La vidéo vit, une fois de plus, un âge d’or. Portée par les plateformes sociales, elle séduit le public par sa capacité à rendre accessibles des sujets complexes grâce à des formats à la fois attrayants et percutants.
Le rapport sur l'actualité numérique du Reuters Institute révèle que deux tiers du public regarde des vidéos d'actualité courtes chaque semaine, et plus de la moitié s'intéresse aux vidéos plus longues. Il n'est donc pas étonnant que les éditeurs soient à la recherche d'opportunités. Prenons l'exemple du Sun qui désigne la vidéo comme un moteur de croissance essentiel. Ou encore l'annonce bienvenue, quoique tardive, du projet de BBC News de doubler sa présence sur YouTube et TikTok.
Une vidéo réussie touche le public là où il se trouve. Près de la moitié des internautes britanniques consultent YouTube quotidiennement. Plus de la moitié (54 %) de la population britannique utilise TikTok au moins une fois par mois. (Flash info : ils n'ont pas tous moins de 35 ans.)
YouTube, en particulier, s'apprête à concurrencer directement les diffuseurs traditionnels. Aux États-Unis, la plateforme a révélé que le principal appareil utilisé pour consommer ses contenus est — roulement de tambour — le téléviseur. Le Royaume-Uni ne sera pas loin derrière. Les téléviseurs intelligents avec applications intégrées ont révolutionné la diffusion.
Alors, comment les éditeurs de presse peuvent-ils se préparer à l’ère de la vidéo ?
Atteindre le public là où il se trouve ne se résume pas aux plateformes. Il s'agit de comprendre les techniques narratives efficaces, de comprendre comment le choix des histoires, le langage et les styles de production évoluent dans cet espace. Un bon contenu YouTube ne fait pas une bonne émission télé.
Les éditeurs vidéo à succès ont compris les comportements, les besoins et les centres d'intérêt du public. Ils ont créé des formats adaptés à la façon dont le public consomme le contenu aujourd'hui. Cela ne se fera pas par une simple modification des valeurs de production traditionnelles. L'heure est à l'audace.
Lorsque nous avons lancé The News Movement (TNM) en 2021, nous avons été les premiers à utiliser des explications TikTok avec des "écrans verts” lo-fi et des montages bruts qui auraient fait grimacer mes anciens collègues de la BBC. Mais nous ciblions délibérément un public plus jeune, en utilisant le langage des réseaux sociaux.
Ça a fonctionné : 61 % du public du TNM a moins de 35 ans. En 2025, ce format est rarement utilisé. Le contenu du TNM a évolué. Mais c’est là tout l’intérêt. L’agilité est essentielle.
@thenewsmovement What is the Haka and why is it culturally significant for the Māori people of New Zealand? A resurfaced clip of Hana-Rawhiti Maipi-Clarke, the 21-year-old New Zealand MP, performing the Haka on her debut speech has gone viral. Maipi-Clarke is the youngest MP to be elected to New Zealand’s parliament in 170 years. Here’s what you should know about the Haka and it’s importance within Māori culture. 📸 AP #Maori #māori #maoriparty #tepātimāori #newzealand ♬ original sound - The News Movement
Le succès sur les réseaux sociaux repose sur la compréhension de l'audience et des algorithmes. Prenons l'exemple de Piers Morgan. Il a abandonné la télévision pour YouTube, ciblant des YouTubeurs de premier plan comme Megyn Kelly (3,5 millions d'abonnés) pour ses interviews d'actualité, non seulement pour le contenu, mais aussi pour son audience. Son succès a été récompensé : il est aujourd'hui sans doute le YouTubeur d'actualité le plus populaire du Royaume-Uni (3,8 millions d'abonnés).
Il est important d’identifier où les algorithmes remettent en cause les valeurs de la radiodiffusion. Maître de l'explication politique, TLDR News propose un autre modèle. L'entreprise a rassemblé 2,5 millions d'abonnés sur l'ensemble de ses chaînes thématiques. Un public plus restreint, mais plus engagé, qui obtient exactement ce qu'il recherche. BBC News, prenez-en de la graine.
Pour les grandes rédactions, constituer des équipes vidéo représente un défi institutionnel. En tant que responsable vidéo chez BBC News (2016-2021), je regrette que nous n'ayons jamais réussi à mettre en place un format explicatif durable.
Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Il y a eu des projets pilotes prometteurs comme la série électorale de 2019, This Matters, le travail captivant de Frankie McCamley ou nos explications sur la Covid-19 qui ont surpassé la télévision et les textes lors des tests d'accessibilité.
Aucune n'était parfaite. Mais le problème n'était ni l'intention ni le talent. C'était la patience. Une bonne vidéo prend du temps à concevoir. Testez. Revoyez. Corrigez. Ce graphique circule sur le web et montre combien de vidéos Mr. Beast, le plus grand YouTubeur du monde, a réalisées avant de devenir viral (453, au cas où vous vous poseriez la question). Les rédactions doivent être prêtes à expérimenter, sans s'attendre à des résultats immédiats.
Et puis il y a les créateurs, véritables locomotives de la vidéo sociale. Le Reuters Institute DNR nous apprend que les jeunes publics se tournent de plus en plus vers les créateurs pour s'informer, et non vers les marques.
Les éditeurs expérimentent. Curiously de Reach et le compte TikTok de BBC News montrent des signes de vie. Au moins un éditeur de journal régional développe un réseau de créateurs pour soutenir ses réseaux sociaux. Mais personne n'a encore trouvé la formule permettant de laisser une liberté créative à chacun tout en préservant les liens avec une marque phare. Des plateformes comme Noosphere montrent qu'il existe des opportunités de curation pour rassembler les créateurs vidéo.
@curiouslymedia Jason is reportedly getting paid how much?! 😲 (according to Showbiz Galore) #minecraftmovie #minecraft #jackblack #jasonmomoaedits ♬ I Feel Alive (from “A Minecraft Movie”) - Jack Black
Il y a là une opportunité. Doter une nouvelle génération de créateurs des valeurs journalistiques et des compétences de production. Les médias et les universités pourraient montrer la voie.
Le journalisme britannique n'a pas encore produit de Johnny Harris (récits internationaux) ou de Cleo Abram (actualités technologiques) – des créateurs fidélisant leurs abonnés autour d'un récit de niche de haute qualité. Mais ne vous laissez pas tromper par leur côté indépendant. Regardez les crédits : ce ne sont pas des vlogueurs de chambre. Ce sont des équipes qui ont du talent et de l'ambition.
Les vétérans du “virage vers la vidéo” de 2015 pourraient difficilement s’empêcher d’afficher un sourire ironique face à ce nouvel engouement. Certes, la vidéo possède un fort pouvoir de connexion, mais elle n’est ni le seul moyen d’atteindre un public, ni une stratégie à poursuivre de manière isolée.
La leçon du dernier virage est qu'investir massivement dans des équipes cloisonnées n'est pas la solution. La vidéo doit s'inscrire dans une réflexion plus large, au même titre que les stratégies sociales, les podcasts, les produits et les audiences. Mais il est encourageant de constater que le débat reprend. Cliquez sur Play.
Photo de Louis Hansel sur Unsplash.
Cet article a été initialement publié sur Journalism.co.uk et republié sur IJNet avec autorisation.