Icfj 的一个项目

Une webradio contre les fake news sur Whatsapp

作者 Kpénahi Traoré
May 14, 2021 发表在 Couvrir le COVID-19
Un homme avec un casque audio regarde son portable

Pour répondre aux attentes d’un public de plus en plus exigeant sur la qualité de l’information, certaines entreprises de presse proposent de nouveaux modes de consommation de cette information.

Israël Guébo, directeur de l’Institut africain des médias (IAM) à Abidjan a créé WA FM en pleine crise sanitaire en mars 2020, une webradio qui diffuse son contenu essentiellement sur WhatsApp. 

Pourquoi avez-vous choisi WhatsApp comme canal de diffusion de votre webradio ?

C’est par un concours de circonstances qu’on est arrivé à ce mode de diffusion. Au début de l’épidémie de COVID-19 en Côte d’Ivoire, le gouvernement avait comme canal de communication uniquement le journal de 20 h où on ne faisait qu’un communiqué.

Pourtant, au même moment, il y avait beaucoup de fausses informations qui circulaient sur les réseaux sociaux, notamment sur Whatsapp qui était devenu un diffuseur de fausses informations. Je me suis donc dit qu’il y avait deux choses à faire. D’abord réfléchir à un média qui n'allait pas coûter cher, qui ne serait pas compliqué à mettre en place et qui pouvait apporter une contradiction à ces fake news. La deuxième chose était d’être un média qui allait se faire l’écho des recommandations et conseils donnés par le gouvernement et l’OMS (Organisation mondiale de la Santé). C’est pour cette raison qu’on est sur Whatsapp.

Quel contenu diffusez-vous?

Au départ nous avions un journal tous les soirs à partir de 19 h 30 GMT avec un présentateur et des reportages exclusivement sur la pandémie. Mais depuis le 3 mai dernier nous avons une nouvelle grille grâce à des partenariats avec des radios communautaires qui traitent des sujets sur la jeunesse, l’éducation civique et sur les femmes. Nous récupérons ce contenu que nous adaptons à un format beaucoup plus court avant de le diffuser sur notre webradio.

Crédit photo : Charly Kodjo
Photo d'Israël Guébo, crédit photo : Charly Kodjo

Comment faire partie des auditeurs de WA FM ?

Pour faire partie de nos abonnés, il suffit de s’inscrire sur notre numéro et à partir de ce moment vous êtes intégrés dans notre liste de diffusion. Nos auditeurs ont la possibilité de réagir, de nous dire si un sujet les intéresse particulièrement ou si un reportage est de mauvaise qualité, c’est ce qui est aussi important pour nous, avoir cette interaction avec nos auditeurs. 

Quel est le modèle économique de ce média ?

L’avantage avec Whatsapp, est que nous pouvons mesurer notre audience qui se chiffre à près de 4 000 abonnés qui au moins ouvrent notre fichier. Pour ce qui est de savoir s’ils ont écouté l’émission ou pas, ça c’est un autre aspect. Cette audience nous a permis de démarcher des entreprises et des institutions afin de proposer une publicité ciblée. Cela intéresse les entreprises qui veulent atteindre une cible bien précise. Si vous demandez à une radio combien d'auditeurs ont écouté ses journaux, elle ne saura pas vous répondre, alors que nous aujourd’hui, si. 

En décembre dernier, nous avons même lancé un journal numérique PDF qu’on diffuse uniquement sur Whatsapp également, ça s’appelle Abidjan Soir. On vend des pages publicitaires à l’intérieur de ce journal. Cela convient aux annonceurs parce que ça ne coûte pas énormément cher et ils ont la garantie derrière de toucher l’audience que nous leur avons vendue. Si nous leur avions dit 1 000 personnes, elles savent qu’elles toucheront 1 000 personnes. Et ces abonnés partageront aussi le contenu avec d’autres personnes, ce qui fait grossir l’audience. 

