En partenariat avec notre organisation mère, le Centre international pour les journalistes (ICFJ), IJNet met en lien journalistes, experts en santé et dirigeants de rédaction à travers une série de webinaires sur le COVID-19. Cette série s'inscrit dans le cadre du Forum de reportage sur la crise sanitaire mondiale de l'ICFJ. Un forum francophone est par ailleurs à votre disposition.
Le COVID-19 a eu des conséquences économiques et sanitaires dévastatrices pour de nombreuses personnes dans le monde, notamment les plus vulnérables.
Les populations migrantes, fuyant les difficultés de leur pays, ont été confrontées à des risques accrus au cours de leur voyage à la recherche de meilleures opportunités. Un plus grand nombre d'entre elles sont au chômage et beaucoup sont restées bloquées au cours de leur voyage. Par ailleurs, de nombreux migrants se sont retrouvés en première ligne de la lutte contre le virus.
"Regardez autour de vous", déclare Yasmina Guerda, chargée de communication en matière de santé publique à l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). "Les migrants sont partout [et] ils nous aident à sortir de cette situation. Partout où vous regardez, ils contribuent aux solutions [à la crise du COVID-19]."
Comment les journalistes doivent-ils aborder leurs reportages sur la migration pendant la pandémie ? Sur quelles questions relatives aux migrations les journalistes doivent-ils se concentrer ?
Le responsable de la communauté du Forum de reportage sur la crise sanitaire mondiale de l'ICFJ, Paul Adepoju, s'est entretenu avec Mme Guerda et Saskia Kok, responsable de la protection et de l'assistance aux migrants pour l'OIM au Nigeria, pour discuter des actions de l'OIM, partager des conseils pour produire des reportages sur la migration et mettre en évidence les ressources utiles pour mieux couvrir la question.
Voici ce qu'il fallait retenir de ce webinaire.
Le fonctionnement de OIM
- L'OIM est une organisation intergouvernementale, associée aux Nations Unies, répartie dans des bureaux nationaux partout dans le monde pour fournir une aide humanitaire aux migrants et pour conseiller les gouvernements sur la gestion des migrations.
- Les programmes de l'OIM dans les pays fournissent un soutien durable à la réinsertion et à la réhabilitation des migrants de retour chez eux. Ils aident les migrants vulnérables, notamment les demandeurs d'asile déboutés, les victimes de la traite et les enfants non accompagnés ou séparés de leur famille.
Le programme de l'OIM au Nigéria
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L'OIM collabore étroitement avec le gouvernement du Nigéria pour améliorer les structures de gestion des migrations et surveiller les indicateurs importants dans le pays sur ce sujet, comme les déplacements de population, par exemple. Elle s'efforce d'améliorer la qualité des données relatives à la migration et la façon dont elle communique sur les questions de migration. Elle intègre les informations collectées dans des rapports qu'elle publie régulièrement.
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Au cours des trois dernières années, l'OIM a aidé au retour au Nigéria de plus de 21 000 migrants provenant de divers pays tels que le Niger, le Mali, l'Allemagne et le Maroc, et surtout, à 83 %, de Libye. Il s'agissait de "retours volontaires", assure Mme Kok.
- Même avant le COVID-19, au moins 70 % des rapatriés avaient été exposés à des difficultés pendant leur voyage, telles que la violence, l'exploitation et les abus. A leur retour, les migrants nigérians avaient des besoins médicaux, psychosociaux et socio-économiques spécifiques. Le soutien de l'OIM à la réintégration dans la communauté vise à atténuer ces difficultés pour ceux qui reviennent.
[Lire aussi : le COVID-19 révèle les limites des reportages sur la migration en Tunisie]
Les populations migrantes et l'impact du COVID-19
- Le COVID-19 a ravagé les économies du monde entier, causant le déclassement social de nombreuses personnes. Le manque d'opportunités économiques et d'emploi est une force migratoire majeure : bien que les migrations aient diminué au début de l'année 2020, les experts s'attendent à ce que les flux migratoires augmentent considérablement dans un avenir proche, à mesure que les restrictions de voyage seront levées.
