Un nouveau dispositif cherche à favoriser la diversité des rédactions et des sources

par Naomi Ludlow
16 mars 2021 dans Diversité et inclusion
Des mains au dessus d'une table

Le débat sur l'absence de diversité dans les rédactions ne date pas d'hier. Il y a plus de 40 ans, l'American Society of Newsrooms Editors (ASNE) s'est engagée à ce que d'ici l'an 2000, les rédactions soient aussi diversifiées que la population américaine dans son ensemble. Malheureusement, cette promesse n'a pas été tenue et a maintenant plus de 20 ans de retard.

Selon une étude réalisée en 2018 par le Pew Research Center, la diversité dans les médias ne reflète pas celle de l'ensemble du pays. Par exemple, alors que 65 % de la main-d'œuvre globale aux États-Unis est blanche non hispanique, ce chiffre s'élève à 77 % dans les rédactions.

 

Pew Research graph on newsroom diversity
Graphique extrait du rapport du Pew Research Center sur la diversité dans les rédactions.

 

Trois journalistes expérimentées, toutes des femmes racisées, ont récemment lancé une nouvelle initiative pour combler ce vide dans le secteur des médias. Les cofondatrices Selymar Colón, présidente et rédactrice en chef de Frame ONE Strategies, Ana Campoy, responsable éditoriale adjointe en charge de la finance et de l'économie chez Quartz, et Jasmine Brown, productrice de l'émission Nightline sur ABC, en ont elles-mêmes fait l'expérience. Baptisé Diversifying Journalism, ou DiJo, le projet vise à promouvoir l'inclusion de voix de personnes racisées dans les rédactions et parmi les sources des reportages des journalistes.

"La diversité a un impact direct sur le journalisme que nous produisons dans nos rédactions et sur qui l'écrit. Nous devons avoir des voix et des perspectives diverses pour donner aux lecteurs un compte rendu complet du monde", déclare Mme Campoy. "Cela ne va pas se produire spontanément. Ce programme est une façon concrète d'apporter notre aide."

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En tant que journalistes chevronnées, Mmes Colón, Campoy et Brown connaissent bien la lourde charge de travail et les délais serrés auxquels sont soumis nombre de leurs collègues reporters. Cette réalité peut conduire les journalistes à rechercher des sources et des experts faciles à intégrer dans leurs reportages, reléguant la diversité au second plan, racontent-elles.

Elles ont pu constater que ce manque de diversité ne faisait qu'empirer plus on montait dans la hiérarchie. Une enquête de 2018 de l'ASNE a révélé que si les journalistes non blancs ne représentent que 22 % de la masse salariale de la presse papier et web, ce pourcentage tombe à 18 % pour les postes de direction.

L'équipe de DiJo a donné le coup d'envoi de son travail en publiant deux enquêtes pour trouver des journalistes racisés. L'enquête sur le personnel des rédactions vise à aider les responsables du recrutement à trouver des journalistes expérimentés et qualifiés. L'enquête sur les experts aidera les journalistes à identifier les experts non blancs et à les inclure comme sources dans leurs reportages.

L'équipe examinera les noms reçus par le biais des enquêtes et créera deux bases de données que les journalistes pourront utiliser comme ressources. Ces bases de données serviront non seulement d'outils pour les journalistes et les responsables du recrutement, mais aussi de moyens pour les collègues journalistes de développer mentorat et réseautage.

Leurs efforts s'inscrivent dans le contexte d'une pression accrue dans l'ensemble du secteur de la presse pour aborder les questions de diversité, d'équité et d'inclusion dans les rédactions. Spotlight PA a créé une base de données pour les journalistes de Pennsylvanie. À plus grande échelle, le Democracy Fund a créé la Journalism DEI Wheel pour aider les bailleurs de fonds à accorder des subventions en prenant mieux en compte les questions de diversité, d'équité et d'inclusion.

"Depuis l'été 2020, de nombreuses rédactions ont commencé à réfléchir et à annoncer publiquement des initiatives en matière de diversité. Certaines renforçaient ce qu'elles avaient, d'autres partaient de zéro", remarque Mme Colón.

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Mmes Colón, Campoy et Brown se sont rencontrées dans le cadre d'un programme de la Nieman Foundation l'année dernière. "J'ai eu un aperçu de la manière dont la diversité pouvait être organique et authentique", écrit Mme Campoy à propos de son expérience.

"Pendant l'année que nous avons passée ensemble, nos différences ont rendu nos discussions plus riches, plus nuancées et, oui, plus compliquées. C'était comme regarder à travers un kaléidoscope qui changeait constamment ma perspective, me faisant faire face à mes préjugés."

Les trois journalistes reviendront cette année en tant que Neiman Visiting Fellows pour développer leur projet. Elles prévoient de créer une interface pour leurs bases de données au cours de l'édition 2021 du programme et de repartir avec un prototype qu'elles pourront tester auprès de médias. Après cette période d'expérimentation, les rédactions de tout le pays auront accès aux bases de données pour les aider à acquérir des sources diverses et fiables.

En fin de compte, pour l'équipe de DiJo, la diversité est bien plus qu'une question de chiffres. C'est la capacité de comprendre les différences entre les uns et les autres pour améliorer la communauté dans son ensemble.

"La plus grande préoccupation en tant que journalistes est que nous voulons que les rédactions aux États-Unis soient représentatives des communautés dont elles rendent compte", explique Mme Colón. "Il y a un manque de diversité parce que nous n'allons pas chercher ces professionnels sur le terrain. Ils sont là, il faut juste faire un pas de plus pour les trouver."


Naomi Ludlow est stagiaire chez IJNet.

Photo par fauxels de Pexels.