Comment faire face à la mésinformation et à la désinformation en période d’incertitude

Si vous n’avez que quelques minutes, voici les points clés abordés dans l’article : 

• La mésinformation et la désinformation ont tendance à se propager plus fréquemment et plus rapidement en période d’incertitude et de changement.  
• La hausse de la propagation de la mésinformation et de la désinformation se produit en partie parce que nous, les humains, avons une aversion pour l’ambiguïté et essayons de trouver des réponses. 
• Pour communiquer efficacement en période d'incertitude, il est utile d'être transparent sur ce que nous savons et ce que nous ignorons. Il est également important de prêter attention aux formats dans lesquels nous recevons les informations et d'analyser avec prudence toutes les données que nous rencontrons.

Alors que les États-Unis attendent le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, l’incertitude règne quant à ses déclarations sur les expulsions massives, les coupes dans les services sociaux et les modifications drastiques des politiques d’éducation et de santé. 

Compte tenu du contexte, il n’est pas étonnant que certains membres des communautés hispaniques et latinos du pays se sentent anxieux.  

Il est prouvé, comme l’a démontré la pandémie de COVID-19, que la désinformation vise à exploiter nos émotions. Elle tend également à se propager plus loin et plus rapidement en période de changement et d’incertitude. Lorsque les gens ont des questions et qu’il existe des lacunes dans l’information, les désinformateurs (ceux qui profitent des mensonges) entrent en jeu, en proposant “comme par magie” des réponses ou des solutions qui semblent souvent simples.

En gardant cela à l’esprit, voici quelques conseils pour vous éviter de tomber dans le piège ou de partager du contenu faux ou alarmiste.

La transparence

Pendant des semaines, chez Factchequeado, nous avons reçu du contenu et des questions de nos partenaires médias et des membres de la communauté via notre chatbot WhatsApp sur les mesures que l'administration Trump pourrait probablement adopter lorsque le président prendra ses fonctions le 20 janvier 2025. 

Même si nous aimerions répondre à toutes ces questions et, espérons-le, contribuer à apaiser les craintes, l’un des piliers de la vérification des faits, et du journalisme dans son ensemble, est d’être transparent sur ce que nous savons et ce que nous ne savons pas. 

Dans le rapport Comment communiquer l'incertitude, publié en 2020 par Chequeado, Full Fact et Africa Check, le point ci-dessous est pertinent dans le contexte actuel : 

“En tant que vérificateurs de faits, nous encourageons les individus et les organisations à étayer leurs dires par des preuves et à s'assurer que les faits sont exacts. Nous aidons le public à comprendre ces preuves en les résumant et en donnant notre avis sur le poids des  preuves. Cela implique de trouver un équilibre délicat entre l'explicitation des incertitudes et des nuances lorsqu'elles existent, tout en étant clair sur les points sur lesquels nous pensons que les preuves pointent dans  une direction particulière.

Et pourtant, si reconnaître l’incertitude est essentiel pour  vérifier les faits de manière fiable, la manière dont nous la communiquons est également importante. Elle affecte la  compréhension du public et façonne la confiance dans les chiffres et les communicateurs eux-mêmes."

Les connaissances

Voici quelques idées sur comment communiquer les informations de manière précise en période d’incertitude, tirées de l’étude citée ci-dessus, qui a principalement analysé la littérature anglo-américaine :

• Le format est essentiel. Les formats utilisés pour communiquer des informations liées à l’incertitude ont une incidence directe sur ce que les gens peuvent comprendre et sur la façon dont ils interprètent ces informations.
• Les êtres humains ont un besoin inné de connaître des informations et sont réticents à l’ambiguïté. Les sujets étudiés par des chercheurs américains et d’Europe occidentale au fil des ans ont partagé une préférence pour les paris sur des résultats connus et une aversion pour l’ambiguïté. Il y a cependant des limites à ce que nous savons. Un certain niveau d’incertitude est inévitable, en raison des limites de notre capacité à mesurer des données basées sur des informations passées ou sur des informations qui n’existent pas encore. Une autre réalité simple est que toute prédiction sur l’avenir est faite sur la base d’une probabilité.
• Les mots sont plus faciles à comprendre que les chiffres, mais ils sont moins précis. Certains calculs, le jargon spécialisé ou les grandes quantités telles que “milliards” peuvent être difficiles à conceptualiser et peuvent rebuter certains membres du public lorsqu’il s’agit de communiquer des chiffres et des données.
• Il est nécessaire d’être explicite sur les ordres de grandeur pour communiquer clairement l’incertitude. Les expressions verbales de quantités ont également leurs limites. Le simple ajout d’un mot comme “estimé” ne suffit pas à aider les gens à comprendre un chiffre spécifique, comme la croissance du chômage ou la baisse de la criminalité, car il englobe toute une gamme de scénarios possibles.
• Lors de la communication des probabilités de résultats, des termes inexacts tels que “probable” peuvent être interprétés de différentes manières. Pour certains, cela peut représenter une probabilité de 60 % ; pour d’autres, de 30 %.
• Le public a tendance à accumuler les expressions verbales de probabilité. Si l’on regarde ce qui se passe actuellement dans les médias et les réseaux sociaux américains, lorsqu’un consommateur lit dans diverses sources que quelque chose est “probable”, certains en viennent à interpréter à tort que quelque chose est “très probable”. Ce n’est pas parce que l’on lit à plusieurs reprises qu’il y aura des expulsions massives ou que le ministère de l’Éducation sera fermé que cela augmente la probabilité que ces événements se produisent. En même temps, la possibilité que ces événements se produisent ne peut pas non plus être exclue. 

Comme l'explique l'anthropologue et chercheuse Dora-Olivia Vicol dans le rapport, une série d'expériences a montré que les expressions verbales d'incertitude (des phrases telles que “les chiffres pourraient être plus élevés ou plus bas”) diminuaient légèrement la confiance des lecteurs dans les chiffres en question et dans les journalistes qui les rapportaient.

Il existe également des preuves montrant que la confiance diminue lorsqu'un résultat s'avère contraire à la probabilité exprimée dans une prédiction “certaine”. En bref, la manière dont l'incertitude est communiquée affecte la confiance du public dans l'information et dans les professionnels qui la partagent. 

Ces limites peuvent toutefois être atténuées. En étant précis sur nos incertitudes, sur ce que nous savons et sur l’existence d’un désaccord éventuel sur ces informations, nous, journalistes, pouvons maintenir la transparence sans obscurcir l’ensemble du message.

Recommandations

Voici quelques recommandations pour communiquer des informations en période d’incertitude :

• Soyez transparent
• Soyez précis sur ce qui est incertain
• Indiquez l'incertitude autour des données existantes en utilisant des fourchettes numériques entre parenthèses, après la valeur principale
• Soyez prudent lorsque vous utilisez de grands nombres et du jargon
• Découvrez comment nous pouvons aider les membres du public à mieux gérer l'incertitude

Factchequeado est une organisation médiatique de vérification des faits qui lutte contre la désinformation en espagnol aux États-Unis en créant une communauté de partenaires à l'échelle nationale. Vous souhaitez vous impliquer ? Rejoignez l'effort en envoyant le contenu que vous souhaitez vérifier sur WhatsApp de Factchequado : +16468736087 ou sur factchequeado.com/whatsapp.

Image principale avec l'aimable autorisation de Factchequeado. 

Cet article a été publié à l'origine par IJNet en espagnol.