A l’heure où les modes de consommation des médias ont beaucoup évolué, les médias africains, notamment ivoiriens, ont-ils raté leur mutation numérique ?

Je ne sais pas si le terme raté est le bon, mais en tous cas les médias ivoiriens, notamment la presse écrite, n’ont pas suivi le tempo imposé par les nouveaux médias. Ils ont eu un peu de retard avant de se lancer véritablement ce qui fait qu’aujourd’hui quand certains médias lancent leur site web d’information, on est déjà en train de réfléchir à comment faire de l’information via des applications ou autres. Par contre les médias comme la radio ou la télévision ont un peu plus tôt pris en compte le fait que leur public utilise énormément les médias sociaux. 

[Lire aussi : Comprendre Clubhouse et savoir s'en servir en tant que journaliste]

Comment rattraper ce retard ?

Je propose quelques pistes. D’abord, il faut que les journalistes se forment non seulement à la prise en main de ces nouveaux outils, mais aussi à la compréhension de l’environnement digital qui nous entoure. Les canaux de diffusion évoluent et les médias doivent pouvoir suivre la tendance et s’adapter.

Ensuite, il faut que les entreprises de presse comprennent qu’on est vraiment dans un nouveau modèle économique par rapport au numérique. On ne peut pas faire fonctionner une entreprise de presse numérique comme une entreprise de presse classique. Elles doivent trouver les moyens et faire en sorte que l’audience augmente.

Produire un contenu de qualité dans les règles de l’éthique et de la déontologie, un contenu proche des populations. Puis au-delà du contenu de qualité, il faut trouver d’autres services à forte valeur ajoutée, par exemple publier des avis et communiqués, vendre des productions ou organiser des événements autour du digital. C’est ce qui va permettre d’ouvrir les champs de business pour que les médias puissent vivre parce qu’on sait très bien qu’aujourd’hui il est difficile de trouver un business modèle parfait qui fonctionne de façon autonome, surtout que la plupart des médias en ligne sont toujours adossés à un média classique.

C’est aussi aux chefs d’entreprises de presse de réfléchir et de connaître le marché parce que les réalités et les publics ne sont pas les mêmes. Le public d’Abidjan n’est pas celui de Paris ou de Lomé ou de Dakar. C’est vrai nous venons avec notre passion de journaliste, mais on n’a pas forcément toutes les clefs, tous les outils pour gérer une entreprise. C’est pour cette raison d’ailleurs je pense que les journalistes doivent avoir une formation d’entrepreneurs.

[Lire aussi : La Maison des reporters, un média indépendant pour enquêter au Sénégal]

Mais comment les entreprises de presse peuvent-elles s’en sortir financièrement quand on sait que le public africain, surtout ivoirien n’a pas forcément cette culture de payer pour s’informer en ligne ?

Ce fait ne concerne pas uniquement le numérique, concernant les journaux papier on voit que les chiffres ont baissé parce que les gens n’achètent pas le journal. Mais les entreprises de presse peuvent tourner cela à leur avantage si elles parviennent à attirer une forte audience et ensuite l’utiliser pour démarcher les annonceurs, sinon ce n’est pas sur les abonnements qu’ils se feront de l’argent. 


Numéro WhatsApp de WA FM : +225 44 04 71 97


Kpénahi Traoré est journaliste burkinabè à RFI, elle travaille en France. Diplômée de l'École supérieure de Journalisme (ESJ) de Lille, elle est l'ex-rédactrice en chef de RFI mandenkan, la rédaction mandingue de la Radio France internationale.

Kpénahi Traoré est aussi l'autrice du podcast "Bas les pattes" qui questionne la place de la femme dans les sociétés africaines dans l'ère des mouvements MeToo et Balance ton porc.


Photo principale d'illustration, sous licence CC via UnsplashKojo Kwarteng 

Photo d'Israël Guébo, crédit photo : Charly Kodjo