Comment les journalistes vivent le conflit au Soudan

17 mai 2023 dans Reportage de crise
Conflit au Soudan

Les affrontements qui ont éclaté au Soudan entre les paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) et l’armée régulière soudanaise le 15 avril ont mis les journalistes en danger et exacerbé les difficultés auxquelles ils sont confrontés dans leur travail.

La crise a ainsi forcé 250 journalistes à changer de voie, rapporte le Syndicat des journalistes soudanais. Deux cent cinquante autres sont au chômage depuis peu. "Si les conditions restent inchangées, le journalisme au Soudan disparaîtra", prévient Abu Idris.

IJNet en arabe s'est entretenu avec deux journalistes soudanais sur leur expérience de la crise actuelle et les risques auxquels sont confrontés les professionnels des médias au Soudan aujourd'hui. Voici ce qu'ils avaient à dire.

Les dangers du travail de reportage

Fin avril, le Syndicat des journalistes soudanais a annoncé que les forces armées soudanaises avaient agressé un correspondant de la BBC à Khartoum. Un certain nombre de journalistes ont également été bloqués dans leurs bureaux en raison du conflit armé.

Des rédactions dans le centre ville de Khartoum ont aussi été bombardées, dit Eman Kamal El-Din, une journaliste de Sudan Press. "Certains journalistes ont été victimes d’agressions et de répression lors de la couverture des affrontements.”

La journaliste raconte qu'elle a passé les premiers jours du conflit dans une zone assiégée près d'un camp de RSF dans la ville de Bahri, au nord de Khartoum. "Avec les coupures d'eau et d'électricité dans cette zone, je ne peux pas dire que les journées sont normales", dit-elle. "Nous sommes tiraillés entre les risques alentours et le besoin de chercher des informations autant que possible. Pendant les affrontements, j'ai publié des informations de dernière minute pour le média pour lequel je travaille sur la reprise des combats, les avions et l'artillerie lourde."

 

Une situation difficile et incertaine

"Il est vraiment difficile de voir la destruction, les cadavres dans les rues et de faire des reportages en même temps", explique le journaliste soudanais et correspondant d'Al-Arabiya à Khartoum, Salem Al-Hashemi. "Les deux parties en conflit ne sont pas satisfaites de nos nouvelles et de nos informations. C'est une situation inquiétante pour les journalistes, mais rassurante en même temps parce qu'il s'agit d'une représentation juste de la situation.”

 

 

الصحفي السوداني سالم الهاشمي

Le journaliste soudanais Salem al-Hashemi

 

La couverture indépendante des journalistes, en particulier dans les zones d'affrontements armés, peut mettre leur vie en danger. M. Al-Hashemi, par exemple, a reçu des menaces de mort.

"J'ai pris ces menaces au sérieux et j'en ai informé les autorités. Je fais mon travail normalement malgré l'incertitude, d'autant plus qu'il n'y a pas de lois ou d'engagements de la part des deux [parties] pour protéger les journalistes ou répondre à leurs demandes d'interviews ou de reportages dans certaines zones sous leur contrôle", précise-t-il.

Les trois premiers jours des affrontements ont été particulièrement éprouvants, se souvient M. Al-Hashemi, étant donné qu'ils ont eu lieu à la fin du Ramadan. "Les dommages et les cadavres dans les rues étaient choquants, et [je ne pouvais pas me reposer] plus d’une heure par jour", raconte-t-il.

Conseils pour les correspondants au Soudan

  • Les journalistes doivent se préparer correctement au travail sur le terrain. Ils doivent évaluer le danger à l'avance, peser les risques potentiels et prévoir comment les affronter.

  • La sécurité numérique est essentielle. Les journalistes doivent utiliser des applications de communication sécurisées pour protéger leurs données personnelles.

  • Faites preuve d'une prudence accrue lorsque vous utilisez les réseaux sociaux, et ne fournissez aucune information aux autorités ou aux groupes armés qui pourrait mettre votre sécurité en péril.

  • Préparez des équipements de sécurité et ayez une trousse de premiers secours avec vous.

  • Reposez-vous et donnez la priorité à votre bien-être mental. Travailler dans un environnement dangereux, dans des conditions difficiles et pendant de longues heures, a un impact négatif sur la santé psychologique et physique des correspondants.

Ressources et soutiens pour les journalistes au Soudan

  • L'UNESCO a élaboré un guide sur la sécurité utile pour les journalistes travaillant dans des environnements dangereux.

  • Le Rory Peck Trust apporte un soutien pratique et financier aux journalistes indépendants et à leurs familles dans le monde entier. Il leur fournit également une assistance en temps de crise et les aide à travailler en toute sécurité et de manière professionnelle lorsqu'ils couvrent des conflits.

  • Fonds d'urgence d'Internews : Internews a lancé une campagne de collecte de fonds pour les journalistes du Soudan par le biais de son Fonds d'urgence. La campagne vise à fournir un soutien financier aux journalistes, des équipements de sécurité, des médicaments et un soutien psychologique.

  • Le Fonds de sécurité de la Fédération internationale des journalistes apporte un soutien financier aux journalistes travaillant dans des zones dangereuses ou en conflit, y compris au Soudan.

  • Le Reporters Respond Fund est un fonds d'urgence qui fournit une aide directe ainsi qu'un soutien et des conseils juridiques liés à la sécurité des journalistes et des organisations médiatiques.

  • Journalists in Distress dresse la liste des principaux fonds et organisations qui soutiennent les journalistes travaillant dans des zones de conflit.


Photos fournies par le journaliste soudanais Salem Al-Hashemi.

Cet article a d’abord été publié sur IJNet en arabe.