Une bibliothèque de séquences vidéo gratuites aide les journalistes à diversifier leur couverture

8 janv 2025 dans Journalisme multimédia
Icônes de différentes catégories de vidéos sur un écran

Trouver des images peut être un processus lent, laborieux et parfois pénible pour les journalistes vidéo. Surtout lorsqu'ils travaillent avec un budget limité, voire inexistant. 

C'est un problème auquel nous, Sanshey Biswas et Manon Verchot, cofondateurs d'InOldNews, avons été confrontés dans plusieurs rédactions dans lesquelles nous avons travaillé. Depuis sa création en 2020, notre entreprise a formé et soutenu des milliers de journalistes et de rédactions dans plus de 25 pays. 

Que nous parlions du changement climatique, de la surpêche ou des élections, il était toujours difficile de trouver des images pertinentes des pays que nous couvrions. Plus tard, lorsque nous avons commencé à organiser des formations pour les journalistes dans des pays comme le Gabon, le Rwanda et la Sierra Leone, nous avons eu du mal à trouver des images adaptées à leur contexte pour les exercices pratiques que nous leur proposions.

 

 

FileNotFound page

De nombreuses rédactions ne peuvent pas se permettre de s'abonner à des agences de presse comme l'AFP, Reuters et AP, d'autant plus que leurs budgets et leurs effectifs sont réduits. Elles sont donc obligées de se tourner vers ce qui est disponible gratuitement. Bien qu'il existe de nombreuses ressources d'images gratuites en ligne, elles ont tendance à être centrées sur les États-Unis et l'Europe, ce qui complique la tâche des journalistes qui couvrent l'actualité au-delà de ces régions. 

Sur Wikimedia Commons, par exemple, on trouve dix fois plus de séquences provenant du Royaume-Uni que de Tanzanie ou de Thaïlande, alors que ces pays ont tous une population comparable. Certains pays, comme Brunei, n’ont quasiment aucune représentation visuelle sur les plateformes de vidéos gratuites. Même dans les régions géographiques où l’on trouve beaucoup de séquences, comme les États-Unis, on observe des lacunes importantes en dehors des centres médiatiques. Ce manque de représentation peut affecter la relation des journalistes avec leur public. Une étude du Reuters Institute for the Study of Journalism a révélé que si le public ne se sent pas représenté dans les médias, cela “sape sa confiance dans l’information.” 

Il y a quelques années, nous avons réalisé que nous pouvions contribuer à combler ces lacunes. Nous avons donc commencé à créer une bibliothèque de séquences libres d'utilisation sous licence Creative Commons que nous avons baptisée Open Journalism Network

Au début de ce projet, nous avons commencé par enregistrer nous-mêmes des images à chaque fois que nous organisions des formations pour les journalistes dans les pays moins représentés. Nous enregistrions des plans d'ensemble de bâtiments gouvernementaux, de marchés, de monuments historiques, de musées et de rues de villes. Nous mettions ensuite nos images en ligne sur des plateformes comme Flickr, Pexels et Pixabay

Il ne nous a pas fallu longtemps pour confirmer qu’il y avait un réel besoin pour ce type de séquences provenant d’endroits où les clips vidéo sont peu nombreux. Nos clips ont été visionnés des millions de fois et téléchargés des dizaines de milliers de fois en quelques mois. Cela nous a donné la confiance nécessaire pour faire ce que nous espérions faire au départ : travailler avec des journalistes locaux pour contribuer à accroître la représentation de leurs propres communautés grâce au journalisme vidéo. Nous savions dès le départ qu’il serait impératif de travailler avec des journalistes qui comprennent le contexte local et qui ont une compréhension plus approfondie des enjeux.

 

 

Pexels

 

Nous avons donc présenté cette idée au programme Entrepreneurial Journalism Creators Program (EJCP) de la Craig Newmark Graduate School of Journalism de la CUNY. Au cours de ce programme de 100 jours, nous avons travaillé à transformer ce projet en une entreprise durable et à élaborer un argumentaire qui parlerait aux donateurs potentiels. Cela nous a permis d'obtenir notre première subvention du Earth Journalism Network d'Internews et de l'ASDI.   

Cette subvention nous a permis d’augmenter la disponibilité des images liées au changement climatique provenant de 13 pays. Nos contributeurs ont enregistré plus de 700 clips couvrant des événements d’actualité comme l’ouragan Beryl, et des images intemporelles comme l’élévation du niveau de la mer, les vagues de chaleur, les espèces invasives, la restauration des mangroves, les énergies renouvelables et bien plus encore. Nous avons également reçu un Magic Grant du Brown Institute of Media Innovation de la Columbia Journalism School. 

En décembre 2024, notre bibliothèque hébergeait 1 800 clips provenant de 29 pays. Cette année seulement, nous avons pu travailler avec et rémunérer près de 30 journalistes dans 14 pays. Toutes les séquences sont publiées en ligne gratuitement, sous une licence CC BY, ce qui signifie qu'elles peuvent être utilisées par n'importe qui, de n'importe quelle manière, à condition qu'elles soient créditées. Chaque clip vidéo comprend les exigences de crédit dans la description. Les captures d'écran de ces clips peuvent également être utilisées dans des articles ou des publications sur les réseaux sociaux, avec la même attribution. 

En plus des sujets environnementaux, notre réseau de journalistes nous a aidés à couvrir les élections indiennes et américaines depuis des lieux qui ont tendance à recevoir moins de couverture médiatique. Leurs clips ont été utilisés par des journalistes indépendants et des organismes de presse qui couvrent ces sujets. Il n'est pas facile de connaître la portée réelle des vidéos qui ont utilisé notre bibliothèque. Mais d'après ce que nous avons pu suivre, les reportages vidéo qui ont utilisé notre bibliothèque ont été visionnés plus de 4 millions de fois. 

Quelle est la prochaine étape pour l'Open Journalism Network ? Grâce au Magic Grant, nous construisons notre propre plateforme en ligne pour héberger la bibliothèque. Bien que nous ayons connu du succès sur Flickr, Pexels et Pixabay, la vérité est que ces sites n'ont pas été conçus pour les journalistes. Il peut être difficile pour ces derniers de s'y retrouver et de trouver ce dont ils ont vraiment besoin. Nous allons également continuer à commander et à publier des séquences vidéo de contributeurs du monde entier. Et à former davantage de journalistes pour qu'ils se lancent dans la vidéo. 

Nous collaborons en permanence avec des journalistes, des rédactions et des organisations de développement des médias qui s'intéressent à des approches créatives pour remédier au manque de diversité dans les médias. Nous sommes pleinement conscients de n’être qu’un élément parmi d’autres dans cette problématique complexe, et que de nombreux efforts restent encore à accomplir.

 


Contactez-nous pour des collaborations ou du soutien en envoyant un e-mail à : editor [at] inoldnews [dot] com. 

Images et image principale avec l'aimable autorisation de Sanshey Biswas et Manon Verchot.