"Qu'est-ce que vous aurez aimé que votre maman vous dise ?" C’est la question que pose Diane Audrey Ngako, Camerounaise et fondatrice de l’agence de communication Omenkart, à tous ses invités dans son podcast à succès intitulé Si maman m’avait dit. Deux fois par mois, elle donne la parole à une femme, un homme pour libérer la parole sur des sujets tabous, comme l’endométriose ou la polygamie en Afrique. Et ça marche, car le format audio préserve l’intime et l’image de l’invité.
Appréciés pour leur facilité d’accès, autant en terme de production que de distribution, les podcasts sont en forte diffusion dans le monde et se développent de plus en plus en Afrique francophone.
Il est très difficile d’obtenir des chiffres sur la consommation de podcast en Afrique. Les méthodes de mesure ne sont pas les mêmes et le plus souvent, le public n’a pas une définition claire du podcast.
Cependant, selon le Reuters Digital News Report, en Afrique du Sud et au Kenya, environ 40 % des personnes les plus éduquées, en zone urbaines, sont des utilisateurs mensuels de podcasts. "En Afrique, les smartphones sont plus dominants que dans le reste du monde (ce qui favorise le développement de nouveaux usages). Cependant, il existe quelques contraintes autour de la bande passante qui affectent la croissance", précise le rapport.
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Lancé en avril 2020, Conversation Privée est l’une des dernières pépites de cet écosystème du podcast en Afrique francophone. Deux fois par mois, depuis Abidjan, entrepreneurs, top managers, journalistes, acteurs du monde de la mode et de la culture, révèlent l’envers du décor de leur métier, de leur vie et partagent leur vision du monde et de la réussite à Jessica Brou.
“Au départ, je suis une grande consommatrice de podcasts. J'en écoute 3 à 4 heures par jour dont des podcasts d'actualité, d'histoire, et de développement personnel et professionnel. Mais je trouvais que les podcasts de développement ne résonnaient pas vraiment avec mon quotidien en Côte d'Ivoire et certaines réalités en Afrique francophone”, m’explique Jessica qui souhaitait avant tout découvrir et faire découvrir des personnes qui évoluent professionnellement en Afrique francophone.
Les réseaux sociaux incontournables pour se faire connaître
Dans le milieu du podcast, la découvrabilité de ces productions sonores reste un enjeu clef pour de nombreux auteurs et autrices du monde. Pour ces derniers, il faut donc être ingénieux. “J'en parle beaucoup autour de moi et quand un épisode est susceptible d'interpeller un proche, je le lui partage (je n'apprécie pas qu'on m'envoie des messages transférés à des dizaines de personnes donc j'évite moi-même cette pratique). Et puis, les réseaux sociaux sont incontournables. Conversation Privée a une page Instagram et un compte LinkedIn. Et LinkedIn est un allié redoutable qui aide à la "découvrabilité" du podcast”, ajoute Jessica.
Un autre podcast fait également ses premiers pas au Mali. Réalisé par Hadèye Fofana et Mohamed Sissoko, il se nomme Tounka qui signifie "aventure" en langue bambara.
“Nous avons choisi ce nom car nous considérons que la littérature est une aventure. Notre but est de faire voyager ceux qui nous écoutent à travers nos voix, mais aussi de les entraîner avec nous dans l’univers des livres dont nous leur parlons chaque vendredi sur notre chaîne Youtube ”. précisent les jeunes producteurs.
Pour eux, la jeunesse malienne ne lit pas assez, faute d’accès à la culture ou d’outils pour stimuler l’intérêt pour la littérature.
“Tounka est donc né du souci de faire découvrir/redécouvrir la littérature à une jeunesse malienne et africaine qui doit plus que jamais s’armer de la littérature du continent et d’ailleurs, mais aussi de ses hommes et de ses femmes de lettres pour comprendre et affronter le Monde. Nous nous donnons également pour mission de mettre en lumière des auteurs oubliés de notre continent”, me confie Hadeye. L’un des derniers épisodes du podcast racontait la vie et l’oeuvre de l’écrivain Yambo Ouologuem, écrivain malien, auteur du Devoir de violence et Prix Renaudot en 1968.
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Et pour obtenir le résultat souhaité, les moyens sont sommaires. Hadèye et Mohamed enregistrent uniquement avec leurs smartphones. Le podcast est exclusivement sur Youtube et WhatsApp sert à communiquer sur le podcast.
Pour quel modèle économique ?
Si dans les pays anglophones du continent africain, il existe une industrie du podcast qui commence à se mettre en place, avec un festival du podcast au Kenya (annulé malheureusement cette année à cause de la crise sanitaire mondiale), des applications d’hébergement comme Afripods, en Afrique francophone, personne ne vit de son rôle de podcasteur et les défis sont nombreux.
Le coût élevé de la connexion à internet et une méconnaissance du format dû notamment au faible intérêt des plateformes d’écoute pour ces pays, sont autant de freins au développement rapide du secteur.
Abèdjè Sinatou Saka est journaliste béninoise et cheffe de projet éditorial à RFI et France 24. Elle est notamment en charge du développement des podcasts des chaînes.
Elle est à l'origine du podcast Afrofuturismes, diffusé sur RFI en août 2019. Une création originale qui sonde l'histoire d'un mouvement né aux Etats-Unis et qui questionne les futurs africains.
Photo sous licence CC Icons8 Team via Unsplash
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