Les élections en Afrique de l’Ouest depuis 2020 ont donné lieu à des transitions démocratiques pacifiques dans des pays comme le Libéria, le Nigéria et le Sénégal, dans un contexte de coups d’État ailleurs dans la région, au Burkina Faso, en Guinée, au Mali et au Niger.
Violences, vols d'urnes, désinformation, achats de voix, absentéisme et suppression des votes ont marqué de nombreuses élections dans la région. Dans de nombreux pays, les journalistes ont été agressés et contraints de privilégier un parti politique ou un candidat particulier dans leur couverture des élections.
D'ici la fin de l'année, trois élections importantes doivent avoir lieu au Ghana, en Guinée et en Guinée-Bissau. Voici quelques conseils pour les journalistes qui se lancent dans leur couverture :
Soyez apolitique
En Afrique de l’Ouest, de nombreux médias appartiennent à des hommes politiques et diffusent des contenus partisans. Les journalistes doivent s’efforcer de ne pas laisser la propriété des médias influencer leur couverture et de ne pas laisser transparaître leurs propres sentiments politiques ou préjugés personnels dans leurs reportages. Tout reportage publié avant, pendant et après une élection doit rester neutre et dénué de tout soutien à un parti ou à un candidat en particulier.
“Votre travail consiste à rapporter les faits, et non à soutenir ou à saper un candidat,” conseille Ridwan Dini-Osman, un journaliste ghanéen qui a couvert les élections présidentielles de 2016 et 2020 dans son pays.
Le journaliste béninois Loukoumane Worou Tchehou avertit que les journalistes devraient éviter de s’aligner sur les acteurs politiques et “éviter de mener une guerre politique par procuration” dans leur couverture électorale, faisant référence à la pratique consistant à aider un candidat politique donné par le biais de campagnes de diffamation contre son adversaire.
Il est préférable de s’en tenir aux faits. “Peu importe ce qui se passe autour de vous, revenez toujours aux faits. Concentrez-vous sur des informations vérifiées comme les résultats officiels, les déclarations et les mesures annoncées,” déclare M. Dini-Osman. Incluez également une diversité de points de vue dans vos reportages, poursuit-il. “Il est important de couvrir tous les aspects de l’histoire. Si vous citez un candidat, assurez-vous d’inclure ce que dit son adversaire. Même si un camp est controversé, sa voix doit quand même être entendue pour donner une image complète.”
Connaissez vos droits et les règles
Les journalistes devraient se familiariser avec leurs droits légaux en lisant ce qui est stipulé dans la constitution et le code électoral de leur pays, conseille Mayowa Oladeji, journaliste à Ripples Nigeria qui a couvert les élections présidentielles et régionales au Nigeria. Connaître ces règles avant le jour du scrutin permettra d'éviter de futurs problèmes qui pourraient entraver le travail de reportage.
Les journalistes devraient également se renseigner auprès des organismes chargés de superviser les élections sur les accréditations avant le jour du scrutin. Par exemple, l’Association des journalistes du Ghana et la Commission électorale du Ghana ont annoncé une période de candidature avec des instructions pour que les médias obtiennent une accréditation pour couvrir les prochaines élections de décembre.
Vérifiez toutes les informations
Pour éviter de diffuser de fausses informations susceptibles d’attiser les tensions lors d’une élection, les journalistes doivent veiller à l’authenticité des déclarations, photos, vidéos et statistiques utilisées dans leurs articles. Même sous la pression d’un responsable éditorial qui leur impose de respecter un délai, il est impératif de vérifier les informations et les citations.
Les journalistes d'Afrique de l'Ouest peuvent visiter les sites Web d'organisations telles que Africa Check, PesaCheck, FactCheckHub et Dubawa pour vérifier les faits sur des histoires sensibles qui peuvent les aider à s'orienter s'ils travaillent sur des reportages similaires.
Les journalistes doivent également éviter de donner de la visibilité à ce que d’autres médias ont publié sans s’assurer que l’information est correcte, notamment si les sources citées dans le reportage sont légitimes.
Saisissez les moments critiques
Les journalistes ont la capacité unique de documenter en direct les moments clés d’une élection. “Les journalistes doivent saisir tout le ‘théâtre’ qu’ils voient le jour du scrutin,” déclare Kwetey Nartey, journaliste à JoyNews au Ghana, qui a couvert cinq élections dans le pays depuis 2008.
Les journalistes doivent interviewer les candidats politiques, les électeurs et, si possible, documenter visuellement les candidats politiques, les responsables électoraux, le matériel électoral et les électeurs. Il faut signaler les conflits qui surviennent entre les autorités ou les agents de sécurité et les électeurs, ainsi que toute perturbation ou tout acte de malversation électorale, comme la manipulation de l'inscription des électeurs, la prise d'empreintes digitales multiples et la falsification des résultats.
Les journalistes doivent couvrir le décompte officiel des voix dans les bureaux de vote afin de garantir l’authenticité des résultats officiels des élections. Certains reporters diffusent même des informations en direct sur leurs comptes personnels de réseaux sociaux ou sur ceux de leurs médias respectifs pour fournir aux téléspectateurs des comptes-rendus en temps réel de ce qui se passe dans le bureau de vote d’où ils font leur reportage.
Prioriser sa sécurité
Les journalistes doivent toujours donner la priorité à leur propre sécurité. Les élections passées au Nigeria et au Ghana, par exemple, ont été entachées de violences dans les bureaux de vote, qui ont fait des morts et des blessés.
Au Nigéria, près de 20 journalistes et médias ont été attaqués lors des élections de l’année dernière, et en 2020, des journalistes ghanéens ont été la cible de tirs et d’agressions alors qu’ils couvraient les élections dans le pays. Dans ce contexte, il est essentiel de disposer d’un filet de sécurité. “Les journalistes doivent travailler avec leurs collègues et leurs guides locaux pour rester en sécurité,” déclare M. Oladeji.
Les rédactions doivent avoir les contacts de la police et des organes électoraux de leurs pays respectifs afin d’aider leurs reporters en cas de problème. Des organisations telles que la Fondation pour les médias en Afrique de l’Ouest et l’Association des journalistes d’Afrique de l’Ouest peuvent également apporter leur soutien aux journalistes de la région.
Il est important d’avoir une stratégie de sortie au cas où les choses deviendraient incontrôlables, ajoute M. Dini-Osman.
Photo de Fatima Yusuf via Pexels.