Nazlee Arbee, journaliste multimédia sud-africaine, a à cœur de raconter des récits. Sa passion pour le journalisme s'est révélée lors de ses études à l'Université du Cap.
Engagé.e, iel a été activiste durant ses études, jouant un rôle clef dans les manifestations Rhodes Must Fall. Iel a réussi à obtenir le retrait du campus d'une statue du colonialiste britannique Cecil Rhodes. Iel s'est également investi.e dans le mouvement #FeesMustFall, qui est devenu la plus grande manifestation étudiante de l'Afrique du Sud post-Apartheid.
Après avoir obtenu son diplôme, Mx Arbee a entamé sa carrière en tant que journaliste freelance, écrivant pour plusieurs publications telles que Medium, Mamba et IJNet. Dans ses articles pour IJNet, Mx Arbee aborde des sujets liés à aux mesures de sécurité et donne des conseils sur la manière de représenter de manière fidèle les voix marginalisées, les communautés noires et la communauté LGBTQ+ dans le cadre des reportages.
Aujourd'hui, Mx Arbee utilise son intersectionnalité pour lutter en faveur d'une meilleure représentation des personnes de couleur et des voix LGBTQ+ dans les médias. Grâce à sa connaissance approfondie de la photographie, de la musique, de la poésie et de l'écriture, iel sait comment toucher un public diversifié. Son objectif est de dépeindre de manière juste et précise les personnes qui sont souvent mal représentées dans les médias, en utilisant tous les moyens possibles.
Lors de notre conversation, j'ai abordé avec Mx Arbee les réalités d'être journaliste en Afrique du Sud, ainsi que l'importance de mener des reportages éthiques sur les groupes marginalisés et la manière dont le journalisme peut améliorer sa couverture des communautés LGBTQ+.
Comment avez-vous commencé à militer ?
Quand j’étais étudiant.e activiste, je vivais sur un campus fortement marqué par l'héritage colonial, où l'on célébrait ouvertement l'histoire coloniale en érigeant des statues en l'honneur des colonisateurs de nos ancêtres. Beaucoup d’étudiants le ressentaient mais peu prenaient position jusqu'à ce qu'un étudiant prenne l'initiative et que le mouvement prenne de l'ampleur. Des universitaires se sont également impliqués pour nous instruire et nous présenter d'autres formes de militantisme.
Au-delà de la symbolique des statues et de la célébration de l'histoire coloniale, il existait des problèmes de classisme et de racisme au sein de l'université. Les disparités de richesse sur le campus étaient flagrantes. Ayant moi-même fréquenté des établissements publics jusque-là, j'ai été profondément choqué.e de constater à quel point ces inégalités étaient normalisées.
À quoi ressemble le métier de journaliste au Cap, en Afrique du Sud ?
Il semble que les professionnels des médias en Afrique du Sud ne bénéficient tout simplement pas de rémunérations adéquates, ce qui complique la situation. Dans le cadre de mon article pour IJNet sur la santé mentale et le journalisme, je constate que les journalistes sud-africains sont confrontés à des formes uniques de traumatismes. En effet, notre pays présente l'un des taux de violences fondées sur le genre les plus élevés au monde.
En tant que journalistes, ils sont exposés à des situations d'extrême violence ou de grande pauvreté. Pouvoir s'exprimer sur ces questions et fournir des informations peut être très libérateur. Cependant, il est important de souligner que les journalistes sur le terrain en subissent les conséquences.
Qu'est-ce qui a motivé votre intérêt pour la couverture des communautés marginalisées, et quelles recommandations donneriez-vous aux autres journalistes pour assurer une représentation éthique et précise de ces communautés ?
Mon engagement découle de diverses influences, notamment l'intersectionnalité, mes études sur le sujet à l’université, mon activisme étudiant et le constat que mon histoire n'était pas racontée. L'aspiration à une représentation différente dans les médias et le manque de journalistes de couleur m'ont fortement encouragé.e à m'exprimer à travers le journalisme.
Je pense qu'il est important, autant que possible, de donner aux personnes une plateforme pour s'exprimer. Souvent, nous avons l'impression que nous devons être la voix de ceux qui en sont dépourvus. Cependant, je ne suis pas convaincu.e qu'une communauté soit véritablement sans voix. Parfois, ces communautés n'ont simplement pas l'opportunité de raconter leur propre histoire.
Lorsqu'il est possible de le faire, il est primordial de donner aux individus la possibilité de parler en leur nom propre. Et lorsque nous devons écrire sur quelqu'un qui n'est pas nous-même, il est essentiel de se fier véritablement à la perception que nos sources ont d'elles-mêmes. Il est crucial de leur demander comment elles souhaitent être représentées et si elles estiment être correctement représentées.
Le mois de juin est le Mois des fiertés aux États-Unis. Comment la couverture des questions LGBTQ+ a-t-elle évolué, et quels sont les domaines où des améliorations restent nécessaires ?
Je constate certaines améliorations. En consultant les archives historiques, je suis parfois optimiste quant à notre génération qui semble offrir une meilleure représentation. Les personnes LGBTQ+ ont été présentes dans les médias, documentées et actives tout au long de l'histoire. Je ne dirais donc pas qu'il n'y a pas de progrès en cours, car de nombreuses personnes ont contribué à promouvoir la représentation.
Mon principal problème avec le Mois des fiertés ne concerne pas seulement les médias, mais aussi les entreprises et les sociétés. Il y a souvent une tokenisation excessive. Je pense qu'il est nécessaire d'étendre la représentation des LGBTQ+ au-delà du Mois des fiertés.
De plus, nous n'avons pas besoin d'une couverture médiatique intense uniquement lorsqu'il y a un danger ou un événement tragique impliquant une personne transgenre. Il n'est pas nécessaire de toujours mettre l'accent sur de tels événements. Il est important de normaliser la diversité et de donner une voix aux personnes issues de différentes intersections tout au long de l'année.
Comment IJNet a-t-il contribué à votre carrière ?
J'apprécie énormément cette plateforme pour les opportunités qu'elle offre. En tant que personne basée dans le Sud, plus précisément en Afrique du Sud, cela m'a permis de ne pas être limité.e aux publications qui ne cherchent que des articles sur l'Afrique du Sud. J'ai ainsi pu accéder à des opportunités et à des plateformes à l'échelle mondiale.
En ce qui concerne l'écriture pour IJNet, j'ai trouvé une communauté de rédacteurs qui ont toujours pris en compte mes corrections. Ils ne se contentent pas d'éditer mes articles sur la race, le genre ou la sexualité en partant du principe qu'ils ont toujours raison et que j'ai tort. Je n'ai jamais eu l'impression que mon récit était étouffé ou que je n'avais pas la possibilité d'exprimer pleinement mes idées malgré les corrections.
Photo avec l'aimable autorisation de Nazlee Arbee.