Cinq conseils pour devenir responsable d'une rédaction

par Anton Protsiuk
3 oct 2024 dans Bases du journalisme
Deux femmes au travail

Cet article a été publié à l'origine par The Fix et est republié ici avec autorisation. Informez-vous sur les dernières actualités du monde des médias européens en vous inscrivant à leur newsletter.

 


Comme beaucoup de professionnels des médias l’ont appris à leurs dépens, les bons journalistes ne sont pas forcément de bons managers. Mais certains peuvent l’être, surtout avec une formation adéquate. De nombreuses qualités qui font d’une personne un bon journaliste, comme la curiosité et les compétences interpersonnelles, sont tout aussi importantes pour les postes de direction. 

Comment passer de la chasse aux informations à la gestion d’équipes entières ? The Fix a interviewé des dizaines de dirigeants des médias, dont beaucoup ont débuté leur carrière en tant que reporters.

Voici un aperçu de cinq enseignements que nous avons tirés de leur parcours.

(1) Pour franchir le pas, il faut faire preuve d'initiative et adopter une vision qui dépasse le cadre traditionnel de la relation Église/État

Pour obtenir une promotion, vous devez être proactif et faire preuve d’initiative. Brad Wolverton, directeur éditorial de HubSpot Media Network, suggère de saisir des opportunités de gestion plus modestes avant de franchir le pas. “Saisissez les occasions d’encadrer les gens et levez la main lorsque l’équipe est en train de suivre des processus de planification stratégique et de participer [...] pour simplement tâter le terrain.”

  • Thomas Seymat, ancien responsable des projets éditoriaux et du développement chez Euronews, conseille de trouver des fonds pour un nouveau projet, par exemple en menant une demande de subvention. Votre contribution vous permettra naturellement de superviser le projet que vous avez contribué à financer.

Sur un plan plus philosophique, Raju Narisetti, responsable de l’édition chez McKinsey, conseille de penser au-delà du modèle traditionnel du journalisme calqué sur le lien entre l'Église et l’État et d’adopter les croisements entre l’éditorial, les affaires et les produits/technologies. “J’encourage les gens à [...] réfléchir à la manière dont l’Église et l’État peuvent travailler ensemble.  Quelles sont les compétences dont j’ai besoin ? Qu’est-ce que j’apporte ? Qu’est-ce que je n’ai pas ?”

(2) En tant que manager, soyez généreux de votre temps – et prêt à aider les autres

Kait Bolongaro, qui dirige une équipe de 30 personnes couvrant l’Europe chez MLex Market Insight, estime qu’un bon manager doit également avoir “l’âme d’un enseignant.” Encadrer les membres moins expérimentés de l’équipe constitue une part importante de son travail. “Il faut être prêt à investir dans les gens et à être généreux de son expérience, et essayer de trouver des moyens de les aider.”

Brad Wolverton propose une comparaison encore plus directe entre un poste de manager et un poste d’enseignant. “Je viens d’une famille d’enseignants. Ma mère était enseignante, mon frère est professeur et les éducateurs ont tendance à vouloir aider les gens. Je sens que j’ai un côté empathique qui me permet de vouloir aider les équipes et de les aider à s’élever.”

(3) Apprenez à “mettre votre ego de côté”

Les journalistes vedettes sont habitués à être sous les feux de la rampe. Votre signature est votre marque et voir votre nom sur un grand article est exaltant. Les responsables éditoriaux et les managers, quant à eux, font de leur mieux pour encourager les talents, améliorer le travail des autres et créer un environnement où les autres peuvent briller.

Kait Bolongaro conseille aux journalistes qui passent à des postes de direction d’être prêts à “laisser leur ego de côté.” “Les journalistes sont habitués à recevoir la gloire pour de gros reportages ou un travail bien fait, alors que les responsables éditoriaux et les directeurs sont plus en coulisses,” souligne-t-elle.

  • Une solution possible consiste à réserver du temps pour réaliser un travail créatif en tant que contributeur individuel, que ce soit dans le cadre de votre emploi principal ou en lançant un projet parallèle. Gerbert van Loenen dirige une équipe de formateurs chez DPG Media, mais veille à consacrer environ un tiers de son temps de travail au développement de ses propres programmes. Brad Wolverton dirige une équipe de 40 personnes le jour, mais rédige sa propre newsletter pendant son temps libre.

(4) Cultiver des intérêts divers 

Plus on monte dans la hiérarchie, plus les compétences requises sont diversifiées. Raju Narisetti dit qu’il essaie d’avoir “quelques centimètres de profondeur mais un kilomètre de largeur.”

M. Narisetti estime que les dirigeants doivent favoriser la diversité des intérêts et une large ouverture d'esprit plutôt que de se concentrer sur un seul domaine d'expertise. Il y a un avantage considérable à être un touche-à-tout capable de relier des concepts apparemment sans rapport et d'identifier des tendances générales.

“Souvent, on peut compter sur des collègues, des personnes très spécialisées dans l'équipe, vers qui on peut se tourner. Mais parfois, on n'a pas un groupe de personnes qui connaissent bien un grand nombre de choses.”

(5) Appuyez-vous sur vos talents de narrateur

Gerbert van Loenen souligne que les journalistes sont des conteurs naturels – une compétence qui n’est pas moins pertinente pour les dirigeants.

“Je sais que nous avons besoin d’indicateurs de performance clés et d’objectifs clairs, mais ce n’est pas l’essentiel pour être un leader. L’essentiel pour être un leader, c’est de raconter une histoire. Où allons-nous ? Pourquoi y allons-nous ? Comment y allons-nous ? Quelle est la marge de manœuvre ? Que dois-je demander aux autres pour atteindre les objectifs ? Diriger, c’est avant tout raconter une histoire, et c’est aussi important dans le journalisme.”

 


Photo de Microsoft 365 sur Unsplash.