Quand votre public vous soutient : adhésions et dons pour les médias en exil

1 août 2025 dans Pérennité des médias
Des espèces dans des mains

Cet article a été initialement publié dans notre boîte à outils pour les médias en exil, produite en partenariat avec le Réseau des médias en exil (NEMO) et avec le généreux soutien du Fonds d'urgence Joyce Barnathan pour les journalistes.


Dans l'écosystème médiatique indépendant actuel, les programmes d'adhésion — qui se distinguent des « abonnements » traditionnels — et les campagnes de financement participatif prennent de plus en plus d'importance, en particulier pour les médias à but non lucratif.

La logique derrière ces modèles est simple mais puissante : si vous animez une communauté fidèle, engagée et reconnaissante, vous pouvez l'inviter à soutenir financièrement votre travail.

Parmi les médias latino-américains en exil, Confidencial (Nicaragua) et El Pitazo (Venezuela) ont tous deux testé ces approches, avec des résultats différents. Le programme « Membres et amis » de Confidencial tourne toujours, tandis qu'El Pitazo a mis fin à son initiative d'adhésion après deux ans en raison d'un faible retour sur investissement.

Le cas d'El Pitazo : de grands espoirs, une dure réalité

En 2022, El Pitazo avait des raisons d'être optimiste. Une enquête préliminaire a révélé que plus de 60 % des personnes interrogées étaient prêtes à contribuer financièrement. L'équipe a mis en place différents niveaux d'adhésion, conçu du contenu exclusif et lancé le programme.

Mais la réalité n'a pas été à la hauteur des attentes. Le nombre d'adhérents n'a jamais dépassé les 100 personnes. De plus, bon nombre de ceux qui s'étaient inscrits n'étaient pas intéressés par les avantages offerts ni par la participation à la communauté.

« Ils répondaient à nos invitations par des phrases telles que : “C'est bon, je vous soutiens [...] mais je ne veux pas m'impliquer. Je suis trop occupé” », se souvient le directeur César Batiz.

Le programme comportait également des coûts cachés (temps, infrastructure, communication continue) qui ont mis à rude épreuve une équipe déjà limitée. Dans le contexte d'un Venezuela appauvri et fragmenté sur le plan numérique, l'effort dépassait largement les revenus.

En avril 2023, El Pitazo a pris la décision stratégique de mettre fin au programme. Non pas comme un échec, mais comme un choix financièrement judicieux. « Nous ne pouvions pas continuer à consacrer autant d'énergie à quelque chose qui rapportait si peu », explique César Batiz. « Mais je n'échangerais pour rien au monde ce que nous avons appris. »

Le cas de Confidencial : cadrage civique, changement culturel

L'un des défis les plus subtils mais les plus critiques auxquels Confidencial a été confronté a été d'éduquer son public sur ce que signifiait réellement l'adhésion. Dans un environnement où la plupart des gens associent le paiement de contenus à des abonnements commerciaux (comme Netflix ou Spotify), le média a dû clairement distinguer son programme.

L'équipe de Confidencial a communiqué de manière cohérente : l'adhésion n'était pas un service payant ou transactionnel. Son contenu resterait gratuit et ouvert. L'adhésion était plutôt un acte volontaire d'engagement civique, un moyen de défendre le droit collectif à l'information et de soutenir le journalisme indépendant en difficulté.

« Confidencial est un média en libre accès. Nous n'avons pas de service payant, car nous pensons que le journalisme indépendant est un bien public. Mais le développer a un coût. C'est pourquoi nous invitons nos lecteurs à contribuer au maintien du média, afin de défendre leur droit à l'information », peut-on lire dans le message public décrivant leur programme d'adhésion.

Malgré les obstacles, le modèle porte ses fruits. Confidencial a mis en place une communauté de soutien active, en particulier au sein de la diaspora nicaraguayenne. Les adhésions ne constituent pas encore la principale source de revenus du média, mais elles sont devenues un pilier symbolique et pratique de son indépendance.

L'exil a également imposé des adaptations techniques : traitement des paiements internationaux, assistance dans différents fuseaux horaires et gestion des différents niveaux d'accès numérique.

Mais le plus grand défi est peut-être d'ordre culturel : il s'agit de réaffirmer sans cesse que l'adhésion n'est pas une question d'exclusivité, mais de solidarité. Que la valeur ne réside pas dans ce que l'on reçoit, mais dans ce que l'on aide à rendre possible pour les autres. Il s'agit d'une forme d'éducation civique à long terme, qui exige patience, clarté et cohérence.

 


Photo de Christian Dubovan sur Unsplash.

M. Nieves a écrit ce texte dans le cadre de sa bourse ICFJ Knight.