Les principaux médias indiens ont été soumis à un examen minutieux pour leurs reportages biaisés et leur couverture incomplète des événements majeurs. Les consommateurs d'informations se retrouvent souvent confrontés à un journalisme d'opinion, avec des écrans d'information surchargés et des présentateurs bruyants.
Dans le même temps, la forte dépendance des journaux et des chaînes de télévision aux recettes publicitaires a engorgé l'espace d'information avec des publicités partisanes et des produits, compromettant ainsi la neutralité journalistique.
"Des cris stridents à haut volume et des accusations frénétiques semblent être le lot quotidien des chaînes d'information télévisée aujourd'hui," déclare un récent rapport du Réseau des femmes dans les médias en Inde. Le 2021 Digital News Report de l'Institut Reuters (rapport sur les actualités numériques pour l'année 2021) a mis en évidence "une culture de chaînes d'information 24h/24 opérant sur des modèles de 'Breaking news' et de débats polarisés qui déforment souvent l'information et la rendent sensationnelle."
Cet encombrement et ce parti pris ont de réels inconvénients : une couverture sensationnaliste et un bruit excessif rendent plus difficile la distinction entre un reportage factuel et des opinions.
"Si vous preniez un instantané des actualités, vous verriez qu'il s'agit d'une collection de toutes les choses qui ne méritent pas de faire partie des actualités", déclare Anubha Bhonsle, une ancienne Knight Fellow de l'ICFJ qui a précédemment occupé le poste de responsable editoriale à CNN-IBN. Elle a démissionné de CNN-IBN en 2017, après 11 ans au sein de la chaîne, qui, selon elle, était devenue "l'ombre d'elle-même".
Dans ce contexte, une plateforme qui se contente de présenter des faits exacts est extrêmement précieuse. Pour répondre à cette demande, Mme Bhonsle a lancé en 2019 sa propre plateforme d'actualités numériques, Newsworthy, sur Instagram. La plateforme cherche à fournir à son public "quelque chose qui a de la valeur pour eux, qui est dans l'intérêt public et qui ne les laisse tout simplement pas avec un sentiment d'anxiété."
Désencombrer l'actualité
Newsworthy met en avant les dernières nouvelles quotidiennes sur les questions politiques et sociales en Inde, les grands événements internationaux, le climat et les nouvelles des zones de crise. En outre, ce média présente des annonces de service public et des vérifications de faits, et publie occasionnellement des posts de peintures et de courts poèmes dans une catégorie dédiée à l’art-thérapie.
Le média, basé sur Instagram, n'a pas de site web vers lequel il dirige ses lecteurs. Par contre, il fournit des descriptions détaillées des événements d'actualité par le biais de légendes sur ses posts Instagram. Les posts comportent généralement un titre ou une citation de quelqu'un d'important. Les légendes comprennent leurs propres titres concis et précis, suivis de plus de détails.
Par exemple, un post sur la désinformation posant des risques à l'approche des élections commence par une légende qui dit "ATTENTION". Un autre post, concernant un appel téléphonique entre le premier ministre indien Narendra Modi et le président russe Vladamir Poutine, commence par "HELLO, RUSSIE ?".
Le texte qui suit est divisé en courts paragraphes précédés d'emojis, qui décomposent l'histoire en ses différents éléments. Selon Mme Bhonsle, ces éléments visent à répondre aux questions que les responsables éditoriaux posent souvent à leurs journalistes.
"Qu'est-ce que c'est ? Où ? Quand ? Pourquoi ? Il s'agit en quelque sorte des fondamentaux de la vieille école racontés d'une manière moderne", a-t-elle déclaré.
Les titres plus audacieux et les courtes descriptions des événements d'actualité ont été les aspects les plus essentiels des efforts de Newsworthy pour désencombrer et simplifier l'actualité, déclare Mme Bhonsle.
Le désencombrement, poursuit-elle, ne consiste pas simplement à agréger des informations provenant de différents sites web ou organes de presse et à les présenter dans un format cohérent. Les articles de Newsworthy comprennent le contexte de l'événement, des informations provenant de sources, des citations de personnes clés dans l'histoire et des réactions à l'événement en question.
Lorsqu'ils couvrent des événements internationaux, tels que les récentes frappes aériennes américaines au Moyen-Orient, les articles de Newsworthy mettent souvent l'accent sur les reportages d'organismes de presse réputés tels que CNN, Reuters et Al Jazeera.
"Nous consommons toute une série d'informations - nous appelons des gens, nous appelons parfois des journalistes sur le terrain et nous vérifions les faits", affirme Mme Bhonsle.
Une approche axée sur Instagram
Aujourd'hui, 72 % des jeunes indiens, principalement anglophones, s'informent en ligne. Environ 39 % et 32 % d'entre eux utilisent respectivement Facebook et Instagram pour leur consommation d'informations, selon le rapport 2023 Digital News Report de l'Institut Reuters.
Le choix d'une approche centrée sur Instagram a été influencé par cette réalité, à savoir que les jeunes publics recherchent activement des contenus d'information sur les réseaux sociaux. Instagram était également particulièrement adapté en raison du faible coût de production par rapport à la gestion d'un site web. Un an après avoir lancé sa page Instagram, Newsworthy s'est développé sur YouTube, même si sa portée sur Instagram reste plus importante.
Bien que la plupart des médias d'information en Inde dépendent fortement des recettes publicitaires, Newsworthy est financé par les contributions monétaires de ses lecteurs et par des travaux commandés par ses clients. Pour Mme Bhonsle, il est primordial que le contenu reste librement accessible.
"Je pense que l'information est d'intérêt public, et tant que je peux la gérer, elle doit être gratuite", déclare-t-elle.
Newsworthy.Studio
Newsworthy dépend en grande partie de son agence de création, Newsworthy.Studio, pour ses revenus. Newsworthy.Studio fournit des services aux ONG et aux organisations de développement, aux médias, aux organes de presse et aux écoles de journalisme. Ces services comprennent la production de documentaires, de podcasts, d'animations, de modules de formation, etc.
"C'est un travail pour le client. C'est pour leur communication et leur public", déclare Mme Bhonsle, ajoutant qu'elle se tenait à l'écart de la politique. "Nous travaillons avec des clients et des fondations. Nous ne travaillons pas avec des partis politiques."
L'expansion
L'équipe de Newsworthy compte aujourd'hui cinq membres à temps plein, dont Mme Bhonsle. Le média recrute également des consultants en freelance. "Il s'agit d'un groupe diversifié, dont les membres ne sont pas tous issus du monde de l'information, et c'est pourquoi je pense qu'il est si dynamique", affirme Mme Bhonsle.
Dans l'ensemble, en comptant le personnel à temps plein et les consultants, l'équipe de Newsworthy est un mélange de journalistes, de chercheurs, de spécialistes des données, d'illustrateurs et de développeurs web. Mme Bhonsle cherche à développer Newsworthy, car Meta, la société mère d'Instagram, se retire du secteur de la distribution des actualités, et le trafic des réseaux sociaux pour les actualités est en baisse. Par exemple, le média est en train de lancer une newsletter sur Substack, qui comprendra des reportages plus traditionnels et des interviews originales.
"Je ne suis pas attachée à Instagram ; je ne suis pas une journaliste d'Instagram", déclare Mme Bhonsle. "Je suis juste une journaliste qui a trouvé une audience décente sur Instagram".
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