Cet article est issu du 19e webinaire organisé par le Forum de reportage sur la crise sanitaire mondiale. Il s'est tenu le 22 octobre 2020.
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Après avoir évoqué au cours des précédents webinaires la façon dont le Sénégal et le Burkina Faso ont géré la crise du coronavirus, celui-ci a été dédié au cas des Seychelles. Il a eu pour objectif d’élucider la question émanant du cas de cet archipel de l’océan indien qui a réussi à "dompter" le coronavirus. Depuis le début de la pandémie du COVID-19, les Seychelles n’ont déploré aucune perte en vie humaine. Le pays ne totalise à ce jour que 153 cas de contamination sur les 1,6 million de cas recensés en Afrique.
Au cours ce webinaire, Rassin Vannier, journaliste et directeur de l'agence de presse des Seychelles et correspondant pour l'AFP et Ayi Renaud Dossavi-Allipoeh, journaliste et écrivain togolais, ont dévoilé la façon dont les Seychelles ont géré la pandémie du COVID-19 et les politiques sanitaires qui ont été mises en place. Ce webinaire est aussi une occasion pour les autres pays d’apprendre du succès de cet archipel qui s’est très bien adapté avec la crise.
Privé de ressources du tourisme, l'archipel s'est tourné vers la pêche
Prenant la parole, Rassin Vannier, a expliqué que les Seychelles, dont l'économie repose sur le tourisme, ont fermé leurs frontières en mars pour éviter que le virus ne se propage. Privé de revenus touristiques, l'archipel de l'océan Indien s'est tourné vers la pêche, deuxième principal secteur d'activité économique pour obtenir des devises étrangères. Paradis du tourisme de luxe, le pays accueille chaque années plusieurs centaines de milliers de touristes.
S’appuyant sur l’industrie du tourisme et de la pêche, l’île connaît un ralentissement important de son activité. Par effet domino, le secteur de la pêche est touché également. L’absence de devise n’est pas sans conséquence : les Seychelles dépendent grandement des importations, qui fournissent 90 % de ce que l’archipel consomme.
Des centaines de Seychellois travaillant dans le secteur touristique sont désormais sans emploi et la roupie seychelloise a perdu plus de 40 % de sa valeur face aux principales devises étrangères. L’inflation est galopante ainsi que le coût de la vie, fait-il savoir.
Sa faible densité démographique, une partie de l'explication ?
"Le gouvernement doit procéder à la réouverture des frontières, condition sine qua non, pour laisser les devises étrangères", explique le journaliste. Le gouvernement a mené une politique très spéciale au profit de population et le prix stable des produits de premières nécessités. Le journaliste se demande jusqu'à quand le gouvernement continuera à jouer cette compensation.
Face à la question de savoir si la faible densité démographique est l’un des atouts qui ont permis au pays de gérer cette crise, Rassin Vannier n’a pas été catégorique. Depuis la confirmation d’un premier cas lié au COVID aux Seychelles, de nouvelles mesures sont appliquées pour faire face à la pandémie, informe -t-il.
S’agissant de la manière de relancer le tourisme après la pandémie, l’intervention du gouvernement seychellois est tombée à point nommé, il a fourni trois mois de salaire pour soutenir l’industrie du tourisme et l’économie du pays.
Si le gouvernement n’était pas intervenu pour soutenir son industrie du tourisme, cela aurait causé une "catastrophe" a déploré Rassin Vannier. Malgré les aides de l'Etat pour payer les salaires, hôtels et restaurants ont dû se séparer d'une partie de leurs effectifs.
A côté du tourisme sur lequel l’économie seychelloise repose, il y a aussi l’industrie de la pêche : "Avec la Côte d'Ivoire, nous avons la deuxième importante usine de conserverie de thon", l'industrie thonière, bien que pourvoyeuse de devises, n’est pas suffisante pour soutenir l’économie.
Il a ajouté que les réserves des Seychelles sont de 18 mois soit 500 millions de dollars de réserve, pour l’instant la situation n’est pas à déplorer. Les autorités espèrent un retour des touristes en décembre, à la haute saison, avec la reprise des vols de la majorité des compagnies aériennes vers les Seychelles, destination haut de gamme.
Sans compter que l'Europe, d'où viennent l'essentiel des touristes, fait face à une seconde vague de contaminations.
