Comprendre Clubhouse et savoir s'en servir en tant que journaliste

2 mars 2021 dans Médias sociaux
Téléphone et Clubhouse

Vous n'avez plus besoin d'écrire ou de partager des visuels pour atteindre un large public. Maintenant, il suffit simplement de parler. L'audio est le nouveau venu dans le domaine des réseaux sociaux. Twitter a lancé Twitter Spaces et Facebook travaillerait également sur une application de chat similaire. Mais ces jours-ci, c'est Clubhouse qui se taille la part du lion, en invitant les utilisateurs d'iPhone à entrer dans les salons de discussion de leur choix et à démarrer des conversations sur un panel illimité de sujets.

Lancée en mars 2020, Clubhouse fait déjà le buzz. Cette application, qui a commencé sous la forme d’un groupe exclusif d'employés de la Silicon Valley, a grandi et inclut désormais des célébrités comme Elon Musk de Tesla, Mark Zuckerberg de Facebook et Drake. L'appli a été téléchargée près de trois millions de fois depuis le début de l'année, selon Apptopia.

"L'intérêt et l'appétit pour les applications de chat audio commencent à se faire sentir", a déclaré Matt Navarra, consultant en réseaux sociaux et ancien directeur des réseaux sociaux de thenextweb.com. "Il est difficile de dire à quel point cet intérêt est amplifié ou stimulé par le confinement, le développement du télétravail et la demande de nouveaux contenus."

Actuellement, Clubhouse est disponible uniquement sur invitation, ce qui signifie que vous devez être invité par un membre actuel, qui n'a le droit d'envoyer qu'une poignée d'invitations. Cela a incité certains utilisateurs à vendre leurs invitations supplémentaires sur des sites comme eBay, parfois pour des milliers de dollars.

Lorsque les utilisateurs ouvrent l'application Clubhouse, ils ont le choix entre plusieurs salles. Dans chaque salle, il y a une "scène" dirigée par des modérateurs, et un public qui peut lever la main pour participer—les modérateurs ont le contrôle sur qui a la parole. Les membres du public peuvent également partir tranquillement quand ils le souhaitent, ce qui leur permet de passer facilement d'une salle à l'autre.

Les entreprises de médias suivent de près l'essor du Clubhouse. Selon le New York Times, Barstool Sports a ouvert un compte Clubhouse, et la société de communication et de relations publiques Battenhall va embaucher un responsable dédié à Clubhouse.

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Selon M. Navarra, Clubhouse peut être un excellent outil pour les journalistes, tant pour la collecte d'informations que pour le reportage. Si vous obtenez une invitation, il conseille de commencer par traîner dans les salles pour vous familiariser. "Apprenez comment les gens utilisent ces applications, et l'évolution de l'étiquette adoptée lors de la participation aux chats audio", explique-t-il.

Lorsque vous êtes prêt à utiliser l'application pour vos reportages, il est essentiel que vous soyez franc et transparent sur votre travail et sur la façon dont vous comptez utiliser les conversations auxquelles vous participez ou que vous entendez.

Pour vous aider à vous lancer, M. Navarra a détaillé pour IJNet les façons dont les journalistes peuvent utiliser Clubhouse pour écrire de meilleurs articles :

Approfondissez vos connaissances d'un sujet et identifiez des sources 

Une façon d'utiliser Clubhouse est d'ouvrir une salle pour discuter du sujet de votre reportage, en invitant des experts ou des personnes concernées par le sujet. Vous pouvez également rechercher et rejoindre des salles qui traitent d'événements ou de sujets spécifiques liés à votre reportage. Si vous entendez quelque chose que vous souhaitez utiliser, il vous faudra contacter les personnes que vous voulez citer pour leur demander leur permission ou leur demander des informations complémentaires.

Apprenez à connaître la perception du public sur un sujet et constituez des études de cas

Parfois, un journaliste tweete ou ajoute une phrase dans un article en demandant aux gens de partager leurs propres expériences sur un sujet. Vous pouvez utiliser Clubhouse de la même manière, en créant un salon de discussion audio pour discuter d'un sujet plus en détail, qui pourrait être utilisé pour avoir un aperçu de la manière dont le grand public perçoit un sujet et identifier des études de cas à suivre.

Créer des événements de suivi exclusifs au sujet d'articles populaires

Pour les reportages à succès, vous ou votre responsable éditorial pourriez organiser des sessions de suivi exclusives auxquelles les lecteurs pourraient participer. Ces sessions pourraient mettre en avant des experts, des personnes impliquées dans l'histoire et/ou des personnalités publiques connues ayant un avis sur votre papier. Ces sessions pourraient prolonger la durée de vie du contenu et approfondir le sujet pour un article de suivi. Ces salles pourraient être un des avantages exclusifs réservés aux abonnés payants, si vous êtes à la recherche de nouveaux revenus.

Invitez des personnes-clefs à discuter librement d'un sujet en prévenant qu'un journaliste prend des notes pour un reportage

Un journaliste de OneZero, Will Ormeus, a récemment rejoint M. Navarra et son équipe dans une salle sur Clubhouse. "Il a utilisé cette opportunité pour comprendre le fonctionnement de la plateforme et a demandé notre avis sur le fonctionnement de l'application et son avenir", raconte M. Navarra.

Malgré son potentiel, l'application présente quelques inconvénients. Dans un tweet qu'elle a depuis supprimé, Taylor Lorenz, journaliste spécialisée dans la technologie au New York Times, a déclaré avoir été attaquée verbalement par des investisseurs en capital-risque et d'autres acteurs de la Tech sur Clubhouse.

Dans un billet sur Medium, Mme Lorenz a appelé les utilisateurs à lui envoyer un message s'ils avaient été témoins de harcèlement, de désinformation ou d'escroquerie sur Clubhouse.

"Pour l'instant, il est difficile de gérer ce risque car les outils et fonctionnalités de Clubhouse pour gérer le harcèlement sont limités", concède M. Navarra. Si la possibilité de harcèlement vous préoccupe, en particulier lorsque vous travaillez sur des sujets sensibles, M. Navarra conseille de créer votre propre salle et d'inviter les gens à participer à la discussion afin de pouvoir profiter des outils de modération qui existent.

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Une autre inquiétude des journalistes et des professionnels des médias est la désinformation, qui se répand facilement sans être détectée sur l'application. Cristina Tardáguila, directrice adjointe de l'International Fact-Checking Network, a écrit dans un article pour Poynter que la conception actuelle de Clubhouse rendait plus difficile la vérification de l'exactitude des informations par les fact-checkeurs. Il n'existe actuellement aucune fonction permettant de sauvegarder les anciens messages ou fichiers audio et les utilisateurs ne peuvent pas enregistrer les conversations.

"L'absence de ces fonctionnalités sera un obstacle pour les fact-checkeurs", souligne Mme Tardáguila. "Il sera non seulement difficile de choisir le club à rejoindre, mais Clubhouse fait que les reporters doivent écouter des heures et des heures de conversations avant de sélectionner les affirmations à vérifier."


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Natasha Tynes est la fondatrice du Suburban Media Group et une experte en communication. Elle a travaillé plus de vingt ans dans le domaine de la communication digitale. Son travail est paru dans le Washington Post, ELLE, Nature Magazine, le Huffington Post, Esquire, Aljazeera et bien d'autres.