Si vous avez grandi dans le même milieu que moi, des numéros des magazines Ebony, Jet et Essence traînaient toujours à la maison, ainsi qu'un exemplaire du journal noir local. Il était indispensable de lire chacun d'entre eux, de la première à la dernière page, car chaque titre proposait une perspective différente de l'expérience noire.
Après tout, seul Jet avait la rubrique "Beauty of the Week” (la Beauté de la semaine), n’est-ce pas ?
Plus sérieusement, l'ensemble de ces publications laissait percevoir une image plus globale de ce qui se passait au sein des communautés noires de l'Amérique. Mais les Noirs ne sont pas un monolithe, alors nous avons besoin d’encore plus : plus d’actualités, de solutions et d'informations qui reflètent et amplifient ce dont nous parlons dans nos quartiers, chez le coiffeur, en famille et entre amis.
Heureusement, avec le lancement ce mois-ci de Capital B, un tout nouveau média d'actualité locale et nationale à but non lucratif, nous disposons d'une source d'information en plus, créée par et pour les Noirs.
Mais si Capital B est une initiative nouvelle, ses racines ne le sont pas.
Dans un article expliquant leur décision de lancer le site, les deux fondatrices, Lauren Williams et Akoto Ofori-Atta, journalistes de longue date, ont écrit qu'elles s'inspiraient directement de la tradition de la presse noire.
"L'attention portée au public par la presse noire, non seulement dans la narration, dans l'amplification des voix, mais aussi par l'échange d'informations précieuses, est centrale à son histoire. Et elle est au cœur du lancement de Capital B", écrivent Mmes Williams et Ofori-Atta.
Cette tradition signifie également que Capital B se concentre sur "la production d'un journalisme approfondi sur des sujets d'une importance cruciale pour les Noirs du pays, tels que l'éducation, le logement, la santé, l'environnement, la justice pénale et la politique", selon son site web.
C’est pourquoi le site national de Capital B a été lancé avec une série d'articles sur la récente vague d'embauche de chefs de police noirs ainsi que sur les programmes éducatifs (ou plutôt leur absence) dans les prisons. Un site hyper-local Capital B a également été créé pour couvrir Atlanta, permettant, par exemple, aux lecteurs de “A-Town” de se renseigner sur les centres de dépistage du COVID-19.
Bien sûr, ce genre d'informations ne peut se retrouver dans la presse grand public sans l'aide de rédacteurs en chef qui en voient la valeur. Ils pourront ainsi donner leur accord pour des reportages centrés sur ce dont les Noirs ont besoin pour vivre leur vie pleinement et librement.
Mmes Williams et Ofori-Atta ont discuté de ce manque de représentation avec Andrew Ramsammy, responsable des contenus et de la collaboration à la Local Media Association, qui collabore avec les éditeurs de 10 des principaux médias au capital détenu par des Noirs aux États-Unis pour produire Word In Black [ndlr : le site à l’origine de cet article].
"Pour la plupart des journalistes noirs employés par des grands médias, tout le monde sait que c'est un travail à plein temps pour eux de devoir expliquer pourquoi ils devraient couvrir les communautés de couleur", raconte M. Ramsammy. "Dès que vous retournez travailler pour la presse noire, cette conversation n’a plus lieu d’être."
Avec le droit de vote en jeu, la pandémie qui ravage nos communautés, et sûrement peu de temps avant que le nom de la prochaine personne noire tuée par la police ne devienne un hashtag viral sur les réseaux sociaux, nous avons plus que jamais besoin de ces conversations et de ces reportages. Nous avons besoin de médias qui ne considèrent pas les Noirs uniquement comme des problèmes, qui rendent compte des solutions et de ceux qui agissent au sein de la communauté noire. Le fait que les grands médias diversifient leurs reportages ou créent une rubrique dédiée aux préoccupations des personnes noires sur leur site web ne suffit plus.
"Les médias noirs fournissent toujours un contexte culturel et historique, une perspective différente aux informations", dit Cheryl Thompson-Morton, directrice de la Black Media Initiative, au Washington Post. "Ils le font simplement d'une manière qui est tout simplement noire, faute d'une meilleure façon de le dire."
Capital B fait désormais partie d'un écosystème médiatique qui cherche à honorer l'héritage de 195 ans de presse noire et qui cherche à rendre justice aux personnes noires, ici et maintenant. Pourtant, cela ne suffit pas. Comme l'a déclaré Lauren Williams, la cofondatrice du site, au Post : "Nous n'essayons pas de garder le monopole, et nous ne pensons pas que nous devrions l'avoir. Nous pensons qu'une communauté mérite d’avoir plusieurs options."
Cet article a d’abord été publié par Word in Black. Il a été republié sur IJNet avec leur accord.
Photo fournie par Word in Black.