Il a ajouté que le revenu annuel par tête des Seychellois est de 17 000 dollars, aligné avec la Libye, pays producteur du pétrole.
S’agissant des perspectives du tourisme, le journaliste voit d’un bon œil l’avenir aux Seychelles et ce, malgré la pandémie. La sécurité, les plages paradisiaques, la tranquillité, la proximité sont autant d’atout qui peuvent encourager les touristes à venir séjourner aux Seychelles.
Les tests de dépistage gratuits
Concernant la politique de santé mise en place dans le pays, Rassin Vannier a déclaré que la santé est gratuite, n’importe quel problème de santé est pris en charge par l’Etat, mis à part les opérations critiques, elles sont soignées au Sri Lanka et en Inde. "C’est le meilleur système de santé en terme de vie et de mortalité" confirme-t-il.
Et d’ajouter, tous les tests de dépistage sont gratuits. D’autres mesures restrictives ont été mises en place notamment le port des masques et la fermeture des bars, la distanciation sociale, le couvre feu. La réactivité déployée a empêché la pandémie de se propager.
Les Seychelles ont préféré adopter une approche sanitaire consistant à privilégier la santé de ses citoyens comme priorité incontournable au détriment de l’activité.
Vue les mesures draconiennes dont le pays est contraint d’adopter, l’économie seychelloise en sera déséquilibrée. Le tourisme, moteur clef de l’économie, ayant reçu un coup de plein fouet.
Le pays actuellement reçoit des emprunts de la Banque africaine de développement ainsi que de la part d’autres institutions, mais cette dette ne doit pas constituer un fardeau pour le pays dans les années à avenir selon lui.
"Les Seychelles, un exemple de gestion sanitaire"
De son côté, Ayi Renaud Dossavi-Allipoeh, journaliste et écrivain au Togo, a indiqué que les taux d'infection sur le continent africain restent faibles et que l'Afrique a été relativement épargnée par la pandémie de coronavirus contrairement à d’autres pays où le niveau de contamination est monté en flèche.
Pour le journaliste, la densité démographique aux Seychelles est l’un des atouts qui ont permis au pays d’avoir su gérer la crise. Les Seychelles sont un exemple dans la gestion sanitaire et les autres pays peuvent en tirer des leçons. La rapidité de la réaction du pays pour contenir l'épidémie avait joué un rôle majeur. Les Seychelles ont préféré la fermeture de l'espace aérien très tôt, à partir du mois de mars. Pour un pays qui dépend du tourisme, "ils ont fait un choix très difficile" affirme-t-il.
D’après Ayi Renaud Dossavi-Allipoeh, les autres pays africains peuvent apprendre des Seychelles leur réactivité dans la gestion des premiers cas, parce que le temps est un facteur majeur dans la gestion de la pandémie, "la rapidité d’action et la façon dont on fait des tests ciblés pas nécessairement de masse permettent de circonscrire la propagation de la pandémie".
Des défis différents selon les pays
Certes l’archipel est un modèle à suivre mais comparaison n’est pas raison d’après lui, puisque les économies différent d’un pays l’autre. "On peut tirer des leçons, mais en contextualisant, les défis ne sont pas les mêmes."
Quelle a été la participation des médias dans la lutte contre la pandémie ? Pour Rassin Vannier, les autorités seychelloises ont trouvé en la communication le moyen ultime pour informer, responsabiliser la population via des points de presse deux fois par semaine. Elles ont vite compris que cette bataille ne pouvait être gagnée qu’avec les journalistes. Les journalistes sont devenus alors des alliés pour contribuer à l’effort de l’information.
S’agissant de Ayi Renaud Dossavi-Allipoeh, il a déclaré qu’au niveau du Togo, la presse a joué un rôle fondamental, les réseaux sociaux regorgent de fake news, les populations ont vite compris qu’il faut se remettre à des informations officielles.
Certains journalistes se sont spécialisés en fact checking pour orienter, démêler le vrai du faux, ils se sont vus joué le rôle de boussole. Il fallait donc récompenser ces journalistes, estime t-il.
Photo sous licence CC Alin Meceanu via Unsplash
Saida Ammor est journaliste au Maroc, pour Libre entreprise Magazine, dédié aux PME, TPE. Elle est titualire d'une Licence en langue et littérature françaises