Après des études de génie électrique, Farhad Babaei a découvert son amour pour la photographie. Il est photojournaliste autodidacte depuis 12 ans. Il a travaillé pour de nombreux titres dont USA Today, Der Spiegel, Le Monde, et il est le photographe iranien officiel pour laif Agentur für Photos & Reportagen en Allemagne.
Le COVID-19 a violemment frappé l'Iran et Babaei était en première ligne pour le photographier. Nous l'avons joint pour qu'il nous parle de son travail durant cette crise.
Découvrez son interview avec IJNet ici :
IJNet : Comment vous êtes-vous retrouvé à photographier la crise du coronavirus en Iran ?
Babaei : Je photographiais les zones inondées d'Iran fin février et début mars. J'ai donc couvert tous les événements qui ont suivi ensuite. A ce moment-là, le grand public ne savait pas vraiment -ou ne voulait pas savoir- que le virus était arrivé en Iran.
Fin mars, lorsque le coronavirus est devenu une menace nationale, j'étais avec ma famille à Babol dans la région de Mazandaran (près de la mer Caspienne) pour le nouvel an iranien. Je n'ai pas pu partir, car Babol était un foyer de COVID-19. J'ai tout de même pu obtenir une licence pour exercer pour laif depuis Babol de la part du ministère de la Culture et de l'Orientation islamique (ndlr : ces permis sont requis pour travailler avec des agences de presse ou de photo non-iraniennes).
Comment prépariez-vous vos sorties au contact de la maladie et comment vous protégiez-vous malgré le manque d'équipement de protection individuelle ?
J'apportais mes propres protections lorsque je me rendais à l'hôpital pour prendre des photos comme les masques et les gants étaient rares en Iran durant les premières semaines de la crise. Je pense que chaque photojournaliste doit toujours avoir ses propres protections afin d'être autonome sur le terrain. Je me suis constitué un stock de couvertures de sécurité, de masques, de gants, de gel désinfectant et une trousse de secours pour ce genre de situation d'urgence depuis un moment.
Quels conseils donneriez-vous aux photographes qui travaillent aujourd'hui dans les hôpitaux et cliniques ?
Un photojournaliste doit être dans sa meilleure forme physique et mentale pour affronter au mieux la situation et faire son travail du mieux possible. Prendre des photos est très compliqué quand on porte son équipement de protection car les masques rendent la respiration difficile. Dans ces conditions, au bout d'un moment, il est possible de souffrir de vertiges, de maux de têtes ou de confusion mentale. Avant d'entrer dans une clinique ou un hôpital, assurez-vous donc d'avoir bien bu et mangé afin de pouvoir tenir plusieurs heures car il sera impossible de se ravitailler une fois en plein travail. Essayez aussi d'être bien reposé avant d'y aller pour avoir le plus d'énergie possible et de vous rendre aux toilettes avant de partir de chez vous pour ne pas avoir à y aller sur place.
Quelles protections utilisiez-vous lorsque vous preniez des photos à l'hôpital ?
Je couvrais mon appareil avec de la cellophane, je refermais toutes les poches et ouvertures de mes habits avec du gaffeur et portais deux masques : un masque chirurgical avec un masque filtrant au dessus. Je faisais des signes aux patients depuis l'entrée de chaque chambre pour demander la permission de les prendre en photo s'ils avaient les yeux ouverts. Sinon, je quittais la chambre.
Quel est votre point de vue sur l'état du journalisme en Iran durant cette crise du COVID-19 ?
Les photographes et reporters sont moins actifs ces jours-ci en Iran car ils n'ont pas accès à assez d'équipement de protection. Il y avait cependant de nombreux photojournalistes actifs au début de la crise. Même aujourd'hui, je vois beaucoup d'entrain et d'enthousiasme pour la photographie et le reportage, bien plus que lorsque la crise a commencé.
Toutes les photos de cet article représentent des patients COVID-19 traités dans les hôpitaux iraniens et les soignants qui les accompagnent. Elles ont été prises par Farhad Babaei, et reproduites avec la permission de laif.