Guinée : la presse « contrainte au silence », tente de résister

نوشته Mamoudou Diallo
Sep 3, 2024 در Liberté de la presse
Conakry

En République de Guinée, la junte militaire au pouvoir est accusée de musèlement de la presse qui perdure depuis novembre 2023. Tout a commencé par la restriction d’accès à plusieurs sites d’information, puis le brouillage des ondes de radios privées, le décrochage de ces mêmes médias (radios et télés), des canaux de distribution, notamment Canal + et startimes. À l’époque, le gouvernement évoquait « des impératifs de sécurité nationale ». 

Depuis le 22 mai 2024, la situation s’enlise avec le retrait des agréments des trois plus grands groupes de médias privés de Guinée, Radio Espace, Espace TV, et Sweet FM du groupe HADAFO ; Djoma Tv et Djoma Fm du groupe Djoma média et FIM FM du groupe GFM). Le Syndicat professionnel de la Presse de Guinée (SPPG) s’est aussitôt mis en action pour réclamer le droit d’informer et d’être informé.  

Bien avant ces actes, le 5 août 2022, Mohamed Bangoura, directeur de publication de mosaiqueguinee.com a été convoqué dans un camp militaire. Le 18 avril 2024, Mamoudou Babila Keita, l’administrateur général du site inquisiteur.net et son organe ont été suspendus pour six mois pour « diffamation » par la Haute Autorité de la Communication. 

La résistance 

« Avant le retrait des agréments de ces trois groupes de médias, le SPPG était déjà dans la résistance puisque cette campagne de musellement de la presse qui dure depuis novembre 2023 a commencé par le brouillage des ondes FM de ces entreprises de presse. Nous avions appelé les professionnels de l’information à observer une journée sans presse le 11 décembre pour protester contre ces brouillages illégaux. Ensuite, nous avons programmé une série de manifestations de rue qui allaient commencer par celle empêchée le 18 janvier 2024. Ce jour-là, des camions et pick-ups de la gendarmerie nous ont assiégés toute la journée à la maison de la presse de Guinée avec, à la clé, neuf reporters arrêtés. Le même jour, j’ai été arrêté en pleine circulation alors que je revenais du tribunal de Dixinn où nous avions obtenu un classement sans suite du dossier de ces neuf journalistes. À ma sortie de prison le 28 février, nous avons continué le combat pour la libération de ces médias qui étaient toujours brouillés », raconte Sékou Jamal Pendessa, le secrétaire général du SPPG. 

« Nous avons écrit au mouvement syndical guinéen pour obtenir le principe d’aller à une grève générale et illimitée. Les leaders syndicaux se sont retrouvés le 30 mai dernier pour rendre publique une déclaration dans laquelle ils ont réitéré leur soutien au combat légitime du SPPG et exigé la restitution des agréments des médias affectés pour éviter à la Guinée une nouvelle crise sociale aux conséquences imprévisibles », informe le SPPG. 

Le syndicat, conseillé par certaines personnalités œuvrant pour le dialogue, a même sollicité une audience avec le président de la transition pour solutionner le problème. « Certaines personnalités nous ont rencontrés pour nous suggérer de privilégier d’abord le dialogue et des démarches administratives avant d’engager toutes actions de protestation. Nous avons adressé le 2 juillet dernier une demande d’audience au Président de la transition pour échanger avec lui autour de cette crise qui mine le secteur des médias depuis huit mois maintenant. Mais nous n’avons pas encore eu de réponse. En tout état de cause, nous préparons une réunion du bureau pour évaluer la portée de cette démarche administrative et définir la conduite à tenir », promet le syndicaliste.

Reconvention et adaptations 

À l’avènement du Conseil national du Rassemblement pour le développement (CNRD) en 2021, la presse n’avait pas autant de difficultés, fait remarquer Sékou Jamal Pendessa. Il décrit l’impact négatif sur le paysage médiatique. « Au début de cette transition militaire qui a commencé le 5 septembre 2021, la presse n’avait pas autant de soucis de liberté. Mais à partir du 10 mai 2022 date à laquelle Mohamed M’bemba Condé de radio Espace Kindia a été tabassé par des gendarmes sur le terrain de reportage, la junte a pris une allure carrément liberticide ».

Les journalistes contraints au chômage tentent tant bien que mal de résister. « Désespérés, certains confrères essayent de se reconvertir pour trouver de l’emploi dans d’autres secteurs alors que l’écrasante majorité de ces professionnels sont contraints au chômage. Actuellement, la presse en ligne joue un grand rôle pour informer le public. Au niveau des médias fermés aussi, certains journalistes ont créé des pages Facebook et d’autres pour en faire des Web TV », pendant ce temps, ajoute Sékou Jamal Pendessa, près de 1 000 emplois sont perdus dans les médias.

Du côté des responsables des médias interdits, peu d’informations sont disponibles. « Pour l’instant nous faisons le choix d’attendre que le gouvernement revienne sur son arrêté. Tout est aujourd’hui établi qu’il n’est ni juste, ni légal. Mais c’est une mesure administrative que nous respectons. Nous espérons que nous serons autorisés à reprendre nos activités », ajoute Jacques Lewa Léno, directeur général de Espace TV, l’une des chaînes interdites au pays.

En conférence de presse le 25 juillet dernier, le porte-parole de la présidence de la république affirme que « l’État a donné les agréments aux médias et l’État a retiré ». Nous avons contacté le président de la Haute Autorité de la Communication, il n’a pas voulu répondre à nos appels et nos écrits.

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Photo by Tim Oun on Unsplash