- Les restrictions de voyage et le renforcement des réglementations sanitaires et sécuritaires ont perturbé les économies et les schémas de migration. Cela a entraîné une augmentation du nombre de migrants bloqués et a intensifié les difficultés économiques auxquelles ils sont confrontés, notamment la perte de revenus.
- Les migrants n'ont souvent pas accès aux services de santé, en particulier pendant leur périple. Le COVID-19 a également exacerbé les risques auxquels ils sont généralement confrontés pendant leur voyage : de nombreux migrants se sont retrouvés dans des conditions qui les ont exposés de manière inquiétante au virus potentiellement mortel.
- L'OIM Nigéria a récemment mené une enquête qui a révélé que 96 % des migrants nigérians étaient dans une situation financière moins bonne qu'avant la pandémie, explique Mme Kok. En outre, 91 % des migrants nigérians ont indiqué que leur état psychosocial s'était détérioré en raison du COVID-19 et de ses conséquences.
La collecte d'information sur la santé et les migrations
- Il est difficile de suivre les indicateurs de santé, comme les taux d'infection et de mortalité, au sein des populations migrantes, car les établissements de santé ne collectent pas et ne distinguent pas ces informations selon ce critère.
- Les migrants sont moins enclins à se faire dépister et à demander une assistance médicale par peur de la stigmatisation, de l'expulsion ou parce qu'ils n'ont pas les documents requis. Cela a également un impact sur l'exactitude des données relatives à la santé des migrants.
- Il est important de noter que le terme "migrant" est un terme générique qui couvre un large éventail de circonstances migratoires. Les expériences varient selon les pays et les conditions de voyage. Par conséquent, l'OIM ne peut pas fournir de données globales sur l'impact de COVID-19 sur la migration.
Les sujets à suivre
- Les migrants ont été en première ligne de la lutte contre le COVID-19, fournissant des services dans des secteurs essentiels tels que la santé, la production agroalimentaire et le transport. Vos reportages doivent viser à mettre en lumière ces histoires.
- Les migrants peuvent être plus exposés aux risques pendant leur voyage. Toutefois, nombre d'entre eux effectuent des examens de santé approfondis avant d'entamer leur voyage, ce qui contribue à réduire ce risque. Recherchez des faits qui déconstruisent les affirmations stigmatisantes liant les migrants aux maladies.
- En couvrant le déploiement des campagnes de vaccination, vous pouvez demander des comptes aux gouvernements. Si les gouvernements annoncent des plans pour rendre la vaccination accessible à tous les groupes de population, il est important de suivre ce qui se passe dans la pratique. Il s'agit notamment de savoir si les migrants sont effectivement vaccinés ou s'ils ont un accès à l'information qui leur permet de s'inscrire et d'en bénéficier.
Ressources citées dans le webinaire
- La Displacement Tracking Matrix de l'OIM, matrice de suivi des déplacements qui présente des données sur l'impact de la mobilité dans le cadre du COVID-19, les mesures de déplacement et le suivi des flux migratoires. Vous pouvez également trouver des rapports sur les tendances spécifiques aux pays, ainsi que sur les flux régionaux et mondiaux.
- La librairie en ligne de l'OIM produit des publications sur la politique migratoire et la recherche.
- La page web de l'Organisation mondiale de la santé sur la santé des réfugiés et des migrants propose des ressources, des informations et des données sur la santé des migrants.
- Le Conseil norvégien pour les réfugiés, une organisation de protection des droits des migrants, et le Conseil danois pour les réfugiés, une organisation humanitaire à but non lucratif, partagent des rapports, des actualités, des faits et des chiffres.
- Trouvez les groupes de la diaspora et les organisations de la société civile dans votre pays pour obtenir des informations plus spécifiques sur la migration.
Lucía Ballon-Becerra est chargée de programmes au sein de l'ICFJ.
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