Le journaliste ghanéen Emmanuel Ameyaw a passé son enfance à regarder les informations avec sa mère.
Un soir, la Ghana Broadcasting Corporation a diffusé l'histoire d'un village dont la seule source d'eau était un petit ruisseau. L'eau était rare ; à la suite de ce reportage, une ONG a décidé de construire un puits pour les habitants. Cet impact a inspiré M. Ayemaw à poursuivre une carrière dans le journalisme.
Tout en poursuivant ses études de licence en sciences de la consommation à l'Université du Ghana, M. Ameyaw a fait un reportage pour le média d'information dirigé par les étudiants de l'université. Deux ans après avoir obtenu son diplôme, il obtient son premier emploi de journaliste professionnel, couvrant la politique et les affaires pour TV Africa. Il est ensuite devenu producteur et présentateur des infos au sein du média.
En 2019, M. Ameyaw a participé à un atelier sur le reportage climatique organisé par l'Agence de protection de l'environnement du Ghana, ce qui l’a fait se spécialiser en reportage environnemental. Il a ensuite fait des enquêtes sur des sujets tels que la pollution plastique, l'exploitation minière illégale, la déforestation, les déchets électroniques et bien plus encore.
M. Ameyaw a quitté TV Africa en 2020 et a travaillé sur d'autres chaînes d'information telles que MX24 TV et MOZO TV. En cours de route, il s’est trouvé constamment attiré par les histoires liées au climat.
En 2021, il a lancé The Climate Insight, une organisation médiatique à but non lucratif qui traite exclusivement de sujets climatiques. La même année, il est également devenu membre de la Global Investigative Journalism Conference (GIJC) , et en 2023, il a été lauréat du programme Clean Air Reporting de New Narratives et a fondé le Climate Journalists Network of Ghana. Il est actuellement membre de Hostwriter, de l'Oxford Climate Journalism Network et de Earth Journalism Network.
J'ai parlé avec M. Ameyaw de son expérience en tant que reporter sur l'environnement, de ce qui l'a amené à créer sa propre agence de presse, des difficultés qui en découlent et de la manière dont IJNet l'a aidé tout au long de sa carrière.
Qu’est-ce qui vous a amené à créer The Climate Insight ?
Je suis tombé sur des données selon lesquelles plus de 50 % de la population ghanéenne n'a aucune idée du changement climatique. C'est un rapport réalisé par Afrobarometer.
C’était très frappant pour un pays considéré comme très vulnérable au changement climatique. Il y avait également des problèmes liés au fait que les gens ne comprenaient pas l'impact du changement climatique sur leurs moyens de subsistance. Ainsi, en 2021, j’ai lancé The Climate Insight et l’un des premiers articles que j’ai rédigé portait sur le déversement illégal de déchets électroniques.
Il existe une loi de la Convention de Bâle qui interdit le déversement de déchets électroniques dans les pays en développement. Ce que nous constatons, c'est qu'en dépit de la loi et même des lois locales au Ghana, nous trouvons beaucoup de déchets électroniques déversés et ils finissent dans un endroit appelé Agbogbloshie, où les jeunes hommes plient les déchets électroniques pour fabriquer des fils de cuivre et d'autres matériaux à vendre. C'est très nocif.
Mon article a contribué à déclencher une action gouvernementale visant à nettoyer le site de déchets électroniques. Je ne peux pas m'en attribuer tout le mérite, car d'autres journalistes ont également traité de la question. A travers mon papier, des mois plus tard, le gouvernement les a tous évacués et a récupéré les terres. Cette décharge de déchets électroniques n’est donc plus là, elle a été vidée.
En quoi consiste gérer son propre média d'information indépendant ?
Je dirige la rédaction, je suis le responsable éditorial. Nous avons une petite rédaction composée de seulement cinq journalistes, puis nous avons quelques bénévoles qui écrivent des articles quand ils en ont envie. Nous avons quelques personnes dans le secteur des ONG qui sont également journalistes et qui souhaitent écrire sur des questions environnementales clés. Mais l’équipe de base ne compte que cinq personnes.
J'ai utilisé mon financement personnel pour créer The Climate Insight. Nous disposons d'un petit espace de bureau, qui est gratuit car un proche a décidé de me l'offrir. En termes de durabilité, cela a été un défi. Nous avons essayé d'explorer des moyens de générer des revenus ou de rester à flot. L'une des choses qu’on envisage est le partenariat avec des parties prenantes clés dont les intérêts correspondent à notre travail. Nos principales cibles sont les organisations de la société civile qui offrent des subventions aux médias.
Et parfois, il ne s’agit pas seulement de financement, mais aussi d’outils et de ressources qui peuvent équilibrer notre travail. Je considère IJNet comme un partenaire très utile car, même si nous ne sommes pas directement partenaires, nous comptons énormément sur les ressources gratuites pour former nos collaborateurs et les membres de notre équipe. Nous nous appuyons sur des conseils et des opportunités. Nous sollicitons également des subventions dédiées aux médias pour améliorer nos opérations.
Quels sont les défis que vous avez rencontrés en matière de reportage climatique ?
L'une des questions clés est la sécurité des journalistes. Certains membres du Climate Journalism Network Ghana ont parlé du fait que lorsqu'ils sortent pour couvrir des reportages, les gens pourraient les attaquer. Par exemple, un cartel qui s'engage dans la déforestation : dès qu'un journaliste se rend dans la forêt pour tenter d'enquêter, sa vie est en danger. Il y a des gens qui polluent l’environnement et en tirent profit. Une fois que vous les exposez, vous devenez leur ennemi.
Un autre problème est de pouvoir accéder à des ressources telles que des universitaires et des techniciens qui peuvent ajouter le contexte nécessaire. Si vous faites un reportage sur la pollution et que vous souhaitez faire appel à un expert en air pur, c'est difficile [car] ils sont très occupés.
Il y a aussi la question du financement. Il est incroyablement difficile d'obtenir de l'argent pour voyager dans les régions reculées du Ghana. Les rédactions traditionnelles établies ne sont pas prêtes à financer des articles sur le climat ; elles se concentrent sur la politique. Si vous êtes journaliste dans une rédaction et souhaitez couvrir un sujet environnemental, vous devez trouver votre propre financement ou essayer de convaincre votre responsable éditorial de pouvoir allouer des fonds.
Bien entendu, je dois ajouter que les données climatiques sont très difficiles à trouver. Une grande partie des données sont internationales, provenant de l'ONU et de la Banque mondiale. Il n’existe pas de données qui parlent des situations locales.
Comment IJNet vous a-t-il aidé dans votre carrière ?
Grâce à IJNet, j'ai trouvé et assisté à des ateliers organisés par Mongabay, Climate Tracker, Pulitzer Center et même IJNet. Ensuite, j’ai rejoint l’Oxford Climate Journalism Network, une formation de près d’un an dispensée par l’Université d’Oxford. J'ai trouvé cette opportunité sur IJNet, j'ai postulé et j'ai été sélectionné.
Grâce à l’Oxford Climate Journalism Network, j’ai eu l’inspiration de lancer mon projet actuel, le Climate Journalists Network of Ghana, que nous avons lancé en février de l’année dernière. Nous sommes un réseau de journalistes climatiques et nous nous appuyons les uns sur les autres pour des ressources, des outils et des formations.
Photos gracieusement offertes par Emmanuel Ameyaw.