésie.
Les journalistes persistent à révéler la vérité même lorsque leur profession ne résout pas toujours les problèmes politiques, renforçant ainsi ma prise de conscience. De nombreux journalistes d'Asie du Sud-Est, tels que Maria Ressa, honorée d'un prix Nobel pour son opposition inébranlable au pouvoir du président philippin, sont probablement motivés pour s'opposer à d'autres autorités oppressives.
Les caractéristiques d'une administration fermée favorisent l'impunité pour les infractions commises contre la pratique du journalisme indépendant.
À l'ère des bouleversements numériques, les journalistes doivent établir une connexion directe avec leur public. Les canulars et les rumeurs propagés par les réseaux sociaux sont davantage susceptibles d'être pris au sérieux que les informations provenant des médias traditionnels. Les individus ont souvent confiance en des informations partagées par des amis et des proches, même si elles ne sont pas toujours exactes. En raison de l'influence croissante des réseaux sociaux, la confiance du public dans les médias de masse semble diminuer.
Comment IJNet vous a-t-il aidé en tant que journaliste ?
IJNet a grandement facilité mon inscription à plusieurs cours de journalisme international, dont le plus récent a été l'atelier de la Fondation Thomson Reuters sur le reportage de l'adaptation locale au changement climatique, tenu en août et septembre de l'année dernière. À l'issue de cette formation, j'ai été lauréat d'une bourse de reportage pour un projet explorant les gains et les pertes associés à la destruction de la biodiversité. Cela m'a permis de publier un article crucial sur la préservation des éléphants de Sumatra.
Actuellement, je me prépare à écrire davantage d'articles axés sur l'environnement. Parallèlement, j'ai l'intention de consigner mon parcours de journaliste dans un livre à venir.
Image principale avec l'aimable autorisation d'Arpan Rachman.
Cet entretien a été édité pour plus de clarté et de concision.